Jean-Michel Blanquer (dans un livre) et Emmanuel Macron (dans ses déclarations de candidat à la présidence de la République) ont annoncé une solution de principe ''tranchante'' : « quatre épreuves terminales », et le reste en « contrôle continu ». Mais le diable se cache dans les détails (au risque de masquer les reculades possibles au moment de passer à l'acte) : quelles épreuves terminales, dans quel ordre temporel ; et, surtout, quel ''contrôle continu'' (la principale pierre d'achoppement ).
Le moins que l'on puisse dire, c'est que les indications de la mission Mathiot sur ces points sont passablement alambiquées et que la « simplification » du baccalauréat en principe recherchée peut aboutir au contraire à une complexité (voire une lourdeur) encore plus grande.
Cinq épreuves terminales, dont une en première et en juin (le français) et quatre en terminale (les deux épreuves des deux disciplines choisies en ''majeures'', au retour des vacances de printemps ; puis la philosophie et un ''grand oral'' inédit , en juin) .Pour le reste, valse hésitation : recours au ''contrôle continu'', avec les notes de première et terminale ; ou des ''examens ponctuels'', types ''partiels'' en fin de semestre (les sujets proviendraient d'une base nationale ou académique ; les copies seraient anonymes) ; ou panachage de ces deux modalités...
Le ministre de l'Education nationale a été prévenu dès le début de la rentrée scolaire 2017-2018 : « ''nous ne sommes pas du tout favorable à un passage en contrôle continu" déclare Frédérique Rolet, du Snes-FSU. "Il ne peut pas y avoir de consensus sur ces questions-là entre les organisations syndicales'', affirme Jean-Rémi Girard, du Snalc. À la fin, c'est la décision politique qui s'imposera. Il faudra alors voir jusqu'à quel degré grandit la contestation…Chez les lycéens, on se tient prêt à toute éventualité : "Si le contrôle continu au bac et la sélection à la fac sont instaurés, nous serons favorables à une mobilisation lycéenne et étudiante", explique Coline Mayaudon, déléguée nationale du Syndicat général des lycéens » (« Educpros », 4 septembre 2017).
En prime, un historique des tentatives avortées. On se limitera à l'évocation des plus marquantes (le plus souvent sélectionnées en raison surtout de la célébrité de leurs promoteurs).
En février 1896, le ministre de l'Instruction publique Emile Combes (connu plus tard pour être le ministre qui a fait interdire d'enseignement les congrégations au début du XXe siècle) propose le passage des élèves des établissements secondaires publics devant leurs professeurs (soit après la classe de première, soit après les terminales ''philosophie'' ou ''mathématiques élémentaires''). Le jury aurait été présidé par un délégué de l'Etat, choisi sur une liste établie par le conseil académique. Le recteur en aurait désigné les membres annuellement. Et ce « certificat de fin d'études secondaires » aurait été délivré in fine par le ministre. Ce projet ''Emile Combes'' n'aboutit pas.
En novembre 1950, Michel Debré dépose un amendement au sein du Conseil de la République : « Afin de consacrer la fin des études du second degré, un certificat (dit de fin d'études secondaires) serait instauré, avec une première et une deuxième parties, selon les principes en usage pour le baccalauréat actuel. Il serait délivré dans chaque établissement public d'enseignement du second degré, par un jury particulier à l'établissement, mais présidé par un représentant du recteur. Ce certificat serait accordé ou refusé au vu des notes obtenues en cours d'année, sous réserve de certaines épreuves, pour les élèves dont les notes seraient insuffisantes ». Là encore, ce projet de « certificat de fin d'études secondaires » n'aboutit pas.
En 1962, la première partie du baccalauréat (qui se passait en première pour un certain nombre de disciplines) est transformée en ''examen probatoire'' organisé au sein de chaque établissement. La décision a été prise alors que Michel Debré était Premier ministre. Mais la Société des agrégés fait courir la rumeur que les examinateurs ont eu tendance à faire preuve d'une bienveillance coupable pour leurs élèves (ce qui est d'ailleurs infirmé si l'on prend connaissance des statistiques des taux de reçus, qui diminuent en fait un tout petit peu...). Toujours est-il que la suppression de l'examen'' probatoire'' est décidée dès 1964 (alors que l'agrégé de lettres classiques Georges Pompidou a succédé à Michel Debré à la place de Premier ministre). Et il est finalement remplacé par les ''épreuves anticipées de français'' qui permettent de maintenir une première évaluation ''terminale'' en fin de première.
En 1989, au moment de la première « loi d’orientation » (celle de 1989) , le ministre de l’Education nationale Lionel Jospin lance le projet d’introduire le contrôle continu en cours de formation pour les baccalauréats. Mais devant les réactions très vives rencontrées (en particulier du SNES et du SNALC), il annonce en juillet 1990 l’« ajournement » de ce projet
Huit ans plus tard, le ministre de l’Education nationale Claude Allègre annonce à son tour une réforme du baccalauréat prévoyant l’introduction du contrôle continu dans un certain nombre de disciplines, parallèlement au maintien d’épreuves terminales. Mais cette réforme est finalement victime du retrait des réformes envisagées par Claude Allègre exigé par ses adversaires qui obtiennent in fine sa démission en 2000.
En 2005, le ministre de l’Education nationale François Fillon met en exergue dans son projet de la deuxième « loi d'orientation » une proposition importante de modification des modalités d’obtention du bac : ramener d’une douzaine à six les épreuves terminales du diplôme, les autres matières étant validées par un contrôle continu ou en cours de formation en première et terminale . Mais il est en butte à de vives mises en cause de la part du SNES, le principal syndicat des professeurs y voyant un risque de rupture de l’égalité « avec des baccalauréats dont la valeur dépendrait des lycées fréquentés » (on notera cependant que les universitaires évaluent et certifient leurs propres étudiants sans que cela suscite ce genre d'appréhensions). Elles sont suivies par des manifestations puis des grèves de lycéens prenant une grande ampleur. François Fillon doit renoncer.
Lors de son discours sur l'éducation prononcé le 10 avril 2014, François Fillon revient à la charge : « En 2005, j’ai voulu, mais je n’ai pas pu, traiter cette question. Je persiste et signe. Je propose de réduire à 4 le nombre d’épreuves en renforçant les exigences de chacune d’entre elles pour permettre la réussite dans l’enseignement supérieur. Chacun sait que le baccalauréat actuel est marqué par une dispersion des savoirs exigés ; au fil des années, le nombre d’épreuves a augmenté parallèlement à un déclin des exigences attachées à chacune d'entre elles. Le baccalauréat doit comprendre une épreuve de français passée à la fin de la première début juillet et trois épreuves en terminale portant sur les matières dominantes de la série passées début juillet, afin de rendre au baccalauréat une valeur qu’il n’a plus et de mieux préparer aux études supérieures. Les disciplines ne faisant pas l’objet d’épreuve pourront être notées dans le cadre du contrôle continu »
Y-a-t-il une fin à l’éternel retour ?