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Billet de blog 23 mars 2009

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«L'élitisme républicain»

Les sociologues Christian Baudelot et Roger Establet viennent de faire paraître au Seuil sous ce titre un ouvrage majeur sous-titré : " L’école française à l’épreuve des comparaisons internationales ".

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Les sociologues Christian Baudelot et Roger Establet viennent de faire paraître au Seuil sous ce titre un ouvrage majeur sous-titré : " L’école française à l’épreuve des comparaisons internationales ".

Leur pari ( et ils n’ont pas tort - à mon sens - de le faire, car ils le tiennent ) est de contribuer à renouveler le débat nécessaire sur l’Ecole française en s’efforçant d’échapper ainsi aux problématiques ( assez usées ) franco-françaises par la médiation des résultats des comparaisons internationales, notamment celles de PISA ( Programme for international student assessment, ou Programme international pour le suivi des acquis des élèves ).

Fidèles à leur réputation d’iconoclastes, ils ne craignent pas de reprendre à leur compte pour l’essentiel les enquêtes de PISA ( après s’en être expliqué de façon serrée dans un chapitre intitulé : " Qui a peur de PISA ? " ). Et cela alors même ( comme ils le disent d’ailleurs ) que la France est l’un des pays de l’OCDE où elles ont été les plus mal reçues, où " les responsables politiques préfèrent les tenir dans une semi-confidentialité en limitant autant que faire se peut les publications officielles à leur sujet ", et où " les enseignants, de leur côté, se méfient de la culture de l’évaluation qu’elles véhiculent, avec son cortège de notions honnies et trop vite associées aux politiques néolibérales : benchmarking, indicateurs de performance, etc ".

Il ne s’agit pas non plus pour eux de sacrifier aux joies ( médiatiques ) du palmarès. Car ils sont convaincus qu’il ne saurait être sérieusement question d’imiter tel(s) ou tel(s) pays ( qui ont, et auront toujours, leurs spécificités ) et que l’intérêt des évaluations de PISA ne réside donc pas " dans les apparences trompeuses d’un palmarès international des premiers de la classe qui s’imposeraient comme des modèles à suivre, ‘’Finland über alles !’’ " ( disent-ils, non sans un brin de provocation ).

Pour Christian Baudelot et Roger Establet, " L’intérêt des enquêtes de PISA, qui est immense, se situe ailleurs. Elles doivent être considérées pour ce qu’elles sont : un nouvel outil de connaissance. Leur richesse réside dans le détail de leurs tableaux, les écarts qu’ils manifestent et les inflexions de leurs courbes, non dans les notes globales qu’elles délivrent ". Et c’est ce qu’ils mettent en œuvre d’ailleurs dans leur ouvrage, avec présentation de moult tableaux statistiques, qu’ils commentent avec précision et rapprochent d’autres études françaises. " Ces comparaisons internationales ont le grand mérite – concluent-ils – de nous obliger à porter sur notre système d’enseignement un regard nouveau, pas nécessairement désespéré, mais qui pointe explicitement ses forces et ses faiblesses. Elles permettent, grâce à la richesse des données recueillies, de faire la part entre ce qui dépend de l’école et de ce qui ne dépend pas d’elle ".

Et c’est dans cet esprit que sont abordés un certain nombre de thème sensibles ( qui sont autant de chapitres du livre, aux intitulés évocateurs ), traités à partir de la comparaison des résultats effectifs obtenus parmi l’ensembles des pays concernés par les enquêtes de PISA.

" Egalité, efficacité : même combat " ( " les élèves en échec "" l’élite est bonne quand la masse n’est pas mauvaise " " La France, pays du grand écart ").

" Redoubler ne sert à rien, vive le tronc commun ! " ( " un record français " " les effets du redoublement " " les vertus du tronc commun " ).

" L’égalité sociale au service de la réussite scolaire " ( " le poids des familles " " anatomie du capital culturel " " la France, paradis de la prédestination sociale " ).

" Moins une société est inégale, meilleure est son école " ( " l’école ne peut pas tout " " l’égalité , moteur de l’efficacité " " des marges de manœuvre non négligeables " ) ;

" Les enfants d’immigrés ne font pas baisser le niveau "

" Supériorité des filles et domination des garçons "

Bref, ça décoiffe ! Et Christian Baudelot et Roger Establet concluent : " Les évaluations de PISA appellent un débat public, comme elles en suscitent dans beaucoup de pays. Mais aucune amélioration ne pourra être durablement apportée tant que les ministres auront pour seule boussole une logique comptable de diminution des dépenses publiques, tant qu’ils laisseront le système se réguler de lui-même par la suppression de la carte scolaire, ce qui revient à accentuer encore les clivages ethniques et sociaux ; tant que la presse réduira les résultats des comparaisons internationales à des scoops ou à des palmarès stigmatisant implicitement les enseignants ; tant que les familles considéreront l’école comme une affaire privée, obnubilées par la recherche du meilleur placement pour leurs propres enfants ; tant que les enseignants refuseront de s’approprier les résultas de PISA et des autres types d’évaluation afin de prendre ensemble les mesures susceptibles d’améliorer la justice sociale et l’efficacité de notre école. Pari impossible ? Difficiles à réunir, ces conditions sont néanmoins nécessaires : ne pas lutter contre ces tendances et laisser faire la ‘’nature’’ condamne notre système scolaire à accentuer ses défauts et à enregistrer tous les trois ans des résultats de plus en plus mauvais. Ces comparaisons internationales nous obligent à faire de l’éducation un enjeu national de première urgence ".

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