C’est du moins ce qui ressort d’un sondage commandité par CNews, EuropeI et le JDD et effectué par OpinionWay auprès d’un échantillon représentatif de 577 enseignants du primaire et du secondaire ( 21 % d’entre eux n’exprimant pas d’intentions de vote)
Pendant longtemps les intentions de vote des enseignants en faveur de Jean-Marie Le Pen ont été très marginales. Une petite montée a commencé lors du premier tour des présidentielles de 2007 selon un sondage effectué en février 2007 par l’IFOP pour « Le Monde de l’éducation » : 3 % des intentions de vote en faveur de Jean-Marie Le Pen. Puis Marine Le Pen atteint les 5 % dans le sondage réalisé par l’IFOP pour le « Monde de l’éducation » en février 2012.
Et si l’on suit les indications du tableau 5 établi par Luc Rouban dans sa « Note de recherche pour l’élection présidentielle 2022 » à partir des données de l’enquête présidentielle 2022 par Cevipof et Ipsos, vague 24, d’avril 2021, elle aurait eu 10 % de déclarations d’intentions de vote parmi les suffrages exprimés des enseignants, contre 8 % en 2017.
Avec désormais 15 %, cette montée du vote des enseignants en faveur de l’organisation dirigée par Marine Le Pen serait manifestement confortée et s’enracinerait dans le monde des enseignants même si cela reste nettement minoritaire et loin de l’estimation du vote de l’ensemble des Français (15 % contre 31%). Ce serait indéniablement un fait nouveau et l’on peut s’interroger sur sa signification : changement d’’’univers mental’’ pour nombre d’enseignants ou simple ‘’radicalisation’’ ?
Un élément qui était déjà apparu lors des élections de 2002 et que l’on avait déjà mis en valeur dans l’article paru dans « The Conversations » du 11 mai 2023 plaide plutôt en faveur de la simple ‘’radicalisation’’ « Dès le 19 avril 2022, il a été indiqué dans le journal ‘’20 minutes’’ que ‘’selon une enquête du Cevipof pour le second tour, 48 % des enseignants seraient prêts à voter pour Emmanuel Macron et 22 % pour Marine Le Pen’’. Puis le 25 avril, sur RTL, il a été mis en avant qu’’’ un quart des professeurs a voté pour Marine Le Pen au second tout des présidentielles selon une étude du Cevipof’’. Même s’il convient de relativiser (car au premier tour on choisit et au second tout on élimine, ce qui n’a pas le même sens), cela donne à réfléchir », plutôt dans le sens d’une « radicalisation » que d’une « conversion » d’ailleurs.
Il ne faut pas oublier non plus que cela fait longtemps qu’une partie importante des enseignants votent à droite. Quelques exemples . Sondage SOFRES pour le « Monde de l’éducation » : 18 % en décembre 1977. Sondage SOFRES en avril 2002: « Jacques Chirac : 23 %. Sondage IFOP (« Monde de l’Education », mars 2007) : Nicolas Sarkozy : 19%.
On a été longtemps , dans les différentes élections, à un étiage autour de 20 % du vote enseignant en faveur de ce qu’on appelle parfois la ‘’droite de gouvernement’’. Or selon le sondage OpinionWay paru dans le JDD du 20 mai dernier, le candidat de la droite Bellamy (LR) ne recueillerait que 5 % des intentions de vote des enseignants (5 % au lieu de 20%...). Cela plaide aussi en faveur d’une ’’radicalisation ‘’ plutôt que d’une ‘’conversion’’
Il y a cependant lieu d’apporter in fine quelques précisions. Les intentions de votes ne se répartissent pas de la même façon selon que les enseignants appartiennent au service public de l’Education nationale (80 % d’entre eux) ou bien sont des enseignants d’établissements privés (20 % d’entre eux). Et cela revêt d'autant plus d'importance que nous sommes dans le contexte d’un certain regain de l' affrontement public-privé.
Selon le sondage OpinionWay de mai 2024, les intentions de votes des enseignants dans le public se porteraient à 14 % en faveur du Rassemblement national et à 4 % en faveur de la liste Reconquête emmenée par Marion Maréchal (soit 18 %). Dans le privé : 22 % pour le RN et 8 % pour Reconquête (soit 30%) . Dans le public : 4 % pour LR (Bellamy) ; dans le privé 8 %. Dans le public, 9 % seulement pour « Renaissance » (la liste gouvernementale) ; mais encore 23 % dans le privé. Dans le public : 18 % pour Europe- Ecologie -les Verts, 28 % pour le PS (Glucksmann) et 11 % pour LFI (soit 57%) ; dans le privé : 9 % pour Europe -Ecologie-les Verts, 11 % pour le PS et 1 % pour LFI ( soit 21%)
On voit les différences public- privé : elles seraient et resteraient importantes et significatives. Ce qui accrédite d’ailleurs plutôt les résultats publiés du sondage OpinionWay qui doit être être pris, comme tout sondage, avec quelque distance et circonspection; mais qui ne devrait pas être non plus être pris à la légère.