Jeudi et vendredi : brevet. Va-t-il y avoir à son tour un «temps du brevet» comme il y a actuellement un «temps du bac» fortement ritualisé, et comme il y a eu sous la troisième République un «temps du certif»' non moins ritualisé ?
Le Certificat de fin d'études primaire ou ''centificat''
«'' Le seul examen que connaissent les paysans bretons est le certificat d'études primaires, le bachot des gueux, qu'ils appellent le centificat, lui donnant ainsi la splendeur d'un magnificat laïque...''. Le ''centificat''' ! (on devrait écrire : Santificat). Comme ce nom transfigure l'humble ''bachot des gueux''! On devine dans l'âme de ceux qui le prononcent un respect mystique. Le certificat, ce n'est qu'un examen ; le centificat, c'est un sacrement.''. Ne raillons pas. Dans cette admiration, il y a quelque chose de touchant. Et qui ne serait ému de voir l'accueil fait par ces braves gens aux écoliers qui ont affronté l'examen ? '' Le soir, le bourg va les chercher sur la route pour leur faire un retour triomphal'' » (Paul Lapie, directeur de l'enseignement primaire, article « Le certificat » dans « La Revue Pédagogique », 1925, 2, pages 311-312).
La ''semaine sainte'' du baccalauréat » et ''les certificats de fin d'études secondaires''
La ''semaine sainte'' a débuté mercredi dernier avec sa grand-messe d'ouverture, l'épreuve de philosophie dont les sujets ont été diffusés ''urbi et orbi'' même par les plus massifs des organes de presse. En ''oubliant'' le plus souvent que presque le tiers des candidats ne passaient pas d'épreuves de philosophie, ceux des baccalauréats professionnels. Rien ne peut mieux exprimer le mythe de l'existence d'un baccalauréat foncièrement ''unique'' ; alors que dans la réalité il n'existe que des baccalauréats très différents les uns des autres, à la limite de fait de « certificats de fin d'études secondaires''.
C'est pourquoi les taux de reçus (au delà généralement de 80%) n'ont rien d'extravagant en soi s'il s'agit bien de « certificats » de telle ou telle « fin d'études secondaires ». Mais ces taux de réussite peuvent faire problème si l'on prétend qu'ils sanctionnent un véritable baccalauréat unitaire d'accès aux différentes entrées de l'enseignement supérieur. Les taux de succès au « certificat de fin d'études primaires » ont d'ailleurs, en leur temps, le plus souvent dépassé eux aussi les 80% (la sélection se faisant en amont de la présentation aux épreuves du certificat de fin d'études).
Et cela fait bien plus longtemps qu'on ne le croit que certaines personnalités ont proposé de changer l'appellation (trop peu ''contrôlée'') du « baccalauréat » et de lui substituer l'appellation (et la conception) de « certificats de fin d'études secondaires ». On peut citer en particulier le ministre de l'Instruction publique Emile Combes (connu plus tard pour être le ministre qui a fait interdire d'enseignement les congrégations au début du XXième siècle)en février 1896 et Michel Debré en novembre 1950.
L'existence, jusqu'ici incertaine, du ''brevet''
Le « brevet » n'a jamais eu la place emblématique du « baccalauréat » ou du « certificat d'études primaires » comme le montre son histoire assez tourmentée, et ses appellations et fonctionnements plutôt instables.
Au XIXème siècle, le « brevet » est d’abord un « brevet de capacité » qui certifie que l’on est « en capacité » de devenir maître (ou maîtresse) d’école, et plus généralement un examen qui est parfois requis (directement ou indirectement) pour être « en capacité » d’exercer certains métiers.
Au cours du temps, le lien du « brevet » avec l’accès à certaines professions se distend nettement. En 1947, dès le début de la forte augmentation du taux de scolarisation dans l’enseignement secondaire qui commence sous la quatrième République, le « brevet » est transformé en « brevet d’études du premier cycle du second degré » ( BEPC), son appellation nouvelle signant ce qu’il est devenu avant tout , à savoir un examen qui scande un cursus scolaire - celui du secondaire - désormais clairement constitué de deux ‘’’cycles’’. Mais ce n’est nullement une condition pour passer en classe de seconde.
Il est d'ailleurs décidé en 1978 que les élèves ayant fait l’objet d’une orientation vers le second cycle de l’enseignement secondaire n’ont pas besoin de passer les épreuves du brevet pour l’obtenir. A partir de 1981, le diplôme - désormais intitulé « brevet des collèges » - est attribué sans examen, au vu des seuls résultats scolaires.
En 1986, un « examen écrit » (en mathématiques, français, histoire-géographie-éducation civique) est réintroduit par le ministre de l’Education Jean-Pierre Chevènement avec le triple objectif annoncé de « revaloriser le diplôme », de « motiver » davantage les élèves, et de les « préparer » à aborder des examens ultérieurement.. Lors de sa première mouture, le taux de reçus ne dépasse pas 49%.
En 1988, le « diplôme national du brevet » est créé avec trois séries (collège, technologiques et professionnelles). Il est pour l'essentiel le résultat de cette longue histoire foncièrement compliquée, une histoire qui s’est d'ailleurs davantage encore ‘’emballée’’ ces dernières années au point que l’on a abouti à un montage tout à fait composite et intenable où différentes ‘’strates’’ se juxtaposent sans se conjuguer.
Le Conseil supérieur des programmes et le ministère de l'Education nationale devraient faire bientôt des propositions susceptibles d'opérer une clarification et une stabilisation manifestement nécessaires, et de donner peut-être une « seconde vie », voire une « vraie vie » au « brevet »
Par ailleurs, l'ancien ministre de l'Education nationale François Fillon s'est distingué sur ce sujet lors de son discours sur l'éducation en avril 2014 en faisant une proposition nouvelle (réitérée telle quelle récemment) : « Il faut donner un sens au brevet ! La situation actuelle où des élèves qui n’ont pas eu le diplôme national du brevet sont cependant admis en seconde est incompréhensible. C’est pourquoi, même si je sais que cela sera discuté, je propose de poser une règle claire : le brevet est nécessaire pour entrer au lycée ».
Ce serait effectivement une nouveauté radicale en son genre (mais est-elle souhaitable ?), car le brevet n'a jamais été la condition pour entrer en classe de seconde.