Ces difficultés sont loin d'être inédites, tant s'en faut. Il y a eu en effet dans le passé des périodes où l'on a eu dans les écoles, les collèges ou les lycées une proportion très importante de non-titulaires, mis en place le plus souvent sans aucune formation professionnelle et recrutés hors concours ou procédures normales sans que cela soulève une émotion forte, la révolte, ou même une simple bronca.
Par exemple, un rapport du 4° Plan en date de 1964 estime que les nouveaux postes de l'enseignement primaire ont été couverts à partir de 1955 par des « remplaçants » à raison de plus de 10000 par année. Entre 1951 et 1964, environ 70000 normaliens (la voie normale pour être « titulaire ») ont été recrutés contre environ 90000 non-normaliens nommés par le biais latéral du « remplacement ». Face à cette situation pour le moins inédite (et qui l'est restée...), la formation d'un semestre donnée alors à certains de ces « suppléants » ou « remplaçants » paraît historiquement dérisoire, car l'effectif touché a oscillé durant toutes les années 1960 entre 1200 et 1300.
Au cours des années 1960, les « collèges » (CEG et CES) sont amenés à recourir massivement à des recrutements de « fortune » pour faire face à la marée montante des élèves en raison de la démographie et de la poursuite des études de beaucoup d'entre eux. En 1967, sur dix professeurs de collège (CEG ou CES), six seulement sont titulaires. Le pourcentage de titulaires s'améliore ensuite assez rapidement, puisque le taux de non-titulaires s'établit en 1975-1976 à 11% pour les collèges et 8% pour les lycées. C'est l'effet d'une augmentation des recrutements par concours, mais surtout de plans de résorption de « l'auxiliariat » qui n'exigent ni formation dédiée ni acquisition de diplôme. Et ce taux descend même à moins de 5% durant le début des années 1980; pour repartir à la hausse (importante , mais moindre que dans la période des années 1960) en raison de la mise en oeuvre progressive de l'ambition de « 80% des élèves au niveau bac en l'an 2000 » . Là encore, pas de problématiques concernant alors le nombre et la place des contractuels (et des modifications qui seraient à entrevoir quant au statut « normal » de fonctionnaire d'Etat du professeur).
Le 30 mai 2018, le « Rapporteur des crédits de l'enseignement pour la Commission des finances du Sénat », Gérard Longuet, conclut que c'est « le cadre de gestion des titulaires, qu’il s’agisse de leurs obligations réglementaires de service définies sur une base hebdomadaire, comme des règles de remplacement, [qui] est à l’origine de rigidités nécessitant d’avoir recours aux heures supplémentaires ou aux contractuels ». Il demande de « modifier le décret de 2014 relatif aux obligations réglementaires de service des enseignants du second degré afin d’en annualiser le temps. »
En ouverture de sa présentation du rapport de la Cour des Comptes sur le statut des enseignants, Sophie Moati (présidente de chambre à la Cour des Comptes) avait déclaré que « le mode de gestion des personnels [de l'Education nationale] pousse à l'extension continue des contractuels. C'est une tendance lourde pour accroitre leur nombre car il n'y a pas d'assouplissement de la gestion des enseignants ».
Le 13 mai 2019, un an plus tard et dans un cadre plus large (celui de la Fonction publique toute entière, mais où l''Education nationale figure pour la moitié des fonctionnaires d'Etat), Olivier Dussopt ( alors secrétaire d'État auprès du ministre de l'Action et des Comptes publics) présente ainsi la loi de transformation de la Fonction publique devant l'Assemblée nationale: « Le projet de loi opère une profonde modernisation de la gestion des ressources humaines dans la Fonction publique [...]. Le deuxième pilier du projet de loi vise à développer les leviers managériaux pour une action publique plus efficace, avec comme premier objectif – peut-être l’une des mesures les plus emblématiques de ce texte – l’ouverture accrue du recours aux contrats. »
Pour Sylvia Pinel (PRG), « en dépit de l’apparente marche arrière du Président de la République sur la suppression annoncée de 120 000 postes de fonctionnaires, nous ne sommes pas dupes : le texte définit de fait le cadre d’une réduction des effectifs de fonctionnaires à plus ou moins brève échéance ».
A suivre et à voir. En cette rentrée, le recteur de l'académie de Créteil Daniel Auverlot a expliqué au ministre de l'Education nationale Pap Ndiaye en visite à Créteil mardi dernier qu'il n'a pas respecté dans certains cas la règle selon laquelle les titulaires passent avant les contractuels : « notre politique a été de fidéliser les contractuels » .