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Billet de blog 24 octobre 2023

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Attal, le tyranneau aux priorités sans cesse changeantes

Le tyranneau est un tyran putatif sans envergure. Or Gabriel Attal met en scène une volonté – sa volonté - pour se valoriser. Mais elle est sans cesse changeante au gré des circonstances, et souvent d’une application réelle pour le moins improbable voire parfois impossible.

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Cela a commencé dès son discours d’intronisation au ministère de l’Education nationale le 20 juillet 2022 ; « Les absences de professeurs non remplacés seront ma priorité »

Une semaine après, le 27 juillet, le nouveau ministre de l’Education nationale proclame urbi et orbi qu’il a « fixé la lutte contre le harcèlement moral comme la priorité absolue » de son ministère.

Le 28 août, lors de sa conférence de rentrée scolaire, il apparaît que la cadence de la succession des ‘’priorités’’ du ministre de l’Education nationale Gabriel Attal ne faiblit pas : «  la première priorité est d’élever le niveau des quelques 11993500 élèves des écoles, collèges et lycées » (on admirera la précision quantitative, sans doute pour s’efforcer d’être crédible).

Et il conclut en affirmant que ses priorités sont claires  (même si elles restent quelque peu mystérieuses et évanescentes telles qu’elles sont formulées) : «Mes priorités, dit-il, sont claires : élever le niveau, faire respecter les droits et les devoirs, bâtir une école qui émancipe et qui élève».

Que veut-il vraiment ? Et veut-il vraiment quelque chose  en dehors de la mise en valeur de son ‘’volontarisme’’ via le forcing rhétorique des mises en exergue successive de priorités o combien changeantes ?

Il lui arrive en tout cas d’annoncer des décisions , alors même que sa légitimité en l’occurrence est pour le moins douteuse (c’est son côté ‘’tyrannique putatif’’) et que le passage effectif à l’acte est pour le moins improbable voire impossible (c’est son côté ‘’tyranneau’’). On se contentera de deux exemples, mais il y en a bien d’autres possibles...

Qui est il, par exemple, pour prétendre décider tout de go d’un certain nombre de ‘’manières de faire’’ dans l’enseignement du français ? Or c’est pourtant ce qu’il s’empresse de faire dès le 15 septembre 2023 en miroir (susceptible d’être flatteur pour lui) d’une tribune publiée dans « Le Monde » interpellant l’enseignement actuel du français : « Si, chaque jour, dans chaque classe du cours élémentaire, deux élèves étaient chargés après l’école d’écrire un très court texte racontant une histoire et de la lire le lendemain matin devant leurs camarades, nous ferions des pas de géant pour l’imaginaire. De la même manière, nous devrons travailler à ce que, en CM2, chaque semaine, les élèves produisent au moins un texte libre, que ce soit un récit d’invention, un texte artistique ou une réflexion sur une thématique donnée [...] Nous devons abolir les’’ textes à trous’’ dans les apprentissages au cours moyen et au collège, et instaurer un test de rédaction intégré aux évaluations nationales pour l’ensemble des élèves »

On sait pourtant que l’un des points d’achoppement de l’attractivité du métier enseignant ces dernières années ainsi que la montée de la rogne grandissante des professeurs ont justement pour origine la façon dont les enseignants se sont sentis maltraités par des annonces multiples par voie de presse sur ce qu’ils devraient faire. Et cela alors que les professeurs sont recrutés à des niveaux de qualification de plus en plus élevés (le master actuellement). Les enseignants sont des cadres supérieurs rémunérés comme des cadres intermédiaires qui, par dessus le ‘’marché’’ se sentent traités en exécutant ! Or Gabriel Attal, focalisé sur sa propre promotion, néglige tout cela et se comporte sans aucun état d’âme en ‘’tyranneau’’. « Bâtir une école qui émancipe et qui élève » disait-il le 28 août, une quinzaine de jours avant… Un cas d’école !

Par ailleurs, on est ce faisant à rebours de ce qu’annonçait le Chef de l’État à la mi-septembre 2022 dans sa « Lettre aux professeurs et personnel de l’Education nationale » : « Nous voulons une école où chaque professeur se sente reconnu [...]. Je vous fais toute confiance : c’est vous qui connaissez le mieux vos élèves et leurs besoins, c’est donc vous qui savez le mieux comment les faire réussir [...] Partir du terrain pour rénover notre école : c’est, en quelque sorte, par rapport aux réformes engagées jusque-là, une révolution copernicienne que je vous propose »

Mais le tyranneau Gabriel Attal n’en a cure et continue sur sa lancée promotionnelle personnelle qui paraît lui réussir jusqu’alors. Dimanche dernier, sur BFMTV,  il a mis en avant avec une insistance renforcée une nouvelle ''priorité'' : : "ma priorité, mon obsession, c'est que de nouvelles mesures soient prises pour la protection des élèves et des professeurs [...] Je vous le redis, la priorité de protéger les élèves et les professeurs, c'est cela mon obsession". Et Gabriel Attal n’a pas résisté une nouvelle fois à se mettre en valeur en tentant de faire accroire qu’il est maître du jeu et qu’il pouvait décider de l’exclusion de 183 élèves . « 183 élèves, écartés après contestation et apologie du terrorisme lors de la minute de silence en hommage à Dominique Bernard et Samuel Paty resteront exclus des établissements scolaires et ne seront plus accueillis à la rentrée" (cf ‘’Gabriel Attal Actu’’).

Philippe Tournier (ex-secrétaire général du SNPDEN) n’a pas manqué (avec d’autres) de rappeler avec à propos que « seuls des conseils de discipline (qui votent à bulletins secrets) peuvent prendre cette décision".

Confusion et limites finales du ‘’tyranneau’’ ? Ce serait trop beau...Mais à force, cela finira par se voir.

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