Dans son discours du 26 septembre 2017, Emmanuel Macron, avait été très net voire péremptoire : « Erasme, dont on disait qu’il était le précepteur de l’Europe, affirmait déjà qu’il fallait demander à chaque jeune de ’’parcourir le continent pour apprendre d’autres langues’’ et ‘’ se défaire de son naturel sauvage’’ […] Notre fragmentation n’est que superficielle. Elle est en fait notre meilleure chance. Et au lieu de déplorer le foisonnement de nos langues, nous devons en faire un atout ! L’Europe doit être cet espace où chaque étudiant devra parler au moins deux langues européennes d’ici 2024. Au lieu de regretter le morcellement de nos contrées, renforçons les échanges ! En 2024, la moitié d’une classe d’âge doit avoir passé, avant ses 25 ans , au moins 6 mois dans un autre pays européen ».
Lors de son grand discours sur l’Europe du 26 septembre 2017, Emmanuel Macron avait souligné que le choix du grand amphithéâtre de la Sorbonne n’était pas fortuit car la « relance du sentiment d’appartenance » passait nécessairement par l’éducation et la culture : « le ciment le plus fort de l’Union sera toujours la culture et le savoir ». Et c’est ainsi qu’il entendait développer le programme Erasmus de façon à ce que « chaque jeune Européen » (étudiant ou apprenti) « ait passé au moins 6 mois dans un autre payse européen » ( 50 % d’une classe d’âge dès 2024)
Nous sommes en 2024. Et nous sommes à l’évidence très loin du compte. C’est sans doute pourquoi il n’y a eu aucune évocation en ce sens dans le nouveau discours d’Emmanuel Macron sur l’Europe en Sorbonne (mais alors pourquoi en Sorbonne?) . Focalisation (limitée) sur les apprentis.. Et évocations (très en retrait) que les étudiants puissent « circuler en train partout en Europe » et que le Pass culture, créé en France en s’inspirant d’un dispositif italien, soit proposé au niveau européen… Voilà, voilà pour la culture et l’Ecole dans le grand dessein pour l’Europe…
Dans ce contexte et en l’occurrence, l’évocation et la mise en valeur (dans ce second discours d’Emmanuel Macron sur l’Europe) de la symbolique du « capital humain » n’est pas fortuite et prend tout son sens : elles figurent bien son centre de gravité (dans tous les sens du terme)
Cette expression de « capital humain » date de plus longtemps qu’on ne le pense le plus souvent . Elle apparaît à la fin du Second Empire, en pleine période de révolution industrielle et d’ouverture des frontières en Europe occidentale (baisses des barrières douanières).
On peut citer en particulier Victor Duruy, ministre de l’Instruction publique de Napoléon III : « Dans la lutte qui est engagée entre les peuples industriels, le prix n’est pas réservé à celui qui disposera de plus de bras ou de capitaux, mais à la nation au sein de laquelle les classes laborieuses auront le plus d’intelligence et de savoirs [...] Nous irons à tous les degrés de l’échelle sociale pour mettre l’homme en valeur . C’est un capital et le plus précieux de tous »
Décidément, Emmanuel Macron ne peut se déprendre (consciemment ou inconsciemment) de repères appartenant aux moments bonapartistes (Napoléon III en cette occurrence). Le "capital humain" et Napoléon III à la place d'Erasme et de la Renaissance, un tournant ou un aveu?