Qui peut et doit participer à la décision ? Les dernières péripéties montrent que cette question est à l’ordre du jour, et de façon très vive.
A l’issue de la forte mobilisation des enseignants lors de la journée de grève du 20 novembre ( en particulier dans le primaire : 48 % de grévistes selon le ministère, 67 % selon les syndicats ), la quasi totalité des syndicats de l’enseignement primaire ( appuyés par de nombreux mouvements éducatifs ou pédagogiques ) ont publié un communiqué inédit : " L’urgence est désormais au dialogue social et à l’ouverture de négociations. Nous avons décidé d’innover en adressant au ministère un ‘’préavis de négociations’’ lui donnant, à l’image des préavis de grèves, 5 jours pour ouvrir ces négociations […]. Le message transmis par toute une profession est massif, net et déterminé […] Que cessent le mépris, les mesures unilatérales imposées dans la précipitation : EPEP ( réforme de la gouvernance des écoles), IUFM ( réforme de la formation professionnelle des enseignants ), SMA ( service minimum d’accueil en cas de grève ) ; que soit reconnue et respectée l’école maternelle ; que les RASED ( enseignants spécialisés dans la grande difficulté scolaire ) soient maintenus ; qu’il y ait un autre budget ; qu’il y ait un véritable dialogue social, le respect du partenariat et des droits syndicaux ".
Le ministre de l’Education nationale, Xavier Darcos, avait en quelque sorte déjà répondu à cela dans son interview au " Monde " du 8 novembre 2008 :" Bien sûr, certains écrivent, protestent, défilent…Mais nous savons que, petit à petit, les réformes se mettent en place […] Je ne cogère pas, voilà. Ma fonction est d’accomplir le projet sur lequel nous avons été élus. Si je ne le faisais pas, je serais pire qu’un mauvais ministre : un mauvais démocrate ".
On peut en effet soutenir que, dans une démocratie de type représentatif, le respect de la démocratie exige que l’on accomplisse autant que faire se peut le projet sur lequel on a été élu. " Le projet sur lequel nous avons été élus " dit Xavier Darcos. C’est à dire ( puisqu’il appartient à l’UMP et qu’il a été nommé par Nicolas Sarkozy ) foncièrement le projet législatif adopté par l’UMP en 2007 ( pour la législature de 2007-2012 ) dont l’élaboration avait été suivie de près par Nicolas Sarkozy d’une part ( alors qu’il en était le président très actif ) et par Xavier Darcos d’autre part pour la partie spécifiquement consacrée aux enseignements scolaires ( consignée in extenso en annexe de mon billet du 18 novembre : " Un ministre de l’éducation bon démocrate ? " ).
Or on peut constater ( par des comparaisons dûment menées ) que n’y figurent pas la plupart des réformes entreprises ( dont certaines avec beaucoup de précipitation ) par Xavier Darcos depuis son arrivée au ministère de l’Education nationale et contestées par la plupart des syndicats enseignants:
pas de réforme dite des nouveaux programmes du primaire ( le fameux ‘’retour aux fondamentaux’’ )
pas de suppression de la classe du samedi matin à l’Ecole primaire
pas de rapatriement de 3000 ‘’RASED’’ dans les classes des écoles primaires
pas de projets concernant l’accueil ou non des tout petits de 2-3 ans à l’école maternelle
pas de ‘’mastérisation ‘’ de la formation des enseignants et pas de modification de la nature des épreuves des concours pour devenir enseignants
pas de service minimum d’accueil
Dans ce contexte, l’affrontement tend à se radicaliser. La section du SNUipp de la Haute Garonne a lancé le 20 novembre une pétition sur son site ( avec le SE-Unsa, la CGT éducation, SUD éducation, le SGEN-CFDT du département ) en soutien d’un instituteur – Alain Refalo - entré " en résistance " dans une lettre de " désobéissance " adressée à son inspecteur d’académie : " L’un de nos collègues de l’école Jules Ferry de Colomiers a décidé d’informer l’IA de son refus de se soumettre aux injonctions ministérielles de manière à dénoncer un processus réfléchi et destructeur des fondamentaux du système éducatif français […]. La négation d’un véritable dialogue social, les décisions prises sans aucune concertation, l’absence de réponse du ministre de l’Education face aux revendications et manifestations répétées des personnels est une marque supplémentaire de mépris et suscite la colère. Dans ce contexte, nous considérons que la prise de position d’Alain Refalo ne doit pas être considérée comme un acte isolé mais bien comme l’expression de ce que nous subissons et ressentons au quotidien. Sa lettre est profondément en résonance avec l’état d’esprit actuel de la profession C’est la raison pour laquelle nous soutenons notre collègue et demandons qu’aucune sanction ne soit prise à son encontre " ( 3300 signatures sur le site à ce jour ).
Par ailleurs, la section de Paris du SNUipp a appelé les enseignants du primaire à " faire grève " ce jeudi 27 novembre afin d’organiser " un comité d’accueil digne de ce nom à Xavier Darcos qui vient inaugurer le Salon de l’éducation porte de Versailles comme si de rien n’était, après avoir répondu par le mépris à la journée du 20 novembre. Les enseignants seront présents lors de cette inauguration pour lui rappeler leur refus des suppressions de poste, du service minimum d’accueil, de la disparition des RASED ou encore des menaces qui pèsent sur la maternelle ".
PS ( mercredi à 20 H ): Comme Xavier Darcos n'est pas allé hier au 91° congrès de l'Association des maires de France qui se tient à Paris avec 4500 participants, c'est François Fillon qui s'est fait fortement siffler hier lorsqu'il a déclaré à propos du service minimum d'accueil que "la loi de la République n'est pas négociable". Mais aujourd'hui Xavier Darcos a eu quand même droit à sa bronca par procuration, car environ 2000 maires ont quitté la salle du congrès pour protester contre l'absence au débat sur les réformes de l'Ecole du ministre de l'Education nationale "retenu à Bordeaux pour une réunion européeenne". Quant au Salon de l'éducation qui devait être inauguré par Xavier Darcos jeudi matin comme il était prévu à son agenda, on apprend (selon une ''rectificatif'' de son agenda diffusé par le ministère ) qu'il ne s'y rendra que vendredi matin ) ,afin sans doute d'échapper à la pression initiée par la section du SNUipp de Paris