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Billet de blog 26 novembre 2015

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Laïcité: doux Jésus et Père Noël

Un rapport de l'association des maires de France vient de relancer les polémiques sur la place des crèches dans les mairies. Encore faudrait-il s'entendre sur la signification de la crèche et du Père Noël (en fait désormais le plus souvent associés) : cultuelle ou culturelle? Le Père Noël ou la crèche peuvent-ils avoir leur place à la mairie ou à l'école?

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Le célèbre ethnologue Claude Lévi-Strauss, dans un article au titre quelque peu énigmatique ( « Le Père Noël supplicié ») paru dans la revue « Les Temps modernes » en 1952 a rappelé opportunément que plusieurs autorités ecclésiastiques ont dénoncé très vivement « la paganisation de la fête de la Nativité » dans les mois qui ont précédé Noël 1951. Puis l'ethnologue cite « France Soir » (le quotidien alors le plus lu).

France Soir du 24 décembre 1951

« Le Père Noël a été pendu hier après-midi aux grilles de la cathédrale de Dijon et brûlé publiquement sur le parvis. Cette exécution spectaculaire s’est déroulée en présence de plusieurs centaines d’enfants des patronages. Elle avait été décidée avec l’accord du clergé qui avait condamné le Père Noël comme usurpateur et hérétique. Il avait été accusé de paganiser la fête de Noël et de s’y être installé comme un coucou en prenant une place de plus en plus grande. On lui reproche surtout de s’être introduit dans toutes les écoles publiques d’où la crèche est scrupuleusement bannie. À l’issue de l’exécution, un communiqué a été publié dont voici l’essentiel : «  Le Père Noël a été sacrifié en holocauste. À la vérité, le mensonge ne peut éveiller le sentiment religieux chez l’enfant et n’est en aucune façon une méthode d’éducation. Que d’autres disent et écrivent ce qu’ils veulent et fassent du Père Noël le contrepoids du Père Fouettard. Pour nous, chrétiens, la fête de Noël doit rester la fête anniversaire de la naissance du Sauveur »

Claude Levi-Strauss ne méconnaît pas l'influence de l'attraction des Etats-Unis dans le succès du Père Noël au sortir de la Libération. Mais l'ethnologue considère que si le phénomène a pu prendre si rapidement une telle ampleur, c'est qu'il a rencontré un imaginaire profond déjà là . Il est hors de question ici de reprendre l'ensemble de son article très fourni. On devra donc se contenter de deux longues citations particulièrement significatives.

« Il est généralement admis par les historiens des religions et par les folkloristes que l’origine lointaine du Père Noël se trouve dans des personnages qui sont, pour une durée déterminée, rois de Noël et en qui on reconnaît les héritiers du roi des Saturnales de l’époque romaine. Or, les Saturnales étaient la fête des larvae c’est-à-dire des morts par violence ou laissés sans sépulture, et derrière le vieillard Saturne dévoreur d’enfants se profilent, comme autant d’images symétriques, le bonhomme Noël, bienfaiteur des enfants; et Saint Nicolas qui les ressuscite et les comble de présents »

« Avec beaucoup de profondeur, Salomon Reinach a écrit que la grande différence entre religions antiques et religions modernes tient à ce que « les païens priaient les morts, tandis que les chrétiens prient pour les morts » . Sans doute y a-t-il loin de la prière aux morts à cette prière toute mêlée de conjurations, que chaque année et de plus en plus, nous adressons aux petits enfants – incarnations traditionnelles des morts – pour qu’ils consentent, en croyant au Père Noël, à nous aider à croire en la vie. Nous avons pourtant débrouillé les fils qui témoignent de la continuité entre ces deux expressions d’une identique réalité. Et l’Église n’a certainement pas tort quand elle dénonce, dans la croyance au Père Noël, le bastion le plus solide, et l’un des foyers les plus actifs du paganisme chez l’homme moderne. Reste à savoir si l’homme moderne ne peut pas défendre lui aussi ses droits d’être païen »

That is the question !

ncer sur la plce des crèches dans les mairies

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