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Billet de blog 27 septembre 2012

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Des «humanités scientifiques»?

Sur quoi fonder la place des sciences en pleine concertation sur « la refondation » de l’Ecole : sur leur utilité “ pratique” ou sur leur valeur “ éducative ” ? Mais alors, à quelle(s) condition(s) ?

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Sur quoi fonder la place des sciences en pleine concertation sur « la refondation » de l’Ecole : sur leur utilité “ pratique” ou sur leur valeur “ éducative ” ? Mais alors, à quelle(s) condition(s) ?
Lors de l’élaboration de la mise en place du « socle commun » ( qui doit être repensé et réécrit, on le sait ), on a assisté à une valse hésitation qui n’a pas manqué d’intérêt ni de sens. Dans le texte de la loi d’orientation d’avril 2005, il a été écrit que le « socle commun » était « constitué d’un ensemble de connaissances et de compétences » comportant ( entre autres ) « la maîtrise des principaux éléments des mathématiques ; une culture humaniste et scientifique permettant le libre exercice de la citoyenneté ». Dans le décret d‘application de juillet 2006, le texte  change sur ces points ( et l’on n’a pas les mêmes associations/dissociations ) et devient : « les principaux éléments de mathématiques et la culture scientifique et technologique ; la culture humaniste ».
Il y a tout juste un siècle, après la réforme de 1902 de l’enseignement secondaire qui a été cruciale pour donner enfin droit de cité à une culture moderne et scientifique dans l’enseignement secondaire, le vice–recteur de Paris Louis Liard a commenté longuement l’esprit nouveau de cette réforme dans une conférence au « Musée pédagogique » qu’il est sans doute encore utile de méditer  à nouveau dans le contexte actuel de « la refondation de l’Ecole ».    
« Dans l’enseignement secondaire, les études scientifiques doivent, comme les autres, contribuer à la formation de l’homme. Elles sont donc, elles aussi, à leur façon des « humanités » au sens large du mot, les « humanités scientifiques ».
Leur office propre est  de travailler à la culture de tout ce qui, dans l’esprit, sert à découvrir et à comprendre la vérité positive, observation, comparaison, classification, expérience, induction, déduction, analogie, d’éveiller et de développer ce sens des réalités et des possibles qui n’importe pas moins que l’esprit d’idéal […].
Ce qu’il s’agit de former c’est la vision exacte des choses, le discernement du réel et de l’irréel, du vrai et du faux, le sentiment de la certitude et de la justesse du raisonnement. Rien de plus contraire au véritable enseignement scientifique que de verser dans des esprits passifs, soit par le livre, soit même par la parole une masse d’abstractions et de faits. C’est proprement le verbalisme, c’est à dire un fléau. Ce qu’il faut, au contraire, c’est susciter la spontanéité de l’élève, mettre en jeu ses activités mentales, provoquer son accord personnel, en un mot le rendre capable d’agir. La vielle formule du philosophe est toujours vraie, ‘’savoir, c’est faire’’. Ici comme ailleurs, le vrai profit n’est pas ce que l’élève peut reproduire, mais ce qu’il peut produire […].


Dans l’ensemble, l’éducation scientifique de la jeunesse française paraît avoir été trop tournée vers les mathématiques abstraites et pas assez vers les sciences expérimentales […]. Depuis longtemps, on a enseigné les sciences expérimentales par des méthodes qui ne pouvaient en donner aux élèves qu’une idée diamétralement contraire à leur véritable nature. Par le mode d’exposition, d’expérimentales et inductives qu’elles sont, on en faisait des sciences à allure déductive : on énonçait d’abord la loi, comme on énonce un théorème, puis on donnait la démonstration, toujours comme s’il s’agissait d’un théorème. L’expérience, quand elle était présentée, presque toujours de loin, n’était qu’une aide à la mémoire ( une ‘’illustration’’ ) en associant une image à une formule. Or les sciences expérimentales procèdent juste à l’inverse.
Plus les esprits sont enclins à s’élever par bonds aux généralités les plus hautes pour traiter ensuite déductivement de toutes choses, plus il importe de leur inculquer, dans le jeune âge, un sens exact des réalités, et pour cela de leur enseigner les choses réelles suivant l’ordre même où l’esprit humain les constate et les explique ».

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