Les noms des établissements scolaires (écoles, collèges, lycées) nous en disent plus long qu’on pourrait le croire, si on les prend dans leurs agrégations statistiques et qu’on les compare.
Parmi les noms d’hommes politiques qui sont restés dans l’histoire pour leurs interventions dans le domaine scolaire, Jules Ferry arrive très nettement en tête avec 604 mentions, suivi de Paul Bert ( 185 mentions ), Condorcet et Jean Zay ( 110 ), Ferdinand Buisson ( 98 ) et, très loin derrière, Emile Combes ( 14 mentions ).
Il est à noter que, à l’exception d’une école primaire privée pour Condorcet, aucun des 9191 établissements privés sous contrat n’a pris pour nom l’un de ces hommes politiques qui, il est vrai, appartiennent tous à la geste de l’Ecole publique.
Il faut dire aussi que les choix de ces établissement privés sous contrat se portent avant tout sur des noms de saints ou de saintes. Saint Joseph vient largement en tête ( 973 mentions ), suivi de loin par Saint Charles ( 84 ), Saint Jean Baptiste ( 57 ), Saint Vincent de Paul ( 47 ), Saint Thomas ( 36 ), Saint Etienne ( 29 ), Saint Eloi ( 10 ). Pour les filles, Sainte Marie domine nettement ( 458 mentions ), suivie de Sainte Anne ( 348 ), Sainte Thérèse ( 242), Sainte Bernadette ( 40), Sainte Elisabeth ( 28 ), Sainte Catherine ( 21 ) et Sainte Madeleine ( 20 ).
Reste deux cas un peu particuliers : ceux de Jeanne d’Arc et Saint Louis ( qui ont respectivement 398 et 184 mentions dans les établissements privés sous contrat ), mais dont les noms ne sont pas tout à fait absents dans les établissements de l’Education nationale ( respectivement 26 et 22 mentions ) ; cependant, on doit aussi prendre en considération que l’enseignement privé sous contrat ne compte que 9191 établissements alors que l’enseignement public rassemble 49639 établissements ( soit sommairement un rapport de un à cinq ). Le nom de La Salle a été choisi par 86 établissements du privé et par 11 écoles du public. Deux papes sont inégalement choisis: Jean XXIII ( 22 mentions) et Jean-Paul II ( 8 ).
Les noms d’hommes politiques sont donnés quasi exclusivement à des établissements de l’Education nationale, qu’il s’agisse des trois présidents de la cinquième République décédés ( Charles de Gaulle, 51 mentions ; Georges Pompidou, 32 ; et François Mitterrand, 31 ), ou des quelques républicains emblématiques choisis ( Gambetta, 76 mentions, Blum, 50, Briand, 47, Clemenceau, 38 ; Robespierre, 36 ; Danton, 11 ; Mirabeau et Hoche 8 ). Sans oublier le champion, nettement détaché : Jean Jaurès ( 413 mentions dans le public, une dans le privé ). A peine deux exceptions : Henri IV et Charlemagne ( respectivement 20 et 27 mentions dans le public, et 3 et 1 dans le privé ). Plus une autre exception de taille ( si on a bien à l’esprit le rapport de un à cinq qui existe entre le nombre des établissements du privé et celui du public ) : Robert Schuman ( 31 mentions dans le public, et 7 dans le privé ).
En revanche, la partition est plus complexe ( et plus balancée ) pour quelques personnages célèbres, et d’abord pour un certain nombre d’écrivains ‘’catholiques’’. Bossuet l’emporte dans le privé ( 11 mentions contre 5 dans le public) ; et, proportionnellement ( si l’on tient compte du rapport de un à cinq ) Péguy ( 17 mentions dans le privé, contre 58 dans le public ). Les noms de Pascal, Lamartine et Claudel sont choisis par quelques établissements du privé ( à hauteurs respectives de 9, 7 et 3 mentions ( contre 70, 88 et 84 dans le public ). Les noms de Mauriac ( 16 mentions ) et Bernanos ( 2 ) n’existent que dans le public. De même pour Chateaubriand ( 25 mentions ).
Quelques autres personnages célèbres donnent également leur nom à des établissements privés sous contrat, mais beaucoup moins ( y compris proportionnellement ) que pour les établissements de l’Education nationale. On peut citer en particulier Saint-Exupéry, Pasteur et La Fontaine ( qui ont respectivement 12, 11 et 7 mentions dans le privé, contre 377, 360 et 379 dans le public ).
Si l’on aborde les mentions de noms de femmes, on peut constater qu’elles sont réduites à la portion congrue dans l’enseignement privé sous contrat ( à part les saintes, omniprésentes ). Deux noms l’emportent cependant dans le privé : Madame de Maintenon ( 9 mentions contre 4 dans le public ) et, proportionnellement, Madame de Sévigné ( 23 mentions contre 54 dans le public ). Françoise Dolto a 3 petites mentions dans le privé ( contre 159 dans le public ).
Par ailleurs, dix autres femmes donnent leur nom exclusivement à des établissements de l’enseignement public : Marie Curie ( 305 mentions ), Louise Michel ( 168 ), Pauline Kergomard ( 113 ), Elsa Triolet ( 66 ), Hélène Boucher, Marie Laurencin et Sonia Delaunay ( 21 ), Olympe de Gouges( 12 ), Simone de Beauvoir et George Sand ( respectivement 8 et 7 mentions ). En définitive, par rapport aux hommes, les noms de femmes sont très nettement sous représentés dans les établissements de l’Education nationale.
Les établissements du privé ne mentionnent pas de figures qui appartiennent peu prou au domaine pédagogique (à l’exception de Madame de Maintenon ). Il en va sensiblement de façon différente pour les établissements du public, même s’il est non moins significatif que cela reste au total relativement restreint. On peut citer en particulier Langevin ( 289 mentions ), Wallon ( 160 ), Kergomard ( 113 ), Rousseau ( 106 ), Buisson ( 98 ), Rabelais ( 55 ), Montaigne ( 51 ), Freinet ( 40 ), Montessori ( 13 ), Piaget et Makarenko ( 8 mentions ).
En définitive, dans l’Education nationale, ce sont plutôt les noms d’écrivains qui sont en bonne place. Outre ceux qui ont déjà été cités auparavant, on peut signaler Hugo ( 337 mentions ), Jules Verne ( 200 ),Rostand ( 169 ), Camus ( 163 ), Eluard ( 120 ), Malraux ( 88 ), Voltaire ( 80 ), Aragon et Mistral ( 75 ), Diderot ( 64 ), Desnos ( 61 ) Molière ( 46 ), Rimbaud ( 43 ), Genevoix ( 42 ) , Balzac et Giono ( 41 ), Verlaine ( 40 ), Ronsard ( 38 ), Racine ( 30 ), Dumas ( 28 ), Maupassant ( 26 ), Flaubert et Valéry ( 22 ), Corneille ( 20 ), Du Bellay et Vigny ( 18 ), Musset ( 17 ), Baudelaire ( 15 ), Proust ( 12 ), Queneau ( 11 ), Char ( 10 ), Gide et Boileau ( 9 ), Barrès ( 8 ), Beaumarchais ( 6 ), Mallarmé et Mérimée ( 5 ). Sans oublier ( loin s’en faut, car c’est significatif ) les auteurs consacrés du primaire voire du début du collège : Prévert ( 407 mentions ), Pagnol ( 223 ), Perrault (144 ), Pergaud ( 131 ), Daudet ( 108 ). Ces noms d’écrivains ( à quelques exceptions – à l’unité – près ) ne figurent pas dans les 9191 établissements privés sous contrat et sont dévolus ( pour la quasi totalité d’entre eux ) exclusivement aux établissements de l’enseignement public.
Les peintres sont moins à l’honneur que les écrivains. On peut citer dans l’ordre : Picasso ( 80 mentions ), Matisse ( 67 ), Renoir ( 43 ), Monet ( 37 ), Van Gogh ( 26 ), Gauguin ( 18 ), Delacroix ( 15 ), Braque et Chagall ( 10 ) Léger, Manet, Utrillo ( 6 mentions ), Watteau ( 5 ). A l’exception de trois établissements privés pour Matisse et d’une école privée pour Renoir, ces noms de peintres ont été attribués à des établissements de l’Education nationale.
Les noms de musiciens sont encore moins choisis ; et ils sont , eux aussi, quasi exclusivement attribués à des établissements de l’enseignement public ( à l’exception de Bizet pour un lycée privé et de Berlioz pour un collège privé ). On citera Debussy ( 33 mentions ), Ravel ( 28 ), Berlioz ( 19 mentions ), Saint-Saens ( 11 ), Rameau et Fauré ( 10 ), Satie ( 7 ), Charpentier ( 6 ), Bizet et Milhaud ( 5 mentions ). Tout en n’oubliant pas le grand succès relatif de deux chanteurs : Georges Brassens ( 147 mentions ), suivi de Jacques Brel ( 73 ).
Les noms de scientifiques sont, eux aussi, relativement peu mentionnés. Berthelot vient en tête avec 48 mentions, suivi de Lavoisier ( 41 ), Calmette ( 33 ), Eiffel ( 27 ), Buffon ( 26), Branly ( 24 ), Blériot ( 17 ), Cavaillès, Lesseps et Gay-Lussac ( 6 mentions ), Cuvier ( 5 ), Niepce, Papin et Fresnel ( 4 ). Aucun nom de scientifiques pour les établissements privés sous contrat.