Les interprètes privilégiés de la partition toujours renouvelée du déclin scolaire et éducatif n’ont pas manqué de donner de la voix en l’occurrence , au premier rang desquels Alain Finkielkraut et Jean-Paul Brighelli.
Je crois pour ma part que l’on peut d’abord souscrire aux propos du professeur Christian Bromberger ( auteur du livre " Le football, la bagatelle la plus sérieuse du monde " ) qui soutient que " ce sport est un objet très plastique où chacun peut retrouver ses obsessions particulières, ses modèles d’identification, y projeter ses conceptions de la société, du vivre ou du non-vivre ensemble. Ainsi – ajoute-t-il - les remarques sur l’ethnicisation à propos des joueurs sont à rattacher aux débats récurrents sur le communautarisme en France ".
A ce sujet et au plus haut niveau – si l’on peut dire – il est possible de prendre pour exemples – mais certainement pas pour modèles – les dernières et multiples déclarations d’Alain Finkielkraut, malheureusement des plus ordinaires, accompagnées de sa petite musique élitiste habituelle présentant la mise à l’écart de Yoann Gourcuff comme " la persécution du premier de la classe " et concluant à la nécessité de " sélectionner maintenant des gentlemen ".
Ou les propos de Jean-Paul Brighelli sur son blog, renchérissant encore là dessus avec le sens de la nuance et de la précision qui le caractérise. " Ces joueurs ont entre 20 et 30 ans. Ils sortent d’un système scolaire qui a failli, lui aussi – failli à leur enseigner les rudiments d’une culture, les rudiments d’une langue, les rudiments d’une civilisation. Les Huns sont de retour [ …]. Ce n’est pas une équipe qui a été envoyée en Afrique du Sud, ce sont trente barbares. Moins un peut-être. Au milieu de ces va-de-la-gueule s’était apparemment infiltré un bon élève, qui a été traité comme tel par ses camarades. Un garçon issu d’un autre milieu, dont le père fut prof de maths avant d’être entraîneur. Qui sort avec la fille de Villepin, au lieu de se taper une radasse décolorée - Ribery serait-il du genre à croire qu’une pipe est meilleure en diamants qu’en bruyère ? Bref, Yohann Gorcuff ne se contente pas d’avoir une belle gueule et de bien jouer : il parle français. Performance inexcusable ".
Dans ce contexte qui interroge plus ou moins directement le monde de l’Ecole , je ne peux m’empêcher de songer ( allez savoir pourquoi ? ) à la façon dont on pourrait progresser dans les difficiles questions de formation à la fois individuelle et collective, tout en n‘ éludant pas – par ailleurs - les questions d’autorité et de pouvoir.
Et une indication me revient actuellement de façon obsédante à l’esprit, une indication audacieuse qui avait fait quelque bruit à l’époque où elle avait été formulée, mais qui n’a guère été mise en œuvre depuis. Elle figure dans le Plan Langevin-Wallon de 1947, qui a longtemps été une référence pour les syndicats et les partis de gauche : " En régime démocratique, chaque citoyen est placé dans la vie civique et professionnelle en face d’une double responsabilité, celle du dirigeant et celle de l’exécutant. Il sera donc nécessaire que les activités scolaires s’organisent de telle sorte que tous aient alternativement des responsabilités de direction et d’exécution développant conjointement l’initiative, la décision, l’intégration volontaire à une activité réglée et collective. Il importe en effet d’éviter de cultiver en certains l’absolutisme du chef prédestiné, et en d’autres l’habitude paresseuse d’une aveugle soumission ".
Tout est dit ; et ce devrait être, dans notre contexte délétère, l’affaire d’Etat à traiter de toute urgence dans un Etat républicain et démocratique ; au lieu d’entériner, sans mot dire, les énièmes Etats généraux ( de ‘’football’’ ! ) de ces deux dernières années, et les anathèmes ou imprécations de tous acabits.