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Billet de blog 29 avril 2021

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Pauvre brevet. Pauvres élèves.

La publication des disciplines retenues pour l'épreuve de sciences du brevet marque la volonté du ministre d'organiser cet examen comme s'il s'agissait d'une année normale en dépit des interrogations des organisations syndicales. Et pourtant l'histoire du brevet montre qu'il a pu connaître des variations extrêmes...

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Le 25 avril, la CFDT, la FSU, l'UNSA, le SNALC et  SUD avaient demandé au ministre une réorganisation du brevet : « Les examens du collège  […] ne pourront se tenir comme prévu puisque l'année n'a pas été normale. Nous demandons que des décisions soient prises pour clarifier l'organisation et les attentes de l'ensemble des examens »

La publication trois jours après des disciplines retenues pour l'épreuve de science ( la série physique chimie et SVT en série générale ; et physique chimie et technologie en série professionnelle) « marque la détermination du ministre d'organiser le brevet comme dans une année normale » est-il souligné dans « Le Café pédagogique » de ce jeudi.

Et pourtant l'histoire très tourmentée du ''brevet'' montre que l'on est loin d'un examen emblématique , stabilisé et intouchable

En 1947, le brevet est transformé en « brevet d’études du premier cycle du second degré » (BEPC), son appellation nouvelle signant ce qu’il est devenu avant tout, à savoir un examen qui scande un cursus scolaire – celui du secondaire – désormais clairement constitué de deux « cycles ».

Bien que le BEPC soit considéré comme un examen de fin de cycle (le premier cycle du secondaire) à partir de 1947, sa détention n'a jamais été jugée nécessaire pour entrer dans le second cycle.
À partir de 1978, c'est même en quelque sorte l'inverse qui a été décidé : les élèves ayant fait l’objet d’une orientation vers le second cycle de l’enseignement secondaire n’ont même pas à passer les épreuves du brevet pour l’obtenir. En 1981, le diplôme – désormais intitulé brevet des collèges – est attribué sans examen, au vu des seuls résultats scolaires.

En 1986, un « examen écrit » (en mathématiques, français, histoire-géographie-éducation civique) est réintroduit par le ministre de l’Éducation Jean-Pierre Chevènement avec le triple objectif annoncé de « revaloriser le diplôme », de « motiver » davantage les élèves, et de les « préparer » à aborder des examens ultérieurement. Lors de sa première mouture, le taux de reçus ne dépasse pas 49%.
En 1988, pour l’essentiel sur cette base, est créé le « diplôme national du brevet », avec trois séries : collège, technologique et professionnelle. En 2001, prise en compte d’options facultatives.

En 2006, s’ajoute l’option « découverte professionnelle ». En 2007, ajout de la note de vie scolaire ; le contrôle continu ne porte que sur les notes de troisième et le sujet du brevet devient national (auparavant, il y avait des sujets différents par région ; ils sont désormais nationaux, mais les barèmes de correction restent définis localement). En 2008, l’obtention du brevet est aussi conditionnée par celle du Brevet informatique et internet (B2i) et du niveau A2 (du Cadre européen de références pour les langues) dans une langue vivante. En 2010, une nouvelle option facultative est ajoutée : l’histoire de l’art (une épreuve orale devant un jury de 2 à 3 personnes, dont un professeur d’art plastique ou de musique). Pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué, et pour un diplôme dont l'examen a pu être tout à fait évanescent à certains moments de son passé ?

Puis, à partir de 2012, « l’attestation de maîtrise des connaissances et des compétences du socle commun au palier 3 » (qui correspond à la fin de la classe de troisième) est obligatoire. Le Conseil supérieur des programmes avait envisagé en 2013 de supprimer l'examen du brevet et de ne garder que la validation du socle commun, les compétences étant appréciées domaine par domaine (quatre compétences par domaine, soit une vingtaine au total).

Finalement, la nouvelle logique du « socle commun de connaissances, de compétences et de culture » ne l'a pas emporté jusqu'au bout, et l'on se trouve pris dans une sorte de compromis à géométrie variable où l'on ne sait pas vraiment quelle est la place de l'examen du brevet.

 Mais on doit reconnaitre aussi qu'on ne saisit pas la logique qui a présidé à l'ensemble de l'histoire du brevet; Et on peut s'étonner d'une position intangible ministérielle dans les circonstances actuelles ( compte tenu notamment du passé – voire du passif- du «pauvre brevet»)

Pour en savoir plus : « L'école d'aujourd'hui à la lumière de l'histoire » paru en mars aux éditions Odile Jacob

PS: dans l' interwiew d'Emmanuel Macron parue dans la presse régionale ce vendredi 30 avril , le ''pauvre brevet'' n'a même pas été évoqué parmi les examens cités: "En aucun cas nous n'aurons des examens et des diplômes au rabais. Qu'il s'agisse du baccalauréat, des bacs pro, des BTS ou des examens dans nos universités"

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