On peut se demander en effet comment ce qui avait été jugé impossible à la rentrée dernière (dédoubler toutes les classes de CP en REP et pas seulement en REP+) a été possible en cette rentrée scolaire 2018, alors que l'on étend en même temps le dédoublement aux classes de CE1 de REP+ (ce qui demande au total un ''effort'' en postes au moins le triple par rapport à celui de la rentrée scolaire 2017). Sans compter que le nombre de postes offerts aux concours externes de professeurs des écoles a diminué en mai 2018 par rapport aux années précédentes : 5800 contre 7300 en moyenne pour les trois années précédant 2018.
On peut comprendre ainsi les ''alertes'' de certains syndicats d'enseignants du primaire quant aux postes de RASED, de remplacements, de postes du dispositif ''plus de maîtres que de classe'' ou de postes en milieu rural.
Il reste que, fort heureusement, le dédoublement des CE1 de REP+ a suivi celui des CP de REP+, car sans cela l'opération risquait de n'avoir plus aucun sens ni aucune efficacité.
Retour à ce sujet sur l'un de mes billets publié le 16 août 2017 sur Médiapart :
"Il ne faut surtout pas oublier un élément essentiel de l'étude menée par Pascal Bressous et Laurent Lima publiée en 2011 et qui sert maintenant de référence ministérielle (voire présidentielle) : le dédoublement doit (au moins) continuer en CE1 pour avoir un effet durable.
Extraits de l'interview de Pascal Bressous du 22 juin 2017 publiée sur l'excellent site ToutEduc. Pascal Bressoux : « Nous avons conduit cette étude en 2002-2003 dans 10 académies, auprès de 100 classes de CP situées en zones d'éducation prioritaire réduites à une dizaine d'élèves (entre 8 et 12), que nous avons comparées à 100 autres classes témoins de 21 élèves en moyenne. En raisonnant à niveau initial identique, les élèves progressent plus dans les classes à effectifs réduits. Et la différence, au terme d'une année, est un petit peu au-dessus de 0,2 écart type. Ce n'est pas un effet monstrueux, encore que tout se discute, mais c'est un effet qui est tout de même très sensible »
ToutEduc : " Les élèves concernés conservaient-ils cet avantage dans les niveaux suivants ? " Pascal Bressoux : « Non, l'avantage se dissipait en fin de CE1, ce qui est assez concordant avec des études internationales qui ont montré que pour avoir des effets durables, il faudrait que les élèves restent deux ou trois années dans une classe réduite. Il faut donc garder ces tailles de classes en CP et CE1 et, dans l'idéal, aussi en CE2 ».
A la rentrée 2017: mise en place circonscrite aux dédoublements du seul CP pour les seuls Rep+ . Si l'on a bien compris les promesses présidentielles et ministérielles, ce dispositif devrait s'étendre l'année suivante à toutes les REP (environ 20% des 52000 écoles selon le ministère). Mais surtout, si l'on suit la justification scientifique invoquée (celle de Bressous et Lima qui insistent sur un effet nul à terme si le dédoublement se limite au CP), une montée en charge immédiate est indispensable à la rentrée prochaine, en septembre 2018 (au moins dans tous les CE1 des REP+), sans compter les extensions dans les autres REP (qui sont plus nombreux que les REP+)"(Fin de l'extrait du site ToutEduc)
Conclusion de mon billet sur Médiapart du 16 août 2017: "A moins d'une montée très rapide en puissance de créations de postes dans le primaire, cela est impossible ou affectera sensiblement le nombre des remplaçants et le nombre d'élèves de certaines classes hors ZEP. On espère que le ministre de l'Education nationale, le Premier ministre et le président de la République savent compter et que l'on peut compter sur eux . Et vite, clairement, sans ''comptes d'apothicaire''. On attend des annonces chiffrées et programmées. Pas des ''annonces en l'air.'' (Fin de mon billet du 16 août 2017)
PS 1: On attend toujours, et plus que jamais...Lors de sa conférence de presse du mercredi 29 août 2018, le ministre de l'Education nationale Jean-Michel Blanquer a indiqué que le nombre des élèves concernés par les dédoublements en cette rentrée a "triplé" par rapport à l'année dernière et s'élève à 190000. Il s'est défendu d'avoir pris des moyens d'enseignants dans d'autres classes afin de dédoubler les CP et CE1 concernés:"Les 3800 postes mobilisés ont été suffisants". Mais par ailleurs, sur le site du MEN, il parle du "dédoublement de 4700 classes supplémentaires en réseaux prioritaires". Qui comprend?
L'année dernière, il y avait eu près de 2500 classes de CP en REP+ dédoublées. S'il y a eu "triplement'' cette année (comme le dit le ministre) on a dû avoir besoin de presque 5000 postes supplémentaires ( les ''4700'' indiqués dans la page de rentrée du ministre sur le site du MEN?) et non pas seulement des ''3800'' postes qu'il a signalés lors de sa conférence de presse. Pris où? Le moins que l'on puisse dire, c'est qu'il y a de ''l'imprécision ministérielle'' (dans tous les sens du terme) à ce sujet.
Mais on comprend peut-être mieux si on se rappelle qu'il a été annoncé il y a quelques mois que 3680 postes seraient créés en tout pour la rentrée 2018 dans le premier degré (une augmentation de postes déjà inférieure aux ''3800'' postes évoqués lors de la conférence de presse du ministre Blanquer, et bien inférieure à celle signalée dans sa déclaration sur le site du MEN, à savoir ''4700''). Quid? Pouvez-vous être précis et cohérent, s'il vous plaît, Monsieur le Ministre?
PS 2: ToutEduc (en référence aux travaux présentés plus haut de Bressous et Lima) indique qu'''un gain de 0,2 écart type signifie que si les notes des élèves vont de 5 à 15 avec une moyenne de 10/20, l'écart-type est de 5 et le gain de 1 point (les élèves qui avaient 5 auront 6). La question est : est-ce que ça vaut le coup ?"