claude lelièvre (avatar)

claude lelièvre

Historien de l'éducation

Abonné·e de Mediapart

782 Billets

1 Éditions

Billet de blog 30 octobre 2017

claude lelièvre (avatar)

claude lelièvre

Historien de l'éducation

Abonné·e de Mediapart

Entrées à l'Université: De Gaulle et Macron, bis repetita?

Les mesures gouvernementales envisagées seront dévoilées à tous ce lundi, mais sont passablement embrouillées selon la journaliste Christel Brigaudeau : «la copie que livre la ministre de l'Enseignement supérieur contourne l'obstacle en autorisant de manière ambigüe à la fois les facultés à sélectionner... et les jeunes à en forcer la porte » ( in « Le Parisien » de dimanche).

claude lelièvre (avatar)

claude lelièvre

Historien de l'éducation

Abonné·e de Mediapart

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Et cette même journaliste spécialisée dans le domaine de l'éducation au « Parisien » n'hésite pas à rappeler à ce sujet la consigne principale donnée il y tout juste cinquante ans par le Président de la République Charles de Gaulle à son ministre nouvellement nommé Alain Peyrefitte : « Faire passer l'orientation et la sélection ». Vieille (et brûlante) histoire à connaître effectivement. Pour s'y retrouver et comparer.

Le Conseil des ministres du 24 avril 1968 traite des mesures envisagées pour « contrôler et normaliser la croissance des effectifs des étudiants : pas de sélection malthusienne, mais orientation, grâce à la diversification des voies ». « L’inscription automatique interviendra, dans la voie choisie, pour la moitié environ ou les deux tiers des bacheliers, soit : ceux qui ont obtenu une mention ; plus ceux qui ont obtenu 12 sur 20 dans les disciplines fondamentales de la voie choisie. Pour les autres, le droit à l’inscription ne sera pas automatique. Le bachelier pourra se porter simultanément candidat à plusieurs établissements. Les candidatures seront examinées, sur présentation du dossier scolaire, par des jurys d’établissement, lesquels pourront accepter ou refuser l’admission. Le gouvernement prendra des dispositions pour que l’ensemble des enseignements supérieurs diversifiés permette d’absorber la totalité des bacheliers désireux de poursuivre leurs études ».

Son examen est inscrit au programme de l’Assemblée nationale pour les 14,15 et 16 mai. Mais les événements de Mai 68 (et ce projet n’a pas été pour rien dans la mobilisation étudiante et lycéenne) empêcheront l’ouverture des débats et leur conclusion.

La loi d’orientation promulguée le 12 novembre 1968 afin de refonder les universités après la tempête de Mai 68 ne reprend pas le projet, le Général de Gaulle ayant accepté une nette modification dans la façon de penser l’orientation sélective à l’Université. Et il soutient son ministre Edgar Faure face à certains membres de sa majorité gaulliste qui, en juillet 1968, voulaient reposer le principe d’une sélection administrative rigoureuse.

Lorsque Charles de Gaulle est devenu Président de la République en 1958, les circonstances appelaient à un effort particulier dans le domaine scolaire. Le traité de Rome, signé en 1957, venait d’instituer l’Europe communautaire. Le volontarisme gaullien prend cette situation comme un défi à relever. Selon le Général : « Puisque en notre temps la France doit se transformer pour survivre […] , il s’agit que l’enseignement qui soit donné aux jeunes, tout en développant comme naguère leur raison et leur réflexion, réponde aux conditions de l’époque qui sont utilitaires et techniques »

L'étudiant que j'étais dans la deuxième moitié des années 1960 a pris la volonté du président de la République Charles de Gaulle de promouvoir une '' orientation autoritaire'' pour une ''sélection malthusienne'' (globale). Mais il faut tenir compte que je cultivais des disciplines peu porteuses dans ce cadre (les lettres, l'histoire, la philosophie). Il n'en reste pas moins que l'historien des politiques scolaires que je suis devenu doit faire amende honorable à certains égards sur ce point précis.

Charles de Gaulle a mis en œuvre en effet une politique prioritaire en matière d’enseignement : le développement volontariste des enseignements supérieurs. Les éléments budgétaires rassemblés par l’économiste Jean-Claude Eicher ne permettent pas le doute. Durant la ''période gaullienne'', c'est-à-dire de la fin des années 50 à la fin des années 60, le nombre d’étudiants est multiplié par 2,5. Le budget du supérieur, en francs constants, fait plus que suivre puisqu’il a augmenté régulièrement et a été multiplié par 4. En francs constants, si l’on prend pour repère l’indice 100 en 1957, la dépense par étudiant croît jusqu’à l’indice 234 en 1969, pour retomber ensuite à 189 en 1973 (sous Georges Pompidou ) puis à 158 en 1978 (sous Valéry Giscard d’Estaing). A comparer avec Emmanuel Macron ?

Rétrospectivement, le général de Gaulle attribue en dernière analyse son échec final dans le domaine de l'orientation et de la sélection au refus massif du corps enseignant : «Ayant moi-même élargi l’enseignement public, je tiens à y faire s’instaurer, depuis le bas jusqu’en haut, l’orientation et la sélection. Mais le fait est qu’à cet égard mes invites, voire mes prescriptions, trouveront chez les intéressés une résistance sourde et passive […]. Diriger d’office des élèves dans tel ou tel sens, fermer proprio motu des portes à certains d’entre eux, engager délibérément une part de l’avenir des uns et des autres, c’est là quelque chose de discordant par rapport à leur état d’esprit et à leurs habitudes […]. Il me sera une fois de plus démontré qu’aucune institution ne peut être vraiment réformée si ses membres n’y consentent pas, à moins de faire table rase par la dictature ou la révolution » ( « Mémoires d'espoir », Plon, 1972, page 267)

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.