La quatrième de couverture de ce livre qui vient de paraître chez l’Harmattan est tout à fait significative . « Le 8 octobre 1938, le couperet tombe. Albert Camus ne pourra jamais enseigner. Il est guéri de la tuberculose, mais le médecin, représentant zélé du gouverneur général d’Algérie, en décide autrement. Quelques mois plus tôt, sa pièce de théâtre, ‘’Révolte dans les Asturies’’, dénonçant les exactions du franquisme, est interdite et les autorités redoutent cette voix forte pourfendant le colonialisme.
L’occasion est belle de briser le rêve de cet enfant pauvre de Belcourt qui a osé s’en prendre aux puissants. Il ne pourra jamais rendre à l’école ce que ses maîtres Louis Germain et Jean Grenier lui ont offert. En dépit de cette troublante interdiction, il concevra une pédagogie innovante, professera auprès de lycéens juifs exclus de l’école par le régime de Vichy et auprès d’employés modestes »
Certes, comme le souligne lui-même Jean-Michel Wavelet, jusqu’alors aucun spécialiste de l’oeuvre d’Albert Camus ne l’a évoqué comme éducateur ou pédagogue. Et on pourrait croire que l’écrivain lui-même a fait l’impasse sur ces dimensions là de sa vie et de son œuvre. Mais au cours de la lecture de cet ouvrage, on saisit que les domaines éducatif et pédagogique ont bien été une forte préoccupation d’Albert Camus aussi bien dès le début de sa vie d’adulte (où il s’est investi directement dans l’action) qu’à la fin de sa vie où il a commencé à se livrer directement à ce sujet.
C’est d’ailleurs ce ’’mystère’’ que tente d’élucider avec talent et pertinence Jean-Michel Wavelet : pourquoi cela n’a-t-il pas été perçu ou mis en évidence par la quasi totalité des spécialistes d’Albert Camus, et pourquoi Albert Camus a-t-il été lui-même si longtemps discret à se sujet ?
Ce faisant, Jean-Michel Wavelet ne met pas seulement à jour des aspects méconnus d’Albert Camus car la lecture de son livre peut alimenter la réflexion à mener actuellement dans le domaine pédagogique et éducatif. En effet, Albert Camus a eu une démarche bien davantage prospective que rétrospective. Et Jean-Michel Wavelet nous le donne à voir, en particulier dans la distance entre les actions et notations d’Albert Camus par rapport à la figure de Louis Germain, son instituteur o combien pourtant vénérée.
Albert Camus n’est nullement un théoricien de l’éducation et de la pédagogie. La seule référence (ou révérence) qu’il se permet est celle du pédagogue libertaire Francisco Ferrer. Il a foncièrement une démarche réflexive (et ‘’non- théoriciste’’) en pédagogie et une réflexion avant tout d’ordre éducatif, sur les valeurs. C’est en cela qu’il peut être notre contemporain, et un contemporain précieux et de valeur. Ce livre de Jean-Michel Wavelet nous le montre à l’envi.
« Albert Camus. Enseignant empêché, pédagogue résistant » par Jean-Michel Wavelet, aux éditions L’Harmattan, novembre 2023, 205 pages, 22 euros.