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Billet de blog 31 janvier 2009

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CM2: Des ''niveaux'' qui baissent

Les performances d’élèves en fin de CM2 évaluées de façon comparable en 1987, 1997, 2007 pour la lecture, et en 1987,1999, 2007 pour le calcul sont à la baisse ou se ‘’tassent’’. Pour qui ?

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Les performances d’élèves en fin de CM2 évaluées de façon comparable en 1987, 1997, 2007 pour la lecture, et en 1987,1999, 2007 pour le calcul sont à la baisse ou se ‘’tassent’’. Pour qui ?

La " Direction de l’évaluation, de la prospective et de la performance " vient de rendre publique ces comparaisons dans sa note d’information 08-38 ( après bien des tergiversations, dues semble-t-il au ministère de l’Education nationale ).

En calcul, on observe une baisse importante entre 1987 et 1999, et cette baisse touche tous les niveaux de compétences, avec accroissement de la dispersion des scores ( des inégalités de résultats ). De 1999 à 2007, il s’opère un ‘’tassement’’, avec un certain resserrement de la dispersion. Selon la Note, " ce redressement est peut-être à mettre au compte de la remise à l’ordre du jour du calcul dans les programmes de 2002, avec en particulier, l’accent mis sur le calcul mental et l’apprentissage des techniques opératoires ".

En lecture, la moyenne des scores est stable de 1987 à 1997, puis baisse de 1997 à 2007. Cette baisse moyenne s’observe quel que soit le type de compétences mises en jeu ( compréhension immédiate, construction d’informations et de significations, etc…)

Cette baisse est nettement plus marquée pour les élèves les plus faibles ( ainsi deux fois plus d’élèves – 21% - se situent en 2007 au niveau de compétence des 10% les plus faibles de 1987 ). En revanche les meilleurs élèves sont nettement moins concernés par cette tendance à la baisse, puisqu’ils sont encore 8% en 2007 à dépasser le niveau que les 10% les meilleurs dépassaient en 1987. On notera que la baisse constatée en lecture entre 1997 et 2007 n’a pas touché les enfants d’origines sociales favorisées.

Il est pour le moins malaisé de rapporter ces évolutions à des politiques scolaires gauche-droite définies ( si tant est d’ailleurs que cela puisse être décisif en l’occurrence ). Et cela d’abord parce que chacune des deux périodes a vu se succéder des ministres de l’Education nationale appartenant d’abord à des gouvernements de gauche, puis de droite.

Pour la première période ( allant de 1987 à 1997 ) : les ministres socialistes Lionel Jospin, puis Jack Lang de 1988 à 1993 ; et François Bayrou de 1993 à 1997.

Pour la seconde période ( allant de 1997 à 2007 ) : les ministres socialistes Claude Allègre ( et Ségolène Royal en tant que ministre déléguée aux enseignements scolaires ), puis à nouveau Jack Lang, de 1997 à 2002 ; et Luc Ferry, François Fillon, Gilles de Robien de 2002 à 2007.

Pour ce qui concerne la question de " la baisse " ( générale ? ) " du niveau ", on se souvient de la mise en garde retentissante des sociologues Christian Baudelot et Roger Establet dans leur ouvrage paru au Seuil précisément en …1989 : " Le niveau monte ; réfutation d’une vieille idée concernant la prétendue décadence de nos écoles ", à partir d’un florilège des affirmations péremptoires faites tout au long de l’histoire, et de l’analyse de l’évolution séculaire des résultats des conscrits aux tests qu’ils passaient lors de leur incorporation.

Les deux sociologues n’avaient pas manqué d’être durement interpellés par Alain Finkielkraut et Elisabeth de Fontenay dans une tribune parue dans " Le Monde " du 10 février 1989, il y a tout juste vingt ans. Le temps passe… " Il faut le dire d’entrée de jeu : ‘’le niveau baisse’’ et ‘’le niveau monte’’ sont, appliqués à l’école, deux énoncés strictement équivalents, également dérisoires et dénués de pertinence. Affirmer, comme le font Christian Baudelot et Roger Establet dans leur dernier livre, que le niveau monte, ce n’est pas rompre avec un cliché, c’est le répéter, en se contentant de l’affecter d’un autre signe. […] Plus on sait et plus ça circule, plus le niveau monte. Mais qu’est-ce qu’on accumule ? Du quantitatif, du mesurable, du comptable. Qu’est-ce qui circule ? De l’information bien sûr, étant entendu que moins ça exprime plus ça communique […] Et ce message euphorisant – le niveau monte, à bas les vieux ! – relègue en fin de volume la mention de l’écart grandissant entre les élèves des cycles courts et des cycles longs. Le scandale majeur ne résidera-t-il pas, cependant, dans cette distance qui fissure le principe démocratique ? Et n’appartenait-il pas à des théoriciens de la critique sociale d’opportunément sonner l’alarme à ce sujet ".

Cette " alarme ", Christian Baudelot et Roger Establet l’avaient pourtant bel et bien sonnée dans leur livre, accompagnée d’une métaphore qui m’apparaît plus que jamais éclairante. Après avoir noté que la fraction des 30% qui réussissaient le mieux aux tests d’incorporation les réussissaient plus que jamais dans les années 1980 (et que la plupart des autres réussissaient un peu mieux que dans les décennies précédentes ), ils attiraient en effet fortement l’attention sur le décrochage de la fraction des 20% qui réussissaient le moins ces tests, et de moins en moins… " Il reste encore aujourd’hui une quantité substantielle de jeunes qui sortent de l’école sans maîtriser les éléments fondamentaux d’un savoir minimum. L’élévation générale du niveau n’a exercé sur le leur aucun effet d’entraînement ; il n’y a aucune raison que la situation s’améliore tant qu’on comptera sur la hausse du plafond pour relever le plancher. La formule du SMIC culturel rompt, dans son réalisme modeste, avec la représentation dominante du libéralisme scolaire : elle oblige à ne plus considérer l’école depuis son sommet, mais à partir de sa base " ( " Le niveau monte ; réfutation d’une vieille idée concernant la prétendue décadence de nos écoles ", 1989, p. 195 ).

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