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Billet de blog 31 mars 2025

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La formation des enseignants : un retour « normalisateur » aux écoles normales ?

Ce serait du moins un retour à « l’esprit des écoles normales » selon la formule employée par François Bayrou en préambule de la présentation vendredi dernier dans une école primaire de Rueil-Malmaison d’un projet de formation des enseignants. Mais de quel « esprit » peut-il s’agir ? La « normalisation » ! « Esprit, es-tu là ? »

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Jules Ferry a expliqué lui-même très clairement les raisons fondamentalement politiques de l’institution des écoles normale primaires, lorsqu’il a été question de généraliser les écoles normales de filles, face à des députés républicains qui n’en saisissaient pas bien l’enjeu : « L’enseignement des filles, comme tout enseignement, c’est le bien de l’Etat, c’est le domaine de l’Etat. Mais il n’y aura d’action sérieuse, d’inspection effective que lorsque l’Etat aura constitué les écoles normales de filles. Les cours normaux [des externats, pas des internats] forment d’honorables individualités enseignantes : les écoles normales peuvent seules former un corps enseignant. Et voilà la grande raison, et voilà le véritable mot de l’affaire » (Discours de Jules Ferry à la Chambre des députés le 7 mars 1879)

Mais les écoles normales primaires ont cessé d’être des internats au cours des années 1970. Et il semble tout à fait douteux qu’on puisse en revenir là , pourtant jugé par Jules Ferry comme une condition essentielle pour former des « corps enseignants » consistants et non seulement d’« honorables individualités enseignantes ».

Faudrait-il alors chercher ailleurs la possibilité de « renouer avec l’esprit des écoles normales »  comme l’avait dit le Président de la République Emmanuel Macron il y a déjà un an ?

En effet, il y a un autre « état d’esprit » relatif à la forte mise en place des écoles normales primaires comme l’a montré depuis longtemps Gilles Laprévote, à savoir le dispositif législatif et réglementaire ferryste qui « a marqué la prise en main des écoles normales par le pouvoir central, leur réorganisation uniforme et, au sens propre, leur normalisation » (« Les écoles normales primaires en France, 1879-1979 », PUL 1984, p.21). Et c’est de ce côté là qu’il faut chercher « l’esprit » invoqué .

C’est sans doute en regard de cela en effet qu’il convient de se rappeler d’un certain nombre de propositions faites dans le document qui avait ‘’fuité’’ du ministère de l’Education nationale début avril 2024 au moment de la prise de parole du chef de l’État appelant à « renouer avec l’esprit des écoles normales » .

Il était en particulier dûment indiqué que la réforme envisagée devrait « s’accompagner d’une profonde transformation des INSPE dans les ENSP », le directeur étant nommé par les deux ministères, et une « large place » donnée aux tutelles (MEN et MESR) »

La « licence préparatoire au professorat des écoles » (au moins une créée par académie) ne serait pas pilotée « dans une composante [de l’université] , mais dans une structure sui-genéris co-portée MENJ-MESR (dénommée « Ecole normale supérieure du professorat) »). Les enseignements y seraient organisés selon « une maquette nationale unique » 

Les épreuves d’admission des étudiants comporteraient « un exposé disciplinaire (mathématiques ou français) » et une « appréciation » de leur motivation ainsi que de leur « capacité à transmettre et incarner les valeurs de la République »

Dans l’examen des propositions faites ou à venir, il serait sans doute malséant de ne pas remarquer dans quel « état d’esprit » elles apparaissent , en particulier pour ce qui concerne le nœud du ’’ mode de gouvernance’’. Selon le compte-rendu de la conférence de presse du vendredi 28 mars 2025 paru sur « ToutEduc »,  « les INSPE (instituts nationaux supérieurs du professorat et de l’éducation) verront leur gouvernance modifiée pour que l'Education nationale y ait davantage son mot à dire, notamment sur le choix des enseignants-formateurs. »

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