CLAUDE PATFOORT

Retraité, salarié chez Renault de 1976 à 2015 militant CFDT ouvrier profesionnel (entretien) puis analyste de coûts

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Billet de blog 15 février 2023

CLAUDE PATFOORT

Retraité, salarié chez Renault de 1976 à 2015 militant CFDT ouvrier profesionnel (entretien) puis analyste de coûts

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L'Alliance RENAULT NISSAN un mensonge d'ETAT

Pendant un quart de siècle les présidents successifs de Renault nous ont vendu une potion magique, l’Alliance, qui au fil du temps s’est transformée en un breuvage qui s’avère être indigeste, voire empoisonné.

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Pendant un quart de siècle les présidents successifs de Renault nous ont vendu une potion magique, l’Alliance, qui au fil du temps s’est transformée en un  breuvage qui s’avère être indigeste, voire empoisonné.  Contre toute évidence, voire contre toute logique ils ont laborieusement préparé le terrain à une union contraire aux intérêts du constructeur de Billancourt.

Le projet initial, bâtir une Alliance de deux entreprises distinctes, a disparu au bénéfice de l’asiatique. Les japonais ont, pour cela, bénéficié de l’apathie de l’actionnaire de référence, et de l’aide intéressée de Carlos Ghosn. Les interventions hasardeuses des plus hautes autorités de l’Etat français, n’arrangent, rien.

En 1999, l’Alliance Renault-Nissan a été pensée pour être un groupe binational construit sur la base de deux sociétés distinctes chacune gardant le contrôle de sa gestion opérationnelle.

            A ce stade il y a lieu de rappeler que l’accord du 27 mars 1999 doit son existence au PDG Renault de l’époque, Louis Schweitzer. Privilégiant une direction bicéphale basée sur une égalité des pouvoirs entre les deux sociétés, alors que le japonais était en faillite, sans exiger la contrepartie industrielle, le Dirigeant français a péché par orgueil , voire par naïveté.

Depuis le limogeage, en 2018, de Carlos Ghosn, l’Alliance entre Nissan et  Renault était maintenue dans un coma artificiel prolongé. Portée aux nues par le monde industriel et celui de la finance, l’union des deux constructeurs automobile   s’acheminait vers un fiasco dont la fin de leur PDG emblématique n’est que la pointe visible d’un désastre industriel.

Pour éviter une sortie de route annoncée et tirant le constat que cet  accord de 1999, selon les termes de Jean-Dominique Senard, était « source de frustrations qui peinaient à s'exprimer et d'arrière-pensées qui « empêchaient l'Alliance d'avancer » les deux groupes ont revu leur accord en février.

 Par cette action Renault et Nissan renvoient leur défunte union au cimetière des illusions perdues. En guise d’épitaphe l’actuel numéro 1 de la firme au losange n’est pas tendre envers le premier PDG de l’alliance Louis Schweitzer.  Il qualifie l'ancien accord, celui, de 1999, que l’on doit à son prédécesseur,  « d'inutile et un peu paralysant ». Le tacle est particulièrement sévère lorsqu’il reprend les arguments de l’ex-partenaire et quand il renvoie dos à dos les deux sociétés : « Nissan avait 15% d’une belle entreprise qui s’appelait Renault, sans droit de vote : objectivement, c’est un peu frustrant » a estimé le président de Renault. Le dernier (?) PDG commun aux deux entreprises a longtemps invoqué les mânes de l’Alliance version 1999, au point d’ignorer  la réalité. Jusqu’à il y a peu il ne voulait pas voir l’hégémonie de Nissan au sein de l’Alliance. Et Il lui faudra du temps, cinq ans,  pour admettre que « Renault qui avait 44% d’une entreprise au Japon n’avait pas son mot à dire ».

La conclusion de Jean Dominique Sénart ne surprendra que ceux qui ne voulait pas voir une évidence. : l’Alliance allait dans le mur. L’encre de l’accord du 27 mars 1999, n’était pas sèche que déjà naissaient des divergences sur sa lecture.

Le changement de PDG en 2018 n'a pas modifié la donne. Le divorce en cours se fait aux torts exclusifs du français. Les termes de l’accord qui se dessine entre les états-majors des deux sociétés consolide, donne le beau rôle à l’asiatique. Les discussions en cours porteraient sur un désengagement de Renault du capital de Nissan qui descendrait de 43,4% à 15% . Ici le conditionnel s’impose, parce que l’accord n’est pas finalisé. Les négociateurs se seraient mis d’accord sur une récapitulation des deux groupes mais pas sur leurs revalorisations respectives ! La grande inconnue est de savoir si les conditions léonines du partage des marchés entre les 2 ex-partenaires subsistera

Business is business

La « Vox populi » désigne Monsieur Carlos Ghosn comme le responsable des déboires de l'alliance. Si ce constat ne rencontre que peu ou pas de contradicteur, il est bon de rappeler que le groupe franco-japonais et son alliance n’ont fait l’objet d’aucune analyse critique qui aurait apporté les clarifications que nous attendons sur les malversations qui lui sont reprochées.

L’absence d’audit ne permet pas de porter un jugement définitif sur ce que fut l’union des deux constructeurs. L’enchaînement des évènements confirme ce que peu de personnes osaient dire sous peine d’excommunication de la communauté des « biens- pensants » que l’alliance allait dans le mur. L’encre de l’accord n’était pas sèche que déjà naissaient des divergences sur sa lecture. Moribond en 1999, à deux doigts du dépôt de bilan le constructeur japonais doit sa survie à l’argent du contribuable français et à un chevalier blanc plus proche de Don Quichotte que du chevalier Bayard.   

Si l’alliance fut la transfusion qui sauva le nippon  parallèlement elle  « vampirisa » le français. Ce qui nous mène dans un domaine rarement exploité l’évolution du rapport de force entre les 2 partenaires.

Au point où nous en sommes il n’est pas interdit de se demander si l’affaire Carlos Ghosn n’est pas l’arbre qui cache la forêt, à savoir une affaire Renault.

Renault -Nissan : une belle utopie… mal conçue dans le non-respect de la règle fondamentale de l’économie capitalistique…. Et qui s’est délitée dès l’origine.

Je prends acte des chemins séparés empruntés désormais par les deux sociétés. Je prends acte des paroles de Mr Sénart « Nous avions 44%de Nissan, mais nous n’avions aucun pouvoir, ce qui générait beaucoup de frustrations de notre côté, même si nous évitions d’en parler ».

Je renvoie le lecteur à l’un des rares ouvrages pour lequel l’affaire Carlos Ghosn ne se résume pas à un aller simple Tokyo-Beyrouth sans retour. Son titre L’affaire Carlos Ghosn, une incompétence partagée ? aux éditions NOMBRE7.

Sans illusion je continuerais de m’interroger « Pourquoi le Conseil d’Administration composé, de représentants de l’État, de représentants des syndicats représentatifs, de personnalités expertes n ’a-t-il pas jugé utile de réagir à une situation préjudiciable aux intérêts de l’actionnaire Renault et qui a, finalement, aboutit à l’affaiblissement opérationnel de l’Entreprise ? Que nous cache le dépeçage en cours du groupe ? »

claude.patfoort@gmail.com

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