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Billet de blog 2 juillet 2011

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Nucléaire : le début de la fin ?

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Combien de temps encore allons-nous vivre avec l’épée de Damoclès de nos centrales vieillissantes disséminées dans l’hexagone ? Faut-il attendre que le coût de l’énergie explose, faut-il attendre une catastrophe pour prendre le virage énergétique nécessaire à une France enfermée dans la voie sans issue du « tout nucléaire » ?

Certains voisins européens — Allemagne, Suisse, Autriche, Italie — ont compris l’ère post-Fukushima. Ils se posent la question cruciale de la soutenabilité économique, sociale, environnementale des politiques énergétiques. Des indices nous montrent que les opportunités existent, les idées convergent, les solutions émergent, les consensus se dégagent.

En tout cas si une chose est certaine, c'est que, contrairement à la façon habituelle de présenter le problème, ce n'est pas lorsque les énergies renouvelables atteindront un coût de production inférieur à celui du nucléaire qu'elles rivaliseront avec lui. Car la condition pour que ces coûts de production des renouvelables baissent significativement est justement que le nucléaire s'arrête. Car l'hégémonie de l'atome est bien un frein à toute évolution. Au prétexte qu'il ne serait pas cher.

Nous le verrons très bientôt en Allemagne, pays qui s'apprête à distancer sûrement et durablement la France en matière énergétique. Grâce à leur arrêt du nucléaire et à la dynamique d'innovation et de stimulation que cela induira — induit déjà.

Tandis que nous, en France, imbus de notre « savoir-faire » et avec une morgue qui confine à l'indécence, persistons à proclamer à la face du monde, y compris celle des Japonais, que notre EPR constitue la solution d'avenir. Mais qui ne l’a jamais vu fonctionner ?

« Le nucléaire est mort », selon les mots de Jérémy Rifkin, spécialiste mondial de prospective économique, président de la Fondation pour les tendances économiques. Il ajoute : « Je préside un groupe de 120 des plus grandes entreprises du monde dans le domaine de l'informatique, des transports, de la logistique, de l'énergie, de la distribution d'électricité, de la construction [...], ces sociétés savent que le nucléaire est mort ».

Pour illustrer son propos, M. Rifkin fait l'analogie avec l'industrie du disque, laquelle n'a pas anticipé le partage de fichiers sur Internet ; ou encore avec Bill Gates qui n'aurait jamais imaginé le succès du logiciel libre Linux ; ou bien encore avec le succès d'une blogosphère détrônant les journaux en ligne. La logique implacable ici à l'œuvre est celle des réseaux décentralisés et autonomes s'affranchissant d'un pouvoir tutélaire.

Les arguments économiques du déclin du nucléaire sont multiples :

— l'absence depuis 50 ans de solutions pour les déchets radioactifs,

— la rareté croissante de l’uranium,

— le manque d’effet réel sur les émissions globales de CO2 (il faudrait 1 500 réacteurs, soit des milliers de milliards d’euros pour ne gagner que quelques % d'émissions),

— le manque d’eau pour le refroidissement (40 % de l'eau douce consommée en France est utilisée pour refroidir les réacteurs ; rappelons que l'énergie dispersée dans l'environnement par ce refroidissement représente neuf cents milliards de kWh/an, soit plus que la quantité d’énergie nécessaire au chauffage de tous les bâtiments du pays),

— le coût astronomique et non provisionné du démantèlement des centrales,

— le caractère irréaliste d'une nouvelle génération de réacteurs au plutonium…

Combien de réacteurs la France a-t-elle vendu en 50 ans ? Neuf.

Outre les arguments financiers, les raisons techniques au maintien du nucléaire s’évaporent. Un scénario alternatif existe. Le rapport du GIEC du 9 mai dernier estime que les énergies renouvelables pourront couvrir jusqu’à 77 % des besoins mondiaux en 2050, pour des coûts de développement inférieurs à 1 % du PIB mondial.

À l’échelle locale, les études de l’Agence Locale Energie-Climat Bordeaux-Gironde montrent qu’une planification du facteur 4 ainsi que nos gisements locaux rendent accessibles de tels résultats. Si l’on travaille simultanément sur la demande et la production d’énergie, en combinant économies, efficacité, les différents types d’énergies renouvelables et les « smart grids » la transition énergétique se met en marche, tel qu’en Allemagne ou en Autriche, où certains territoires s’approvisionnent déjà à 100 % en énergies renouvelables produites localement.

Au-delà d’un objectif d’indépendance, la transition énergétique vise le déploiement d’un secteur industriel créateur d’emplois (déjà 400 000 en Allemagne ; projection de 680 000 créations nettes en France à 2020 selon l’institut Négawatt).

Un Nouveau Monde énergétique est possible. À dix mois des présidentielles, le jeu est ouvert : aux décideurs de s’affranchir du poids des lobbies, aux élus locaux et aux citoyens de se réapproprier les questions énergétiques, d’être les acteurs, ici et maintenant, de ce virage !

Avec Peggy Kançal, conseillère régionale aquitaine EELV

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