Le territoire de l’Hexagone est parsemé de gisements d'énergies renouvelables et diversifiées. Les exploiter intelligemment est plus que jamais le défi dumoment. Pourquoi le retarder en nous obstinant à exploiter des ressources épuisables et lointaines, fossiles ou fissiles ?
Il y a urgence ! Nous n'avons pas le temps de nous accrocher au modèle économique des Trente Glorieuses, fondé sur une énergie bon marché ; c'est maintenant qu'il nous faut agir.
Le chantier de sevrage collectif doit être attaqué par les deux bouts : agir sur la demande d'énergie en la rationalisant, que ce soit à travers la sobriété ou l'efficacité, et agir sur l'offre en la structurant à partir de NOS ressources.
Il nous faut à tout prix couper le cordon ombilical qui nous lie aux énergies épuisables venues d'ailleurs. Ce modèle s'est exacerbé et se maintient grâce uniquement à l'anesthésie sociale qui règne en France, laquelle nous paralyse dans la recherche de solutions alternatives.
Des puissants intérêts exercent ce pouvoir anesthésiant. Ils résultent de la collusion entre, d'une part, les multinationales du pétrole, du gaz et de l'uranium et, d'autre part, les oligarchies locales qui veillent au grain ; cet ensemble se nourrissant, telles des sangsues, de nos addictions et de notre inconscience.
Ces oligarchies nationales vampirisent la politique énergétique via les Administrations Centrales et les Grands Corps (sans que l'on sache très bien laquelle de ces deux entités commande l’autre), imposant des choix énergétiques totalement indifférents, en dépit des grandes déclarations romanesques, à l'intérêt général — aux premiers rangs desquels intérêts se trouvent l'environnement et l’équité sociale.
Seule une production énergétique enracinée localement, conçue pour répondre d'abord aux besoins et intérêts locaux, de dimension réduite et intégrée horizontalement au réseau national ou continental, pourra nous sauver des désastres écologique, économique et sociétal vers lequel nous nous dirigeons aujourd'hui dans l'insouciance.
Heureusement des voix s'élèvent déjà dans nos territoires et l'exemple de la ville de Montdidier (1), dans la Somme, est parfaitement emblématique de ce que doit être un modèle énergétique responsable et soucieux de l'environnement et d'équité.
Le chemin sera dur et il nous faudra nous préparer à des rudes batailles pour lutter contre les intérêts des Grands Corps (2) et des grands groupes qui monopolisent l'énergie et ses orientations. Gérée localement, par des acteurs de terrain, la production et la commercialisation de l'énergie leur échappent et cela, ils ne sont pas prêts de le tolérer.
Certaines études menées au niveau européen parlent ouvertement de révolution énergétique (3). C'est bien de cela qu'il s'agit ; c'est à cela que nous devons nous préparer : une révolution, dans nos habitudes autant que dans nos esprits.
Le déploiement de la capacité de production renouvelable, et principalement éolienne, à travers nos territoires est l'une des armes à notre disposition. Les collectivités territoriales sont, ou doivent devenir, le fer de lance dans cette bataille. La réappropriation des ressources par les citoyens passe nécessairement par là.
Mais cela est largement insuffisant. Si nous ne nous attaquons pas à l'autre bout de la chaîne — notre consommation —, alors la production d'énergie renouvelable ne sera jamais suffisante et nous resterons dépendants des dealers et de leurs complices.
Notre indépendance passe par une réduction drastique de notre consommation. Le tout premier chantier nous y conduisant est celui de la rénovation énergétique des bâtiments, publics et privés. Nous devons concentrer rapidement nos efforts sur ces économies d’énergie.
Malheureusement ce ne sont pas les hauts fonctionnaires de la technocratie en place, même parée de l'aura bien pratique du "service public" — un faux nez —, qui aideront à la mise en place d'un nouveau modèle énergétique. Car celui-ci serait parfaitement antagoniste avec le modèle économique qu'ils servent et les maintient en place.
Claudio Rumolino, énergéticien, géographe.
Février 2011
(1) Première ville en France ayant porté entièrement un projet de parc éolien sous forme de régie, inauguré début 2011. Les bénéfices escomptés de cette exploitation serviront d’abord à financer les travaux d’économie d’énergie, aussi bien dans le patrimoine communal que sous forme d’aide aux particuliers.
(2) Au premier rang desquels les Mines et ses 600 ingénieurs ayant la haute main sur le nucléaire, se partageant les postes de direction telle une caste évoluant sur une chasse gardée.
(3) Energy [r]evolution.Towards a fully renewable energy supply in the EU 27. EREC –Greenpeace. Report 2010 EU 27 energy scenario. Mais il existe sept autres études traitant des scenarii d’évolution énergétique en Europe, dont la synthèse comparative est présentée par le n° 200 de la revue Systèmes Solaires, nov-déc 2010.