Il faut imaginer, au milieu de ces ruelles encombrées, aussi bien par les piétons en djellaba ou en short, en burqa ou en débardeur et mini-jupe, passants grouillant telle une fourmilière ; il faut imaginer donc qu’au milieu de cette foule bigarrée se fendent constamment un passage des essaims de motocyclettes, klaxonnant sans cesse et fumigeant l’atmosphère de leur gaz blanchâtre et, fait miraculeux, évitant de justesse à chaque instant de heurter le piéton ; surtout le piéton nonchalant qu’est le touriste badaud, avec son chapeau de paille, n’ayant pas compris qu’il devait toujours tenir sa droite.
La scène trouve comme décor également ces vieux messieurs assis sur leur couverture, à écosser les petits-poids, ou à éviscérer des sardines, le tout à même le sol, leur nez à hauteur d’échappement.
Nous avançons éblouis découvrant par exemple tel « artisan savonnier par saponification à froid », qui nous explique que ses savons sont « créés, coupés, tamponnés à la main, avec une gamme aux huiles essentielles du Maroc exclusivement » …
Mais alors, LE Souk !
Il nous a fallu le troisième jour pour nous décider de nous y enfoncer enfin. La profusion et la diversité de marchandises de toute sorte, étalées en débord des minuscules locaux, empiétant sur ces ruelles toujours plus étroites mais couvertes soigneusement pour ne pas laisser passer le soleil.
Partout des chats faméliques.
Jus de gingembre du vendeur ambulant, déjà pressé, dans bidon à robinet, refroidi.
Puis un havre. « Café des épices ».
Charmante terrasse au calme près de la mosquée Mouassine. Ambiance californienne. Le serveur nous sert le thé en éloignant la théière le plus haut possible, comme il se doit et nous précise que c’est de la menthe fraîche de Al-Djedida ; la meilleure du Maroc, nous dit-il.
Puis je continue mon inventaire commercial et artisanal, observant ou lisant les devantures des locaux (attention ! c’est long). Dans le désordre :
- Luthiers
- Maroquiniers (partout)
- Chausseur
- Coiffeurs
- Épiciers
- Herboristerie
- Ferblantier
- Pâtissier
- Boutiques de mode
- Tailleur
- Papetier
- Agence de tourisme
- Passementerie
- Potier
- Marchand de jouets et de tapis
- Salon de massages
- Écrivain public
- Téléphonie
- Opticiens
- Marchand de tissus, d’épices
- Vitrier
- Réparateur de cycles et motocycles
- Ébénistes
- Horlogers
- Tisserands
- Sculpteur
- Vendeur de cigarettes à la sauvette
- Marqueterie
- Savonnier
- Menuisier
- Cardeur
- Charbonnier
- Quincaillier
- Masques africains
- Cordonnier
- Pompiste sur roulettes
- Grilleur de saucisses
- Vanneur
- Coutelier
- Pharmacie
- Jus de fruits pressés frais
- Têtes et pieds de mouton
- Dentiste
- Avocat
- Dates
- Figues
- Nougat
- Atelier retouches
- Parfumeur
- Fèves et pois chiches
- Kebab
- Casquettes
- Pizzas
- Snacks
- Chawarma
- Labo photo
- Volailles vivantes
- Bijoutier
- Electroménager
- Tabac
- Graineterie
- Rôtisseur
- Poissonnier
- Cyber café
Après l'arrivée le lendemain de nos amis argentins, avec qui nous avons visité le jardin Majorelle, le Palais de Bahia et els tombeaux Saadians, le périple à travers la Médina a repris et toute la journée nous avons sillonné ses ruelles et, de nouveau, pénétré dans le Souk à la découverte de ce temple du commerce et de l'artisanat, nous émerveillant du travail du bois, du métal ou des étoffes ; nous agaçant parfois de l'insistance lourde des vendeurs, mais aussi goûtant les attentions de quelques uns, tel ce pâtissier très fier de nous montrer son local inauguré le jour même et nous expliquant, intarissable, la composition de ses produits. Après nous en avoir fait goûter pratiquement tout, comment ne pas lui en acheter un minimum ? Ce qui ne l'a pas empêché de remplir notre boîte après la pesée, tellement il paraissait sincèrement content d'avoir discuté avec nous plus d'un quart d'heure.
L'omniprésence des mobylettes dans les rues de la Médina n'a pas cessé de m'interpeller durant ces 4 jours. Non seulement à cause du chaos qui en résulte, tant du point de vue sonore qu'à cause de la difficulté pour les piétons de se déplacer et, surtout, du danger encouru en permanence.
Les engins frôlent très souvent les passants, sans aucune retenue, manquant en permanence de peu l'accident. Quand on voit ces nombreux enfants, dont la taille ne dépasse pas la hauteur des guidons, sillonner les rues tranquillement comme si ce danger n'existait pas ; ou les vieillards marchant avec difficulté se faire dépasser par ces machines qui les slaloment, on reste coi devant tant d'inconscience.
Parce que, bien sûr, les conducteurs de ces mobylettes se croient tout permis en se pensant toujours prioritaires et bien évidement, dans leur esprit, les piétons doivent se pousser pour les laisser passer : l'insupportable concert de klaxons est bien là pour le leur rappeler.
Il n'y a pas que ce danger là, immédiat, qui guette les piétons. Les habitants passent le plus claire de leur temps immergés dans la fumée des échappements toxiques de ces moteurs à 2 temps, lesquels crachent leur fumée blanchâtre chargée d'un cocktail cancérigène aux effets dans retour.
Comment ne pas penser à ces enfants en poussette dont les narines se trouvent à hauteur des pots, ou à tous ces vendeurs ambulants assis par terre ?