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Billet de blog 18 décembre 2012

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LES EOLIENNES NE SONT PAS DES PIGEONS ; PLUTOT DES DINDONS

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

La modification des règles de taxation des plus-values réalisées par les personnes physiques à l’occasion de la cession de titres de sociétés a beaucoup fait parler d’elle ces dernières semaines. Le projet de loi de finances pour 2013 envisageait en effet initialement en son article 6 de soumettre ces plus-values au barème progressif de l’impôt sur le revenu, moyennant certains abattements liés à la durée de détention des titres, ce dont il résultait une augmentation très forte de la fiscalité frappant ces plus-values.

Une forte mobilisation, très médiatisée, de la part de quelques dizaines d’entrepreneurs en vue, autoproclamés « les pigeons », a permis au bout de quelques jours et d’une seule rencontre avec le Ministre du Budget, de modifier significativement ce projet, en rétablissant le principe d’une fiscalité forfaitaire sous certaines conditions, notamment de seuil de détention de la société, de durée de détention et de fonctions exercées, faisant preuve ainsi d’une meilleure appréhension des risques inhérents aux activités entrepreneuriales.

Ces contribuables faisant valoir qu’ils n’étaient pas des « spéculateurs », mais des vrais entrepreneurs, susceptibles en tant que tels d’investir dans l’appareil productif. Ils méritaient, par conséquent, de continuer à bénéficier d’un traitement particulier.

Or, de façon surprenante, cet article 6 prévoit désormais que le bénéfice du taux réduit, toutes choses égales par ailleurs, s’applique aux titres d’une « société [qui] exerce une activité industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou libérale, à l’exclusion des activités procurant des revenus garantis en raison de l’existence d’un tarif réglementé de rachat de la production,[…]».

Les entreprises du secteur éolien ne sont donc pas considérées comme relevant d’une activité vertueuse et entrepreneuriale susceptible de mériter des mêmes égards de la part de nos législateurs, fussent-ils partisans de la « transition énergétique », mais semble au contraire relever d’une activité au mieux patrimoniale, au pire spéculative, qui doit donc subir une taxation des plus-values très largement supérieure à celle des « pigeons ».

Cette position de l’actuel Gouvernement s’inscrit dans la droite ligne de celle qui avait conduit le précédent Gouvernement à interdire aux contribuables investissant dans les entreprises de production d’énergies renouvelables le bénéfice d’une exonération d’impôt à hauteur de 25 % de leur investissement en matière d’impôt sur le revenu au titre de la loi TEPA.

Ceci au prétexte que les entreprises productrices d’énergie renouvelable bénéficient d’un tarif d’achat garanti, ce qui, dans la perception des auteurs de cet amendement équivaut, visiblement, à une entreprise sans risques alors même que le montage financier de ces projets est un vrai challenge compte tenu du besoin en capitaux de ce secteur.

L’actuel Gouvernement entérine et perpétue ainsi cette vision partiale de l’activité de production d’énergies renouvelables en pratiquant une discrimination injustifiable à son égard. Discrimination que l’on trouvait déjà dans le montant des taxes locales spécifiquement majorées de 140 % pour l’éolien et le photovoltaïque.

Au prétexte qu’il existe un tarif d’achat réglementé - qui d’ailleurs se trouve en sursis depuis un an, sans que cela affole les autorités , entravant de ce fait l’accès au crédit pour les entreprises par l’attentisme des banques -, les producteurs d’énergies renouvelables sont considérés au mieux comme des assistés, mais le plus souvent comme des spéculateurs, ce qui est difficilement acceptable au vu des contraintes de ces activités et des risques qu’elles supportent (construction, remise en cause des tarifs et présence du vent !). Un autre exemple éloquent de ce mouvement de fond sournois contre les renouvelables se trouve dans les récents changements que montre le scénario en trois actes décrit ci-dessous, dont l’écriture transcende les majorités politiques et montre clairement que derrière les discours et déclarations d’intention il existe une ligne constante dans la Haute administration qui s’oppose au développement des énergies renouvelables en France.

Acte I (gouvernement précédent) :

On ne reconduit pas, après le 31 12 2010, l’article 39 AB du code général des impôts, lequel permettait les amortissements des installations éoliennes en un an.

Acte 2 (encore sous le gouvernement précédent) :

On limite à un million € par an, plus un pourcentage du résultat fiscal de l’année, le report des déficits, d’où un impôt sur les bénéfices avancé de plusieurs années. Cette mesure de portée générale est adoptée sans réserver le cas des entreprises qui ont pu accumuler un stock de déficits fiscaux reportables très importants du fait de leur option pour le régime de l’article 39 AB et se retrouvent donc pénalisées par l’option pour un régime d’amortissements qui était censé être incitatif pour le secteur, et qui s’avère pénalisant du fait de ce changement.

Acte 3 : (Loi de finances actuellement en discussion)

Alors qu’on aurait pu s’attendre à une fiscalité aménagée pour les productions d’énergie renouvelable, en cohérence avec la proclamation du besoin d’une transition énergétique, les conditions de report des déficits sont durcies par l’abaissement des montants reportables.

Décidément, en France, les éoliennes ne méritent pas du titre de « pigeons ». Elles ne sont que les dindons de la farce.

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