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Billet de blog 19 décembre 2012

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Le monopôle de distribution d’électricité

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Le monopôle de distribution d’électricité

La loi de 1946 sur la création d’EDF a conféré à cette société le bénéfice de la nationalisation des moyens de production détenus auparavant par environ mille six-cent entreprises.

Les réseaux de distribution, propriété des collectivités territoriales (CT), n’ont pas été nationalisés par cette loi. Cependant, celle-ci a conféré à l’entreprise publique le monopôle de leur gestion.

Il existe néanmoins une exception à ce monopôle de gestion de la distribution d’électricité car il subsiste encore un groupe de régies locales ayant échappé à la nationalisation. Ce sont environ 150 régies qui ont pu garder, non seulement la propriété des réseaux, mais également la liberté de leur gestion. Ces régies sont appelées Entreprises Locales de Distribution (ELD).

On retrouve parmi ces ELD, par exemple, les régies municipales de La Réole (Gironde), de Montdidier (Somme) ou d’Elboeuf (Seine Maritime). Il existe également des régies départementales (Vienne, Vendée, etc.). Ce sont au total 5 % des abonnés français qui échappent aux dispositions de la loi de 1946.

Certaines régies étaient productrices d'électricité ou le sont devenues, comme celle de Mondidier (6 500 hab.). La particularité de celle-ci est qu’elle mène une politique très active de maîtrise de l’énergie par des actions d’économies et de recherche de l’efficacité de son système, portant aussi bien sur les équipements publics (réseau, éclairage public, etc.) que sur l’aide et conseil, pour le plus grand bénéfice de ses habitants-usagers-consommateurs.

Les dispositions de la loi de 1946 encadrant la distribution d’électricité ont été abrogées pour être reprises  dans le Code de l’Energie. C’est l’article L111-52 de ce code qui établit l’obligation de concession par les CT (hors les 150 EDL) à l’entreprise nationale, devenue entre-temps ERdF, filiale à 100 % d’EDF. Par ces dispositions les CT ont perdu tout contrôle sur la gestion de leurs réseaux, obligatoirement concédé à ERdF.

Il découle de ce monopôle une situation pour le moins contestable en ce qu’elle génère une inégalité des citoyens devant la loi, puisque les habitants des CT dotés d'une ELD voient leur réseau électrique contrôlé démocratiquement par leurs élus, ce qui est interdit aux habitants des de 95 % des 36 000  communes qui composent la structure administrative territoriale française.

Outre cette inégalité de traitement, deux autres griefs peuvent être formulés par les CT dépossédées de leur liberté de gestion d’un équipement public. Il s’agit aussi bien de la privation de la libre administration de leurs biens, ainsi que de la privation de leur liberté de contractualisation.

Sans préjuger de l’issue de la procédure en cours, on peut soutenir que ces trois anomalies peuvent être qualifiées d’anticonstitutionnelles.

C’est en effet l’avis d’un contribuable parisien, lequel a estimé que sa municipalité était lésée par cette impossibilité de contrôle démocratique malgré les montants qu’elle était obligée de payer à ERdF pour l’entretien des réseaux, soit environ 600 millions d’Euros par an. Le professeur de droit constitutionnel Dominique Rousseau a confirmé cette analyse. Pour plus d’information : http://service-public-energie.fr

Pour cette raison, une Question Prioritaire de Constitutionnalité (QPC) a été soulevée en 2011. Elle est en cours d'examen à la Cour d'Appel Administrative de Paris qui doit décider de sa transmission au Conseil d’Etat, puis, le cas échéant, au Conseil Constitutionnel.

L’issue de cette procédure pourrait conduire à la fin de l'interdiction de création d'ELD, voire à la perte du monopôle de la distribution attribuée à ERdF, si cet article du Code de l’Energie était déclaré anticonstitutionnel.

La disposition du Code de l'énergie concernée serait alors annulée de manière immédiate ou différée par le Conseil constitutionnel, Il appartiendrait alors au législateur de créer un une nouvelle loi définissant les conditions de gestion des réseaux publics de distribution d'électricité

Deux récentes décisions du Conseil d’Etat sont venues ébranler les tarifications de l’électricité payée par les consommateurs puisque, à la demande du SIPPEREC, la plus haute instance judiciaire a annulé, en l’espace de moins d’un mois, le tarifs de vente réglementé de fourniture d'électricité définis en 2009 et le tarif d’utilisation des réseaux publics d’électricité (TURPE).

Ces deux batailles gagnées par un syndicat d’électrification regroupant des CT, mécontentes de l’opacité du système tarifaire en vigueur, pourraient présager d’un bouleversement décentralisateur qui viendrait frapper l’organisation pyramidale de notre modèle électrique tel qu’il fonctionne depuis la Libération.

Cette éventuelle évolution du modèle n’a aucune raison de signifier la fin du service public puisque rien ne prouve que celui-ci soit l’apanage d’un Etat central, comme le prouve, par exemple, la municipalité de Montdidier. Au contraire, une entreprise, fût-elle publique, ne peut en aucun cas incarner le service public. Dans toute démocratie, le service public relève de la collectivité (nationale ou territoriale), qui décide de la meilleure manière de le mettre en œuvre.

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