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Billet de blog 21 février 2017

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Le double jeu de Donald Trump avec le Mexique

Une entreprise gazière dont Donald Trump a été actionnaire, Energy Transfer Partners, vendra des milliards de mètres cube de gaz au Mexique à partir de mars 2017. Les deux projets de gazoducs par lesquels transite le gaz ont bénéficié du soutien de la Maison blanche depuis mai 2016.

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Illustration 1
© Valerio Muscella

La presse mexicaine n’est pas dupe. Malgré l'adoption du projet de mur frontalier par décret présidentiel et les menaces tarifaires à l'encontre des importations mexicaines, les analystes locaux imaginent mal une renégociation substantielle - et encore moins une dénonciation - du Traité de libre-échange d’Amérique du Nord (Alena). Le Mexique, selon M. Trump, profiterait de cet accord aux dépens des Etats-Unis.

Et pourtant, c'est bien en vertu des principes de libre circulation de l'ALENA que président étasunien a autorisé le 24 janvier dernier la construction de deux gazoducs entre le Texas et la frontière mexicaine.


D’après les informations révélées par l'hedomadaire d'investigation Proceso, le milliardaire mexicain Carlos Slim est associé à la filiale mexicaine d’Energy Transfer Partners (“Energy transfers mexicana”) par le biais de l’entreprise Carso Energy, qui fait partie du groupe Carso, propriété de M. Slim. Slim et Trump, comme cela a été relevé par la presse internationale, se sont rencontrés en décembre dernier.

Un soutien aux gazoducs transfrontaliers fermement confirmé par Trump

Le gaz, qui sera acheminé et vendu au Mexique par Energy Transfer Partners à partir de mars 2017, servira à approvisionner en énergie électrique bon marché les usines étasuniennes installées du côté mexicain de la frontière, entre l’Etat de Chihuahua et le Texas. Les projets de gazoduc “Trans-Peco” et “Commanche trail” bénéficient de permis présidentiels et d’un soutien financier discrètement accordés par l’administration Obama en mai 2016, juste avant que cette dernière mette un coup d’arrêt aux projets d’oléoducs contestés Keystone XL et Dakota Access.


Encouragées par le succès la mobilisation contre Dakota Acess à Standing rock, les populations indigènes affectées par la construction se sont organisées au sein d'un camp de résistance contre le gazoduc Trans-Peco dans le comté de Presidio à l'ouest du Texas. Les militants ont multiplié les actions de "lockdown" consistant à s'enchaîner aux portions de tuyaux inachevées. Une mobilisation forte mais tardive qui a peu de chances d'empêcher une mise en service prévue pour mars 2017.

Action de sabotage ou "lockdown" du pipe-line Trans-Peco dans le compté de Presidio, Texas © West Texas Water and Land protectors

Le gazoduc Trans-Peco traverse les comtés texans de Brewster, Pecos et Presidio. Le projet est considéré comme national et d’utilité publique par la Maison blanche malgré le fait qu’il opère une connexion dans la commune frontalière de Presidio avec les infrastructures de la Commission fédérale d’électricité du Mexique (CFE).


La CFE bénéficie d’un budget de 16 milliards de dollars pour l’importation de gaz naturel et la construction de l’extension mexicaine du pipeline américain en vue de satisfaire la demande croissante en gaz des ménages et des entreprises. Les deux projets de gazoducs reposent sur une interconnexion des infrastructures énergétiques des deux pays, qui serait techniquement impossible sans l’existence d'un traité de libre-échange ALENA.

Pendant la dernière décénie, le boom du gaz et du pétrole de schiste aux Etats-Unis a coïncidé avec une contraction régulière de la production mexicaine d'hydrocarbures. En moins de deux ans, les importations de gaz étasunien au Mexique ont augmenté de plus de 80%. L'objectif affiché par le gouvernement est de remplacer le pétrole et le charbon par le gaz dans le mix énergétique du pays. Cette politique sert un objectif officiel de réduction des émissions de gaz à effet de serre autant qu'un intérêt tacite de contention de l'augmentation politiquement sensible des prix de l'électricité et du carburant.

Un analyste financier de la banque Citigroup récemment cité par CNBC a reconnu que "sans le Mexique, ce serait difficile" [pour les producteurs américains de gaz et de pétrole de schiste].

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