Des socialistes 4 : primaires sabotées (billet paru en une de Lepost.fr)
Primaires sabotées
19/02/2010 à 08h51 - mis à jour le 19/02/2010 à 13h26 | 18857 vues | 106 réactions
Si l'actualité des élections régionales fait qu'on parle moins de l'élection présidentielle de 2012, les primaires à gauche restent au centre des préoccupations et des espoirs de beaucoup de sympathisants socialistes.
Qu'on puisse désigner par son vote le candidat qui aura le plus de chance de porter les couleurs de la gauche au second tour, qu'on puisse lui conférer par une une participation massive une légitimité incontestable, qu'on puisse lui donner un élan semblable à celui dont a bénéficié Obama pendant les dernières primaires américaines, tout cela a de quoi susciter l'enthousiasme. S'y ajoute aussi le sentiment que ce vote nous délivrera au moins un temps des lourdeurs d'appareil, des hiérarchies imposées, des arrangements plus ou moins consentis et plus ou moins cachés...
Patatras ! Fabius, au détour d'une interview, fait capoter d'une confidence cette belle perspective. Jeudi, sur France Inter, il déclare qu'un arrangement a eu lieu entre Martine Aubry, Dominique Strauss Kahn et lui-même pour qu'un seul de ces trois soit candidat aux primaires. Et qui choisirait parmi ces trois ? Les sondages.
La révélation de Fabius est la mise à jour d'une véritable magouille qui décrédibilise les primaires pour plusieurs raisons. La première c'est le fait de s'en remettre aux sondages. Si les socialistes ont décidé en 2005 d'organiser des primaires c'est bien justement pour tenter d'échapper à leur dictature... Pour que le candidat censé représenter la gauche de mouvance socialiste soit effectivement le candidat voulu par elle. Dominique Strauss-Kahn devance Martine Aubry dans d'actuelles enquêtes d'opinion faites sur l'ensemble des électeurs. Mais la devance-t-il parmi les électeurs de gauche ? On peut fortement en douter. C'est autant parce qu'ils ne prennent pas les mêmes formes (une enquête statistique d'un côté, un vote citoyen de l'autre) que parce qu'ils ne concernent pas le même corps électoral que les sondages et les primaires ne peuvent pas être confondus.
La seconde raison de réprouver l'arrangement, c'est qu'il oblige à confondre trois personnalités qui ne suscitent pas du tout les mêmes sympathies ou aversions et dont les positions politiques sont elles-mêmes bien distinctes. Celle d'un Dominique Strauss-Kahn privilégiant la rigueur économique sur les avancées sociales, placé à la tête du FMI grâce à Sarkozy lui-même n'est pas celle de Martine Aubry ayant décidé d'assurer l'ancrage à gauche de son parti et s'appuyant pour cela sur Benoit Hamon et "l'Espoir à gauche".
La troisième raison est presque une question de décence. Un parti n'organise pas une primaire s'il veut placer sur un piédestal à une place réservée un candidat de sa direction. Un François Hollande, un Pierre Moscovoci, un Manuel Valls, candidats déclarés, une Ségolène Royale qui ne manquera pas de l'être, un Benoit Hamon ou d'autres se verraient donc tous alignés un rang en dessous et tous présentés ainsi par l'appareil comme candidats suspects à la division. Si la direction du parti voulait précipiter la dissidence de Ségolène Royale, elle n'agirait pas autrement. Et elle la rendrait d'autant plus dangereuse que nombre de ceux qui ont peu de sympathie pour la présidente du Poitou pourraient finir par la rejoindre par dégoût de cette manoeuvre plutôt basse.
Qu'espérer ? On peut penser que la déclaration de Fabius est un coup politique pour lier les mains d'une Aubry pas vraiment consentante. Alors qu'elle réagisse vite et démente. On peut penser que Benoit Hamon par exemple a été tenu à l'écart de ce qui ressemble fort à un complot et que, le connaissant, il s'y oppose. Qu'il le dise alors ! C'est peut-être d'Arnaud Montebourg qui préside la commission des primaires et qui continue de plancher avec elle que peut venir la réaction salvatrice. Il doit non seulement condamner cette manoeuvre mais hâter la mise en place de primaires absolument claires et équitables. Sinon la gauche court à un nouvel échec aux présidentielles et le parti socialisme à son éclatement.
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L’auteur

inscrit depuis le 22/03/2009
Sources : France Inter