Beau huit mai donc hier. Apaisé, épinalien avec cette image des deux présidents adversaires élevant côte à côte leur silhouette au-dessus de la flamme, républicain comme on dit en parant le mot d'une vertu à la fois patriotique et courtoise, égalitaire et fraternelle.
Oui mais... Tout au long des Champs-Elysées, derrière les barrières, les drapeaux qui s'agitaient n'étaient pas ceux du peuple de l'égalité et de la fraternité. Ce n'étaient pas des drapeaux français. C'étaient des drapeaux de l'UMP, les mêmes qui avaient envahi quinze jours avant cette même place de la Concorde, centre des festivités républicaines. La preuve ? Les applaudissements nourris, les vivats dont a fait l'objet Sarkozy à son passage et surtout les huées qui ont accueilli Hollande à un détour des Champs.
J'ai eu l'impression pénible que ce peuple de gauche qui, il y a deux jours, avait envahi la Bastille n'était pas là pour cette grande cérémonie républicaine à ciel ouvert qui célèbre la fin de cinq ans d'occupation par des soldats représentant le plus antirépublicain des systèmes. Et qu'à sa place on avait une foule quasiment enrégimentée. On a su que consigne avait été donnée aux militants de l'UMP de se masser sur le passage de Sarkozy. Des journalistes de la deux, de ITV ou de BFM enregistraient des points de vue de "spectateurs" qui sonnaient comme des discours de militants sarkozistes et qui étaient applaudis de tous les voisins.
Je comprends qu'on était à gauche un peu fatigué de l'avant-dernière nuit. Mais je sais aussi qu'il y a de ce côté-là une espèce d'anti-cocardisme de bon ton, de refus des solennités et de tout grand rituel républicain.
Cette attitude-là n'est pas bonne. Si la gauche n'occupe pas au moins à moitié l'espace des grandes manifestations républicaines publiques, c'est la droite qui l'occupe, et totalement, jusqu'à l'extrême. N'oublions pas que le front national a pris comme emblème ces trois couleurs que nous a données la Révolution. Revoyons les images fraîches de ces meetings UMP avec leur déferlement de drapeaux bleu-blanc-rouge. Rappelons-nous le leitmotive de la campagne de Sarkozy qui était de confondre sa politique ô combien partisane avec la défense et l'amour de la France.
Ca suffit comme ça ! La France, son drapeau, sa république avec sa superbe devise rassembleuse et unificatrice, elle est à la gauche autant qu'à la droite. Encore faut-il que la gauche le sache et le veuille. Qu'elle mette en avant comme une gloire propre sa volonté de veiller à l'égalité et à la fraternité de tous ses citoyens, d'accueillir les autres dans la mesure de ses moyens bien sûr mais sans distinction de classe ou d'origine, de refuser d'être la vassale de quelque puissance étrangère et de ne pas porter la guerre là où le risque existe d'empêcher un peuple de disposer de lui-même.
Cette fierté patriotique qui doit être celle de la gauche peut rejoindre pour l'heure, à ce moment où commence la campagne législative, un sentiment de respecter mieux que d'autres les grands principes des combats républicains. Quand la maire UMP d'Aix -en-Provence refuse la légitimité à François Hollande, quand l'UMP ne veut pas appeler à voter socialiste au nom du désistement républicain en cas de duel entre un candidat du PS et un candidat du Front National, la gauche et ses militants doivent défendre haut et fort les couleurs, la devise, les principes de la République. Et être -au moins pour l'image qu'ils donnent d'eux-mêmes- les premiers à participer à ses fêtes.