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Billet de blog 19 décembre 2012

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Un mécanisme de la conscience pourrait avoir été dévoilé par trois chercheurs suisses au début 2012

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Parmi tous les systèmes sensoriels, le système olfactif est sans doute celui qui a été le plus précisément étudié. Néanmoins aucun lien pertinent n'a pu encore être établi entre la nature du ressenti perçu et l'activité du système récepteur pour telle odeur particulière.

Les conceptions connexionnistes qui sont prééminentes à l'heure actuelle chez les chercheurs conduisent à considérer l'activité d'ensembles de neurones dans le bulbe olfactif comme produisant un algorithme particulier d'excitations neurales en fonction de l'odorant. Mais cet algorithme n'apparaît que comme une information codée propre à être analysée par le cortex supérieur et non comme la cause effective du ressenti éprouvé.

C'est le "modulisme" tel qu'on a pu l'expliquer qui présenterait seul un enchaînement de causes et d'effets propre à expliquer l'existence du ressenti et sa nature particulière.

Il est vrai cependant que le « modulisme » est resté jusqu'alors une théorie purement spéculative. Les choses cependant sont peut-être en train de changer, du moins pour ce qui concerne justement la distinction des ressentis liés aux odeurs.

Pour en juger il faut partir bien sûr du modèle théorique qu'il convient de préciser ici. Le principe fondamental du modulisme est que toute sensation -et en l'occurence ici la sensation olfactive- n'est pas perçue continûment dans sa particularité. Elle est au contraire le produit d'une modulation de sensations plus fondamentales et plus simples qui se succèdent dans le temps. Pour s'en faire une idée assez approchante, il suffit de songer aux phrases mélodiques qui reçoivent leurs individualités innombrables de la seule succession en ordre varié des sept notes de la gamme. Et, comme les notes se distinguent par leur hauteur, chaque état de la sensation fondamentale se distinguerait à la fois par son intensité et son aspect affectif (douleur ou plaisir).

Bien sûr, pour que cette modulation ne puisse pas être perçue en tant que telle mais uniquement dans sa résultante qui donne continûment sa spécificité à chaque sensation, il faut qu'elle se déroule dans une période très brève et répétée à l'identique tant que la sensation est perçue. Cette période ne devrait pas excéder une trentaine de millisecondes.

La cause de cette modulation affective ne pourrait bien entendu n'être trouvée que dans une modulation d'énergie soit électrique soit magnétique qui lui serait contemporaine. Or les neurobiologistes s'accordent à penser que le cerveau d'un sujet éveillé est parcouru d'ondes électrique dites gamma d'une période d'environ 40 Hertz. Les ondes gamma ne sont pas les seules à parcourir le cerveau mais elles apparaissent indubitablement liées à l'activité perceptrice et, en l'occurrence, à la perception des odeurs.

Seulement ces ondes dont les crêtes se succèdent à intervalles réguliers et dont l'amplitude apparaît pratiquement toujours du même ordre -soit un microvolt- apparaissent mal candidates à introduire les modulations affectives diverses et particulières aux odorants perçus. En revanche l'ensemble des neurones du bulbe olfactif où se produisent des décharges liées aux oscillations des noyaux et consécutives à la réception d'un odorant pourrait, lui, former une modulation particulière à la nature de l'odorant.

Si la période pendant laquelle se produisait et se répétait cette modulation d'origine en quelque sorte exogène était identique à celle de la modulation gamma (en quelque sorte endogène puisque liée au fonctionnement du cerveau à l'état de veille quel que soit l'odorant perçu) qui présenterait une sinusoïde régulière, alors on pourrait concevoir que le ressenti et sa modulation naîtrait du rapport de ces deux courbes d'intensité électrique.

La condition alors nécessaire pour que le ressenti soit modulé particulièrement serait que les décharges des neurones qui réagissent à un odorant donné dans le bulbe olfactif et qui ont chacun leur cadence de décharge propre se coordonnent selon un calendrier particulier à l'odorant perçu. Il faudrait aussi que ce calendrier s'ajuste précisément à une période de l'oscillation gamma, soit 25 millisecondes.

Il est vrai que l'on pourrait spéculer beaucoup sur ce qui, dans le rapport des deux courbes d'intensité, pourrait entraîner d'instant en instant la modulation du contenu ressenti. Il pourrait dépendre seulement (dans sa nature affective et dans son intensité) de la distance instantanée des deux courbes. Et il faudrait alors supposer une distance limite à partir de laquelle le contenu changerait de signe. Mais il pourrait aussi dépendre de la différence d'inflexion de chaque courbe à chaque instant. Peu importe pour l'heure le principe retenu. L'important est d'admettre que si le rapport des deux oscillations, l'invariante gamma et la variante avec l'odorant perçu, a une conséquence instantanée et immédiate sur la production d'un contenu affectif, ce contenu doit être lui-même modulé de façon variable en fonction de cet odorant.

Que le rapport de ces deux oscillations ait pour conséquence instantanée et immédiate la production d'un contenu affectif modulé en fonction de l'odorant perçu, nous ne pouvons bien sûr pas l'assurer à l'heure actuelle. En revanche nous pouvons considérer comme hautement probable que ces deux oscillations ont bien les caractéristiques que la théorie prévoit pour elles. Au moins en ce qui concerne les souris éveillées puisque ce sont sur elles qu'ont porté de très concluants travaux.

Dans un article paru sur le site plosone.org le 17 janvier 2012 et intitulé: "Encoding odorant identity by spiking packets of rate-invariant neurons in awake mice" (ce qui peut se traduire par : "Encodage de l'identité odorante par les décharges à vitesse invariante de neurones chez les souris éveillées "), des chercheurs de l'Université de Genève: Olivier Gschwend, Jonathan Beroud et Alan Carleton établissent précisément comme conclusions à leurs expériences l'existence des faits que présupposent la théorie moduliste. A l'aide d'électrodes placées dans le bulbe olfactif de la souris, ils ont pu constater que les neurones activés par la réception d'un odorant donné coordonnaient leurs décharges pour les répartir périodiquement et d'une façon spécifique dans une fenêtre de temps équivalente à la durée d'une oscillation gamma, soit 25 millisecondes.

Carleton et ses collègues ne se posent pas la question du ressenti, èvidemment énigmatique chez la souris mais assurément appréhensible chez l'homme et qui est tout simplement ce que nous appelons l'odeur. Ils n'envisagent l'activité de l'assemblée des neurones du bulbe que comme un processus de codage particulier dont ils ne se préoccupent plus que d'envisager le décodage par le cortex supérieur. Ainsi dans une parfaite logique connexionniste et computationnaliste le ressenti sensible ne naîtrait que comme émergence d'un traitement complet de l'information par le cerveau.

A cette conception cybernétique de l'émergence de l'odeur, les chercheurs suisses permettent cependant d'opposer par leur découverte même une conception d'un autre type. L'odeur qui s'inscrit dans le champ de conscience avec sa particularité brute pourrait être issue d'un mécanisme purement physique s'inscrivant dans un système à trois éléments : le milieu physiologique cérébral, la modulation régulière d'intensité électrique gamma qui le parcourt et enfin la modulation d'intensité électrique particulière ayant sa source dans le bulbe olfactif.

Dans la conception moduliste des choses le seul jeu des deux derniers éléments dans le premier activerait directement avec une continuité analogique la modulation particulière de ressenti qui deviendrait l'odeur particulière de menthe, de citron ou (revenons à nos souris quand même!) de fromage...

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