On sent bien à gauche des blessures, des doutes, des angoisses. Je n’échappe à aucun de ces maux. Mais finalement la raison l’emporte : dans douze jours, Hollande va gagner.
D’abord parce qu’il est juste que Sarkozy perde. Et parce que les faits donnent toujours raison en fin de compte à la justice quand la conscience de chacun est concernée. Ce n’est pas la question de revenir ici sur les turpitudes d’une présidence et sur un bilan désastreux. Seulement sur les résultats du premier tour. Indubitablement Sarkozy a été battu. En passant derrière son principal rival comme jamais sortant auparavant, il a reçu la sanction des électeurs. Cette sanction l’a disqualifié pour présider cinq ans de plus et je pense qu’au fond d’eux-mêmes tous les Français le sentent.
Ensuite parce que sa victoire n’est pas pensable, que l’imagination se rebelle à l’envisager. Avec les affaires qu’il traîne derrière lui, qui donnent lieu à des accusations de plus en plus précises et dont le cours est pour lui opportunément interrompu par la campagne électorale, avec l’esprit de revanche qui est le sien, dont moult ont déjà eu à pâtir hier et dont tant, pour avoir enfin dit leur exaspération, auraient à pâtir demain, avec son adhésion chaque jour plus appuyée à l’esprit d’une droite extrême, diviseuse et xénophobe, allant aujourd’hui jusqu’à reprendre ses formules, peut-on concevoir l’épreuve qu’aurait à connaître le pays, que nous aurions à connaître si Sarkozy retrouvait pour cinq ans un pouvoir dont il n’a cessé d’abuser ?
Hollande va gagner parce que Sarkozy doit perdre mais aussi parce que lui, Hollande, depuis le temps qu’il est en campagne, n’a démérité ni de la nation, ni de la gauche. Il a toujours parlé au nom de l’unité nationale, refusé l’attaque haineuse, les clivages, les rejets là où son adversaire les multipliait au contraire. Et il est toujours fidèle aux principes forts qui sont les premiers principes de gauche, ceux de l’égalité et de la justice. On peut suivre en ce début de semaine précisément, dans son discours de Lorient comme dans son interview ce matin dans Libération la façon sans équivoque dont il s’adresse aux électeurs du Front national, la manière sûre dont il diagnostique les maux sociaux dont ils sont la victime, les solutions toujours conformes aux principes d’égalité et de fraternité qu’il propose pour les soulager. Ceux qui font à Hollande un procès d’intention, parient par exemple qu’il s’engagera sur la voie du tout sécuritaire n’ont pas l’ombre d’un propos du candidat socialiste à citer pour justifier ce qu’ils avancent.
Hollande va gagner parce qu’il a la gauche derrière lui, la gauche jamais depuis longtemps aussi forte. Toute la gauche, de la plus extrême à la plus modérée, jusqu’au centre où sont les suffrages décisifs. Bien sûr qu’il reste beaucoup de préventions à gauche, que certaines invectives du premier tour ne sont pas tout à fait oubliées. Mais enfin ceux qui n’appellent pas explicitement à voter Hollande appellent tous jusqu’à l’extrême gauche à battre Sarkozy. L’engagement de Mélenchon fort de plus de 11 % des voix est d’une nette et belle fermeté. Et Hollande lui a rendu hommage.
Hollande va gagner enfin parce que l’UMP est en crise. Face à l’indéniable unité de la gauche apparaissent depuis peu des signes de discorde à droite. Oh ! pas de clash encore ! Et sans doute n’y en aura-t-il pas. Mais Devedjean, Jouanno, Raffarin déclarent en termes à peine voilés que Sarkozy va trop loin dans son flirt avec le FN (le Monde du 24 :”les modérés de l’UMP mettent en garde Sarkozy contre une droitisation extrême”). Plus symptomatiquement encore, Juppé, numéro deux du gouvernement, envisage nettement la défaite de l’actuel président et paraît préoccupé avant tout de la cohésion de l’UMP au point que Sarkozy vient de le rappeler à l’ordre (dépêche de Reuters ce mardi à 10 heures).
Si je dis qu’Hollande a gagné, ce n’est pas qu’il risque encore de perdre, ce n’est pas que les tensions, les rancunes, les animosités, les impatiences périlleuses aient disparu à gauche. Mais c’est que l’élan du premier tour y est toujours présent. Avec plus de lucidité peut-être, moins d’ivresse et plus de fermeté, quelque chose qui ressemble à une gravité profonde. Comme lorsqu’on porte l’Histoire et qu’on fait sa marche.
Billet de blog 24 avril 2012
Hollande va gagner
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