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Billet de blog 20 juin 2025

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Nettoyage ethnique en Cisjordanie occupée : focus sur le Sumud à Masafer Yatta

Ce qui va être relaté ici constitue une partie limitée et non exhaustive de la violence, la pression et le harcèlement quotidien dans les territoires occupés en Cisjordanie dans la région de Masafer Yatta autour du village de Tuwani. Ce sont les histoires et les informations qui  nous ont été racontées ou dont nous avons été directement témoins depuis notre arrivée le mercredi 4 juin 2025.

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Illustration 1

Masafer Yatta est située au sud de Al Khalil/ Hebron et fait partie des 60% des territoires Palestiniens occupés se trouvant en zone C , c'est à dire sous contrôle militaire et administratif Israélien . 
En 1980, les autorités israéliennes ont désigné la région de Masafer Yatta comme "zone de tir 918", une zone militaire fermée.
Dans les années 80 les terres sont volées, accaparées et mises sous appellation "terres d'état". C'est à ce moment là que l'installation de colonies dans la zone a vraiment commencé. 
Depuis les années 90 , l'extension des colonies continuent avec l'invention des avant postes*. 
Puis la période Covid amène avec elle encore une nouvelle stratégie d'expansion coloniale : les fermes-colonies.Concrètement, l'autorité israëlienne "octroie" des terres qui s'étendent plus ou moins loin autour des colonies déjà existantes ou dans de nouvelles zones ,  et soutient les colons pour s'installer comme fermiers . Ceux-ci ont des bêtes (dont certaines volées aux familles palestiniennes) et des limites très floues pour les faire pâturer (soit sur des 'terres d'état' et bien souvent aussi sur les terres privées des Palestinien.nes).
Après le 7 octobre, à tout cela s'est ajouté un développement énorme de nouveaux avant postes , de manière très arbitraire, une présence accrue des colons et de la violence et une grosse augmentation des démolitions.

Depuis les années 80 les habitant.es sont constamment exposé.es aux expulsions forcées et aux démolitions de leur maison mais aussi aux attaques et harcèlements quotidiens des colons devenus, depuis le 7 octobre, la milice armée du gouvernement.


*avant poste : Les avant postes sont des colonies non autorisées par le gouvernement Israélien contrairement aux autres colonies qui sont tolérées par le gouvernement mais jugées illégales par le droit international. Les avant postes sont quand même protégés par l'armée et soutenus par des organismes gouvernementaux.
Les colons implantent parfois des avant postes en posant simplement une caravane ou une tente avec un drapeau Israélien, dans l'objectif de l'agrandir petit à petit et en faire une colonie.


Illustration 2

carte de la région de Masafer Yatta - date inconnue

COLONS, MILICES DU GOUVERNEMENT


Depuis le coronavirus, puis le 7 octobre 2023 , les Palestini.nes sont confronté.es à une intensification de la violence des colons avec la complicité de l'armée et de la police. 
Les habitant.es et activistes dans différentes parties de la Cisjordanie occupée (Al Khalil, autour de Nablus, de Tulkarem, Bil'in, autour de Ramallah...) insistent sur le fait que la situation des violences coloniales s'est fortement aggravée à la suite du 7 octobre 2023 et notamment l'armement des colons et leur facilité à tirer sur les gens sans retenue, ce qui a fortement bouleversé le rapport de force dans les formes de résistance sur le terrain.
A Masafer Yatta, depuis le 7 octobre, les colons sont armés et tirent facilement sur les Palestiniens, détruisent des terres agricoles au bulldozer, se réunissent pour venir faire peur aux habitant.es, rentrent dans les villages avec leurs uniformes de soldats et leurs armes, procèdent à des arrestations... 
Dans les jours suivants le 7 octobre, des colons armés sont venus dans le village de Tuwani, ont commencé à tirer sur des habitants et des activistes, ils sont restés un moment et ont ciblé plusieurs personnes jusqu'à blesser gravement un habitant à bout portant devant la mosquée (Zakaria Al-Adra -> voir article Blast)

"Avant le 7 octobre on luttait pour préserver nos terres. Aujourd'hui et depuis on lutte d'abord pour protéger nos maisons et les habitant.es de ces terres, pour de la survie quotidienne et pour permettre aux gens de rester vivre ici".  propos d'un activiste de Youth of Sumud.


La frontière entre violences des colons et violences d'Etat s'est estompée jusqu'à disparaître, favorisant une augmentation de la violence et de l'impunité.
Des milliers de colons ont été enrôlés dans l'armée israélienne. 
Juste après le 7 octobre 2023, le ministre israélien de la sécurité nationale, Itamar Ben-Gvir, a distribué aux colons de l'armement. Les réservistes ont le droit de conserver leurs armes chez eux et sont même encouragés à le faire. Ici, le terme milices est souvent utilisé pour parler des colons portant leurs uniformes militaires et leurs armes. Il ne semble plus vraiment y avoir de differences sur le terrain entre eux et l'armée , si ce n'est le zèle souvent encore plus exacerbé des colons vivant dans le secteur et étant encore plus violents tout en étant protégés par ce nouveau statut. 
Parmi ces derniers, certains n'ont pas fait leur service militaire. Ça n'empêche pas qu'ils s'habillent et portent des armes comme les autres soldats mais se masquent le visage pour ne pas être reconnus. 
Qu'ils soient réellement enrolés dans l'armée ou non ces colons utilisent le statut de militaire pour défendre leurs propres intérêts en toute impunité. 

Smotrich, ministre des finances et figure de l'extrême droite, lui, offre des buggies ( petites voitures tout terrain ) aux colons qui leur permettent de se déplacer rapidement sur les terres des Palestinien.nes pour mieux les harceler. 
Le 20 janvier, Trump révoque un décret pris en février 2024 qui sanctionnait les colons israéliens accusés de violences envers les Palestiniens et qui leur interdisait d'entrer aux USA. 
La levée de ces sanctions a largement fait augmenter le sentiment et la réalité de leur impunité chez les colons et l'augmentation des attaques.

Certains colons de la région sont des extrémistes connus et dangereux, vivant dans l’impunité la plus totale. Dernièrement certains n'ont eu aucune suite même après avoir tiré sur des habitants palestiniens ou en avoir passés à tabac (notamment Saeeb Al-Amour, Zakaria Al-Adra, Hamdan Ballal... , qui pour certains ont même été arrêtés après s'être faits agresser (voir article Blast).   

vidéo d'une attaque de colons dans une famille à Karibat al Nabi le 11 mars

LE VILLAGE DE KHALLET AL DABAA

Khallet al Dabaa  est un village proche de Tuwani, dans une zone classée comme "zone de tirs" c'est à dire qu'il est interdit aux civil.es non résident.es d'y être présent.es. 
C'est particulièrement la cible de l'occupation ces derniers mois. Ce village a une position centrale dans la province, puisqu’il permet l'accès à de nombreux autres villages alentours.  En prenant ce village la stratégie d’expansion de l’occupation est une fois de plus d’isoler les villages les uns des autres et de contrôler plus facilement la zone pour mieux l'occuper tout en coupant les possibilités de solidarité et de résistance. Cela fait partie de pratiques habituelles, tout comme installer des colonies entre chaque village pour mieux isoler chacun d'eux. 

 Depuis le 05 mai, l’armée a détruit 90% du village, ce qui représente une cinquantaine de maisons, obligeant les familles qui y habitent à se réfugier dans des grottes. Les forces de démolition ont également détruit une grosse partie des réserves d'eau, des panneaux solaires et autres installations. Dans le même temps, l'armée a laissé les colons s'installer dans un avant poste au milieu du village. Depuis, un groupe d’habitants et d’activistes de la zone veille dans une tente à l’entrée du village chaque nuit.  

Video de destruction du village Khallet al Dabaa

Après les premières destructions qui ont laissé le village en ruines, un colon est venu s’installer dans une des grottes avec son troupeau, poussant la famille qui s’y était réfugiée à la quitter. Après plusieurs semaines de mobilisations, de confrontations et de pourparlers avec la police et l’armée, le colon en question a été banni du périmètre pendant 2 semaines. 
 Le jeudi 5 juin , un colon était de nouveau sur les terres du village avec ses bêtes , prenant l’eau du puits des villageois pour les abreuver. Alors que cette zone est aussi interdite aux colons, la police complice le laissait faire, arme à la main, certains entièrement cagoulés, exigeant par contre des personnes palestiniennes sur place de prouver leurs actes de propriété des terres (voir Vidéo Youth of Sumud )


 Presque chaque matin, l’armée vient au village pour empêcher les habitant.e.s de reconstruire leurs maisons ou d’installer de nouvelles structures comme des tentes. Elle vient aussi chercher les soutiens non palestiniens ou non résidents et les expulser de la zone.
 
Le mercredi 11 juin les forces de démolition sont revenues détruire de nouvelles maisons. Une famille était en train de nettoyer sa maison quand les engins sont arrivés, iels ont tenté d'évacuer le maximum de leurs affaires le plus vite possible avant de voir impuissant.es leur maison se faire détruire.
Les tentes qui avaient été installées ont également été détruites . L'après midi, les activistes et habitant.es ont tenté de remonter une tente pour avoir un abri, l'armée l'a confisquée.


A ce jour l'armée continue de démolir les quelques maisons restantes et détruit les tentes installées par les habitant.es, alors que les autorités Israéliennes et les tribunaux ont refusé d'expulser les colons résidant illégalement a Khallet Al Dabaa.

Illustration 3
destruction à Khallet al Dabaa mai 2025

SUMUD


Ces expulsions forcées ne sont que la continuité de la Nakba. Malgré l'impunité des forces d'occupation et des colons, ces derniers doivent faire face au Sumud des habitant.es de Masafer Yatta qui refusent de quitter leurs terres.


"Le Sumud c'est une des manières de décrire la résilience dans le fait de rester sur nos terres malgré tous les crimes qu'on subit comme les démolitions, les privations d'accès à l'eau, les intimidations, les harcèlements, les agressions, les arrestations..." 
"Notre but est de donner de la force à notre peuple pour continuer à résister et rester sur nos terres "
Sami , activiste de Youth of Sumud

Youth of Sumud est un groupe qui s'est créé en 2017 par des habitants de Masafer Yatta. Ils essaient de protéger et soutenir  par leur présence, les familles et les berger.es qui se font attaquer en se mettant en première ligne.
Avec leur communauté des villages alentours, iels font des plantations sur les terres pour les protéger et ils aménagent des grottes pour abriter les familles qui se font expulser.  
Ils supportent également juridiquement les membres de leur communauté.  Ils fournissent tout ce qu'ils peuvent : outils, protection pour les fenêtres contre les attaques des colons, matelas, nourriture... 
Ils travaillent également à visibiliser toutes ces violences , notamment à travers leur compte instagram.


REPRESSION


De nombreux moyens sont mis en place pour empêcher la présence d'activistes sur le terrain qui documentent, dénoncent, essaient de freiner les exactions de l'occupation, et qui apportent du soutien aux familles qui subissent les harcèlements et attaques des colons.

Des checkpoints peuvent être subitement mis en place entre les villages, des visites surprises aux domiciles d'activistes connus de la police, des arrestations fréquentes, des agressions de la part de colons, la fermeture d'entrée vers certains villages ( comme ce fut le cas à Tuwani lundi 2 juin quand des journalistes internationaux venaient pour documenter la situation ).
Un des activistes d’un village voisin s’est vu retirer arbitrairement les papiers de son véhicule, une voiture tout terrain permettant d’accéder aux villages les plus reculés en cas d’attaques de colons ou d’intervention de l’armée pour ne citer que quelques exemples.

En même temps qu'Israel réprime les activistes locaux, l'occupant tente aussi d'expulser les activistes internationaux. Cela fait partie de la même strategie générale de couper les réseaux de solidarité et de résistance ainsi que d'avoir le moins possible de témoins de ses actes.
L'année dernière le ministre Israélien Itamar Ben Gvir a créé un groupe de travail spécial pour surveiller, déporter et empêcher les activistes internationaux de rentrer en Palestine.
Le 31 mai 2025, deux activistes internationaux ont été arreté.es et obligé.es de quitter le territoire avec interdiction de revenir en Palestine pendant 10 ans, sous motif d'être présent.es dans la zone de Khallet al Dabaa, classée zone militaire et donc interdite. 
Une des deux activistes a contesté l'ordre de quitter le territoire et a été placée en détention pendant 10 jours dans une prison Israélienne. Elle a finalement été renvoyée dans son pays d'origine mais son audience aura lieu en juillet.  
D'autres zones où les activistes avaient l'habitude d'accompagner les berger.es qui se font attaquer par les colons ont été définies comme interdites même si ce ne sont pas des zones militaires. 
Par ailleurs, la maison qui accueille les internationaux a Tuwani est sous ordre de démolition. Un recours est actuellement en cours. 

A Khallet al Dabaa, samedi matin 14 juin , plusieurs activistes locaux , palestinien.nes et israélien.nes ont été arrêté.es, transféré.es et interrogé.es à Qiryat Arba3, un centre de détention et commissariat vers Sousiya, iels ont été relâché.es en fin de journée.
L'activiste palestinien Sami, retenu et interrogé pendant cette journée raconte qu'il lui a été imposé de signer un engagement à ne plus se rendre sur les lieux, sans quoi il allait en prison en détention administrative. Il a évité de peu des accusations telles que "trouble à la sécurité d'Etat", au regard, lui a-t-il été dit "de la guerre en cours avec l'Iran". Ce chef d'accusation aurait pû lui engendrer une lourde peine.
Quelques jours plus tard, mercredi 18 juin, Hafez, le père de Sami a également été arrêté par une milice de colons israëliens en apportant de l'aide humanitaire à Khallet al Dabaa. Il a été relâché dans les heures qui ont suivi. L'équipe qui était présente pour la distribution a également reçu des menaces si elle revenait dans la zone.
Dans la soirée l'armée est venue en force au domicile de la famille de Hafez et Sami à Tuwani, a terrorisé et intimidé les personnes présentes, fouillé la maison et les voitures ainsi que la guest house à la recherche de "matériel suspect".
vidéo de Hamodi, frère de Sami, activiste de Youth of Sumud pour relater la journée du 18 juin 


HARCELEMENTS ET VIOLENCES QUOTIDIENNES CONTRE LES BERGER.ES ET DES HABITANT.ES


La région de Masafer Yatta est habitée par de nombreuses familles de berger.es.
Depuis plusieurs années l'occupation octroie un statut spécial aux colons qui font pâturer leurs troupeaux , et leur donne de grandes étendues de terres dont les limites ne sont jamais définies clairement et qui empiètent sur les terres utilisées par des familles palestiniennes depuis l'empire ottoman pour sortir leurs bêtes. 

Certaines familles observent, impuissantes, chaque jour, les colons installés proches de chez elles venir faire pâturer leurs troupeaux sur leurs terres , brouter l'herbe et les pousser volontairement à manger les feuilles de leurs oliviers et autres végétaux. Pendant ce temps certaines de ces familles ne font plus pâturer leurs propres animaux ou dans des zones très restreintes du fait qu'elles risquent de se faire soit attaquer, soit voler leurs bêtes par les colons ( qui sèment le désordre dans les troupeaux, les mélangent et les dispersent et en profitent pour prendre avec eux de nouvelles bêtes). Les cas de vols d'animaux arrivent aussi parfois directement dans les étables.

Un colon en buggie attaque un berger et son troupeau à Jawaya le 15 mars ( prise d'un post instagram)


Le harcèlement passe aussi par une présence quotidienne des colons autour des maisons et dans les champs, qui régulièrement menacent, arrêtent, et vont jusqu'à frapper les habitant.es palestinien.nes ou leur tirer dessus.


Le 16 mars 2025, un colon attaque un berger à Tuba ( extrait de la vidéo d'un post intagram)

 Samedi 7 juin au matin, 2 bergers palestiniens sont arrêtés par des colons réservistes sous prétexte qu’ils sont en dehors de leur territoire autorisé avec leurs bêtes. Les colons leur ont bandé les yeux et attaché les mains dans  le dos et les ont emmenés. Ils sont relâchés dans l’après-midi plus loin dans la zone.
 Le lendemain, la situation se répète dans une zone voisine, à Qawais, et un berger est frappé et arrêté de la même manière. 
Video de l'arrestation du berger de  Qawais

Illustration 4
Arrestation le 08 juin d'un Palestinien aprés s'être fait attaqué par les colons- screenshot d'une vidéo posté sur instagram Youth of Sumud
                          

Lorsque les Palestinien.nes sont attaqué.es par les colons, ou parce que ceux-ci sont sur leurs terres, iels appellent parfois la police israëlienne, c'est une de leur seule marge de manoeuvre, bien que ça les expose à la violence coloniale encore, à une mise en doute quasi systématique de leurs paroles et au risque d'être eux-mêmes arrêtés. 

Lorsque la police se rend sur les lieux (ce qui n'arrive vraiment pas à chaque fois, et avec des délais très variables) elle demande une preuve de propriété. Si les personnes palestiniennes n’ont pas de preuves ou que les colons ne sont plus sur place, la police les arrête parfois, sous prétexte d'avoir fait de fausses accusations. 

 Il arrive aussi que même lorsqu'elles ont des actes de propriété, ces documents soient refusés. Il leur est répondu qu'il y a une enquête sur ces terres pour savoir à qui elles appartiennent et qu'il leur faut contacter l'administration civile. Ce processus est une invention récente qui a même un nom : "Sacker land".
Il arrive aussi que la police, complice, demande aux colons de se décaler de quelques mètres, comme s'ils nétaient ainsi plus sur la même propriété, et que le stratagème recommence.
Dans beaucoup de cas la police ne fait pas grand chose.

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en memoire à Fatima Al-Huraini, décédée il y a 2 ans, une femme qui a combattu l'occupation pendant plus de 70 ans ( photo prise d'un post intagram ->https://www.instagram.com/p/C4QZz-nN5Gx/?igsh=MXVxa2x4aTh1MDlhbw==

en memoire à Fatima Al-Huraini, décédée il y a 2 ans, une femme qui a combattu l'occupation pendant plus de 70 ans - ( photo prise d'un post intagram)


STRATEGIES COLONIALES D'ISRAEL D'ACCAPAREMENT DES TERRES *


Ces harcèlements quotidiens par les colons, milice du gouvernement, font partie intégrante de la stratégie sioniste coloniale,  et viennent s'ajouter à l'arsenal juridique d'Israël.
L'état colonial d'Israël a mis en place depuis longtemps un 'cadre juridique' pour réaliser son projet sioniste et déposséder les Palestinien.nes de leurs terres.

Cela comprend notamment la loi sur la propriété des absent.es de 1950 qui a été mise en place pour prendre le contrôle des terres des Palestinien.nes après les avoirs expulsé.es de force à la suite de la Nakba en 1948. Avec cette loi les Palestinien.nes n’ont pas le droit de réclamer leurs propriétés à Israël car iels étaient absent.es à un moment donné entre novembre 1947 et l’entrée en vigueur de cette loi.

Les accords d'Oslo en 1993 ont aussi largement contribué à rendre possible l'expansion coloniale et à limiter les possibilités des personnes palestiennes à habiter et construire sur leurs terres. Par exemple, en zone C (qui constituent 60% de la Cisjordanie - Palestine occupée) les Palestinien.nes ne sont pas autorisé.es à bâtir et c'est ce qui permet notamment à l'armée de justifier certaines des démolitions. 

L'arsenal juridique d'Israël ne s'arrête pas à des lois mais c'est aussi une myriade de tactiques, constamment acceptées par les autorités judiciaires, pour déclarer certaines terres "Terres d' État".
Pendant l'Empire Ottoman , les Palestienn.es ont dû déclarer leurs terres. Pour éviter de payer trop de taxes de propriété, beaucoup n'ont pas déclaré les sommets des collines au dessus de leurs terres d'habitations et de cultures qu'elles se partageaient pour faire pâturer leurs animaux. Ce sont en partie des terres qu'Israel a revendiquées comme des terres appartenant à l'Etat et où en théorie palestinien.nes et colons pouvaient être présent.es. En réalité le droit des Palestinien.nes à y être present.es n'est pas respecté et ce sont là que beaucoup de colonies ont été établies et que beaucoup d'avant postes se mettent en place pour ensuite devenir des colonies.
Une des autres stratégies qui date de la Nakba et qui persiste aujourd'hui est d'utiliser différents motifs pour s'approprier des terres, en désignant par exemple des terres "sites archeologiques" ou encore comme n'étant pas exploitées et donc 'abandonnées'. Tenter d'empêcher les Palestinien.nes d'aller faire pâturer leurs bêtes sur leurs terres, et à ne plus les exploiter c'est donc aussi une stratégie pour se les accaparer. 


Le statut de zones militaires et notamment aussi de "zones de tir" est un outil utilisé également depuis longtemps par l'état colonial en Palestine pour exproprier des terres et interdire aux palestinien.nes la liberté d'y circuler et d'y être présent.es. 
Une nouvelle directive a été émise mercredi 17 juin 2025, suite au nouvel état de guerre entre Israël et l'Iran concernant les "zones de tir 918", comme celle de Masafer Yatta, qui sont à la fois sous contrôle de l'administration civile et de l'armée. Les habitant.es mènent souvent des recours devant les tribunaux israëliens contre les ordres de démolitions de leurs terres et leurs maisons. Ce sont des procédures qui traînent souvent longtemps, parfois plusieurs dizaines d'années, et pendant lesquelles les démolitions et expulsions ont quand même lieu, mais ce sont une des tentatives de résistance contre les expropriations. 
Avec cette directive, l'armée peut indiquer qu'elle a besoin de l'entièreté de la "zone de tir 918" pour de l'entraînement militaire. Face à une requête de l'armée pour des "nécessités militaires", les recours en cours ont peu de chance d'aboutir positivement pour les habitant.es palestinien.nes et pourraient même être annulés. 
Cette directive est très récente et les gens sur le terrain attendent de voir quelle tournure les choses peuvent prendre concrètement mais c'est encore une nouvelle menace pour leurs droits. 

{{Il nous a été rappelé à quel point il n'existe pas de cadre juridique permettant de "justifier" ou de comprendre les rouages des occupants, et qu'il est vain de chercher une sorte de logique qui leur permettrait d'agir ainsi. Leur seule logique est celle du nettoyage ethnique et de la colonisation.}}


*L'objet ici n'est pas d'approfondir l'infinie et complexe stratégie d'accaparement des terres de la part de l'état colonial d'Israel depuis sa création, ni de développer à propos de toute la violence coloniale à laquelle doivent faire face les personnes palestiniennes sur le territoire. Il n'est par exemple pas question ici ni des camps de réfugié.es, ni de Gaza, ni de Jérusalem ou encore des palestinien.nes vivant dans les frontières de 48 .. .
Il parait important de souligner que les stratégies d'appropriation passent aussi par le fait de rendre la vie des palestinien.nes invivable sur leurs terres dans toute la Palestine et de les pousser à en partir .                                                                                                                                                    


Malgré toutes les pressions, harcèlements et violences qui visent à rendre la vie des Palestinien.nes dans les villages insupportables, à réduire leurs ressources de survie et de déplacements et leur imposer un stress constant,  la détermination, la résilience, le Sumud des habitant.es et les réseaux de solidarité sont solides et permettent aux Palestiennes de résister et ne pas céder leurs terres. 


Ces tactiques coloniales ( démolition, harcèlements, raids, privations de ressources et de déplacements, arrestations, attaques quotidiennes... )  sont mises en place partout en Palestine et pas seulement a Masafer Yatta. 


Il est important de noter que cet article ne relate pas exhaustivement la violence coloniale exercée sur les Palestien.nes à Masafer Yatta que ce soit sur les formes qu'elle prend que sur les lieux où elle est organisée.

Illustration 6
destruction à Khallet al Dabaa mai 2025

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