M. Lecornu est présenté comme un proche du Président de la République, un fidèle parmi les fidèles. C'est un personnage assez creux, qui n'a pour lui ni charisme évident ni talent spécifique. En 2017, il se présentait sur les plateaux de télévision afin de prêcher la bonne parole du macronisme balbutiant : renouvellement des personnalités, nouvelles méthodes, nouvelles idées. Emporté par l'élan que semblait susciter chez lui son succès, il allait jusqu'à dénoncer « l'entre-soi » de la politique française et déclarait que « dans tous les pays européens ou occidentaux, lorsqu'une majorité est battue [et que] le leader de cette majorité est battu, on ne le revoit pas. » Et d'ajouter « il n'y a qu'en France où l'on revoit apparaître les mêmes visages perpétuellement. » Sans doute cherchait-il déjà à nous préparer à ce que deviendrait le macronisme une fois arrivé en fin de vie.
Huit ans plus tard, du renouvellement des personnalités il ne reste plus qu'un recyclage infini des mêmes personnages détestables (Mmes Aurore Bergé, Prisca Thévenot, Maud Bregeon, ou M. Sylvain Maillard pour ne citer qu'eux), des nouvelles méthodes nous n'avons pu observer que la brutalisation du Parlement et un virage toujours plus droitier et conservateur, tandis que les nouvelles idées présentées n'ont été qu'une continuation ratée du néolibéralisme des décennies passées. Comme si le macronisme n'avait jamais été rien d'autre qu'une compilation brinquebalante et autoritaire du pire de ce que les précédents avaient pu réaliser.
La nomination de M. Lecornu au lendemain de la chute de M. François Bayrou, balayé par près des trois quart de l'Assemblée Nationale le 8 septembre, n'avait pas ému outre-mesure, à part peut-être chez M. Olivier Faure, Premier secrétaire du Parti socialiste et candidat à la candidature, qui s'espérait nommé pour appliquer une politique de gauche et de rupture, disait-il, mais sans la gauche de rupture, et avec les macronistes, et qui courait les plateaux quémander la fonction. De toute évidence sans succès.
Ce numéro de cirque a indéniablement atteint son apogée lors de la présentation du gouvernement de M. Lecornu, près d'un mois après sa nomination. Le soir même, M. Bruno Retailleau, chef du parti Les Républicains et ministre de l'Intérieur reconduit, faisait savoir son mécontentement sur X et annonçait conditionner sa participation à la tenue d'un bureau politique des LR. Panique à bord. Le lendemain, peu après 10h, M. Lecornu démissionnait. Ressortaient alors des coulisses le nouveau M. Loyal de la politique et ses amis les socialistes : M. Faure voulait à nouveau être le Premier ministre. Cette fois-ci la tournée de la troupe fut courte : après de nouvelles négociations, M. Lecornu était à nouveau nommé, et un gouvernement similaire prenait ses fonctions.
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Sur la période, les positions des uns et des autres ont été illisibles. Le PS candidat à Matignon, mais rejeté. Puis demandant la taxe Zucman et l'abrogation de la loi retraite, également rejeté. Finalement voulant seulement la suspension de la réforme. Lignes rouges en réalité rose pâles, que M. Lecornu a franchi sans plus de difficultés. Les communistes divisés entre le groupe parlementaire voulant la censure, et M. Fabien Roussel, chef du parti, allant (seul) à contre-courant. Les macronistes, par la voix de leur chef de groupe M. Gabriel Attal disant ne plus comprendre Emmanuel Macron, Edouard Phillippe appelant à sa démission et les députés rabâchant encore les mêmes éléments de langage. LR en proie à des divisions internes, entre les députés ne voulant pas perdre leurs postes en cas de dissolution et M. Retailleau en voulant davantage au gouvernement, situation ubuesque qui fit chuter Lecornu I et qui amena LR à se faire exclure de Lecornu II. Sans parler des tournées de négociations infinies, insupportables, où finalement plus personne ne sait qui dit quoi, qui veut quoi et qui est quoi. Spectacle lamentable pour une classe politique lamentable.
Coûteuse vérité : seuls LFI et le RN ont tenu des lignes claires, réclamant pour les uns le départ ou la destitution du Président de la République, et demandant pour les autres une nouvelle dissolution ou une démission présidentielle. Les partis restants, girouettes en pleine tempête, n'ont été que paroles creuses et positions changeantes.
L'épreuve du discours de politique générale est donc passée. Le PS n'a obtenu ni abrogation, ni suspension, mais décalage de la réforme des retraites. Une sorte de lot de consolation compensant leur échec d'arracher Matignon. Les socialistes étant désormais résolus, paraît-il, à une non-censure, M. Manuel Bompard, coordinateur national de La France insoumise, faisait remarquer qu'ils s'étaient fait acheter pour pas cher car permettant de laisser s'appliquer une augmentation générale des impôts (touchant les ménages mais aussi 80 % des TPE), une baisse du pouvoir d’achat des retraités, des fonctionnaires, des allocataires, le gel de l'indemnité journalière pour les aidants, le gel des prestations d'accueil d'enfant ou encore le gel de l'allocation lors du décès d'un enfant. Il dénonçait aussi le plan de coupes de 5 milliards d’euros sur les communes et services publics , l'augmentation de la TVA pour les auto entrepreneurs et les artisans, la taxe sur les malades d’affections longue durée, le doublement des franchises sur les médicaments, les transports médicaux et certains soins, la division par deux des efforts sur les grandes entreprises et les plus riches par rapport au dernier budget, 13 milliards d'économies sur la Sécurité Sociale et 7 milliards d'économies sur la santé etc.
Le choix probable des députés PS de ne pas censurer le gouvernement permettra donc au Premier ministre de mettre en oeuvre cette politique austéritaire, politique qui semble pourtant être contraire à ce que l'on pourrait nommer ‹‹ socialisme ››. Il semble que dans certains partis, l'intérêt des françaises et des français ne soit désormais plus vraiment une priorité.