Dimanche 9 novembre 2025, 12h40. Alix Bouilhaguet, intervieweuse de l’émission Questions politiques de France Inter et Franceinfo, se lance dans le portrait de Manuel Bompard, coordinateur national de La France insoumise, invité de l’émission. Après avoir montré un extrait où ce dernier parle bien de Jean-Luc Mélenchon, elle se lance dans une série de dénigrements purement gratuits, répétant qu’il serait « l’antithèse de Jean-Luc Mélenchon », « l’anti bruit et fureur », puis le qualifie de « premier lieutenant zélé », de donneur « d’éléments de langage », de coordinateur ayant « gravi tous les échelons de la “Mélenchonie” depuis 2018 » avant de conclure en lui demandant : « Est-ce offensant de vous décrire aussi comme un apparatchik ? » Réponse de l’intéressé : oui. On peut dire que le portrait brossé est d’une objectivité saisissante.
Mais Alix Bouilhaguet ne s’arrête pas là. Après avoir laissé quelques instants à Manuel Bompard pour commencer à répondre à cette attaque en règle, tout en niant le caractère offensant de sa présentation (elle dira même avoir pris « des précautions » dans l’énoncé de sa question…), elle le coupe dans sa défense une première fois, alors que celui-ci demande d’être considéré comme quelqu’un disposant d’un cerveau et capable de réfléchir par lui-même. Piquée par la contradiction qu’il lui apporte, pourtant élémentaire, elle ne trouve rien de mieux à répondre que la phrase : « On va parler de votre cerveau parce que vous en avez un. » Quelle talent, quelle clairvoyance.
On pourrait décortiquer les sous-entendus, les attaques gratuites, les mesquineries et les éléments fallacieux avancés contre M. Bompard tout au long de l’interview tant celle-ci en regorge. Plus tard, sans doute consciente que sa charge commence à se voir, elle décide de partir sur le parcours estudiantin et professionnel du coordinateur national de LFI : « Votre grande passion ce sont les chiffres, vous cartonnez à l’école avec 20 en maths et 19 en physique au bac, école d’ingénieur agronome, docteur en maths appliquées dans le domaine de l’optimisation aérodynamique en aéronautique, autant vous dire que là je suis pas du tout calée. » Sans doute veut-elle nous faire comprendre que son truc à elle, c’est plutôt le journalisme. Sauf qu’à y regarder de près, là non plus, elle n’est pas très calée.
Le but de ce papier n’est pas de faire le blâme d’Alix Bouilhaguet, quoique mérité. Mais c’est d’attirer l’attention sur des procédés médiatiques devenus courants, banalisés, et dangereux. Outre le cadrage systématiquement défavorable à la gauche et notamment à LFI, c’est désormais le recours aux fausses informations, aux contre-vérités et aux arrangements avec le réel qui est devenu habituel. Et le plus dangereux, c’est que ces mensonges sortent précisément de la bouche de ceux garants de l’information, devenus coupables (ou a-minima complices) de désinformation.
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Franceinfo s’est ainsi rendu responsable de deux manquements graves à sa déontologie, sans que cela paraisse affecter outre-mesure la direction du média. Toujours durant l’interview avec Manuel Bompard, Alix Bouilhaguet prétend que Zohran Mamdani, le nouveau maire socialiste de New York, a utilisé le slogan “Mondialiser l’intifada” et répète à trois reprises cette contre-vérité, avec aplomb. Problème : Zohran Mamdani n’a jamais prononcé publiquement cette expression. S’il a expliqué ne pas être à l’aise avec « l’idée d’interdire certains mots » et a dit la voir comme « l’expression d’une demande de droits égaux pour les Palestiniens », il a clairement pris ses distances avec ces termes durant sa campagne pour la mairie de New York, déclarant qu’il « décourageait » ses partisans de l’utiliser. Quelques instants plus tard, au cours de la même interview, Mme Bouilhaguet affirme également que Zohran Mamdani « botte en touche » lorqu’on lui demande de condamner le 7 octobre, et elle falsifie son positionnement en disant qu’il « répète que le problème, c’est l’occupation d’Israël », propos imaginaire rapporté contre toute vraisemblance. Pourtant, dès 2023, Zohran Mamdani dénonçait les « crimes de guerre » commis par le Hamas, et répétait le 7 octobre 2025 s’opposer aux « crimes de guerre horribles » du Hamas. Loin, donc, d’une quelconque complaisance.
Le surlendemain, sur Franceinfo toujours, un graphique était présenté aux téléspectateurs, un graphique aux échelles faussées. Et qui était le perdant de cette faute d’échelle ? Jean-Luc Mélenchon, dont la candidature semblait minorée. Une simple erreur d’après un communiqué de la chaîne, qui cependant interroge.
Ci-dessus, le graphique tel que publié par Franceinfo. Ci-dessous, celui corrigé et redressé.
Ces deux “erreurs” pourraient paraître anecdotiques si elles ne révélaient pas des dynamiques plus profondes. À ce jour, aucune sanction, rappel à l’ordre, excuse n’a été publié par France Inter ou Franceinfo à propos des mensonges manifestes énoncés par Alix Bouilhaguet, alors même que la rédaction de France Inter a publié sur le site de Radio France un correctif actant noir sur blanc les contre-vérités de leur collègue. Rappelons d’ailleurs qu’elle s’était déjà illustrée pour son ton et ses méthodes face à la députée LFI et vice-présidente de l’Assemblée Nationale Clémence Guetté, lui coupant la parole à répétition et lui ordonnant de dire telles ou telles choses. La critique viscérale des insoumis serait-elle gage de promotion sur la chaîne du service public ? Rappelons également qu’un employé de Franceinfo avait été suspendu de la chaîne pour avoir utilisé le mot « otages » dans les titres du journal pour désigner les palestiniens arrêtés par Israël, alors même que la presse internationale utilisait ce terme. La chaîne avait également qualifié cet emploi pourtant juste « d’erreur inadmissible », dénonçant un « titre totalement inapproprié » et avait présenté des excuses aux téléspectateurs. Quant au graphique, une simple erreur est avancé. Circulez, il n’y a rien à voir.
On comprends dès lors que ces évènements ne sont pas traités comme des fautes graves, mais comme des “aléas du direct”. Même lorsque le degré du mensonge et l’ampleur de la manipulation est avéré.
Édit : peu après la publication de cette note de blog, une journaliste à l'antenne de Franceinfo a présenté des excuses en affichant un nouveau graphique sensé être corrigé. Problème : il subsistait encore une erreur, le pourcentage de certains candidats ne collant pas avec la taille de leur barre graphique. Chacune et chacun se fera l'idée qu'il veut de cette énième "erreur"...