La traite des êtres humains constitue une violation grave des droits de l’Homme. La communauté internationale a maintes fois affirmé ce principe, en application duquel la France a pour obligation de combattre efficacement la traite et l’exploitation, notamment « l’exploitation de la prostitution d’autrui ou d’autres formes d’exploitation sexuelle », en punissant ceux qui en sont les auteurs, en protégeant ceux qui en sont les victimes et en prévenant ce phénomène.
Le 27 novembre, l’Assemblée Nationale commence l’examen de la proposition de loi « renforçant la lutte contre le système prostitutionnel ».
Sa mesure phare est l’instauration d’une interdiction « d’achat d’acte sexuel » en créant une infraction qui sanctionne le recours à la prostitution.
Les parlementaires à l’initiative de cette proposition considèrent qu’il s’agit là du moyen le plus efficace pour réduire la prostitution, et de la solution la plus protectrice pour les personnes qui resteront dans la prostitution.
En se plaçant sur le seul terrain de la protection, il faut à l’inverse y voir une mesure contreproductive aux effets pervers : en pratique, l’augmentation de la délinquance et de la violence dont sont victimes les prostituées.
Comment ne pas constater que depuis la loi pour la sécurité intérieure de 2003, instaurant le délit de « racolage passif », les femmes prostituées en France ont vu leurs conditions de travail perturbées, et les risques pour leur santé, physique ou psychique, aggravés.
La prostitution a été poussée dans la clandestinité, ce qui a eu des conséquences désastreuses notamment en termes de santé publique puisque les politiques de prévention visant à lutter contre l’expansion du virus du sida ont été réduites à néant.
Les femmes prostituées n’ont pas cessé pour autant d’exercer cette activité. Au contraire, elles l’ont fait dans des conditions de précarité plus importantes.
La proposition de loi aujourd’hui soutenue ne distingue pas entre les femmes emprisonnées dans les réseaux de la prostitution, exerçant sous la contrainte, à l’égard desquelles la justice doit trouver les moyens de poursuivre plus efficacement leurs oppresseurs, et les travailleuses du sexe, libres.
La logique abolitionniste part des postulats idéologiques selon lesquels la sexualité tarifée serait ipso facto une atteinte à la dignité des femmes, et les prostituées seraient toutes des victimes et leurs clients, tous des salauds.
C’est faire l’amalgame entre absence de désir et absence de consentement, sans distinction entre les situations d’exploitation sexuelle et celles où la liberté s’exerce.
Il faut chasser la chimère que constitue l’abolition de la prostitution comme le serait celle de l’esclavage.
Au contraire, une pénalisation du client de la prostitution ne fera pas disparaître celle-ci mais mènera à son paroxysme la précarisation et partant la vulnérabilité des prostituées, qui seront contraintes encore plus d’exercer dans des zones de non droit.
Les efforts du législateur doivent se concentrer sur l’amélioration des moyens d’enquête et de poursuite des auteurs de la traite des êtres humains, pour s’attaquer aux nouvelles formes du proxénétisme, dirigé par des réseaux mafieux qui s’adaptent de mieux en mieux aux législations en vigueur dans les différents pays européens.
Au lendemain de la journée internationale de lutte contre les violences faites aux femmes, il faut ériger en cause nationale le combat contre les trafiquants d’êtres humains.
Et pour celles et ceux qui ont choisi d’être des travailleurs du sexe, ne les pénalisons pas, donnons-leurs des droits.
Sabrina GOLDMAN, Avocat, Co-Présidente du Club Droits Justice et Sécurités.
(à paraître dans Témoignage chrétien du 2 décembre 2013)