Quelle responsabilité pour les médias à parler des cas de suicide ?

Selon une étude américaine*, le nombre de suicides augmenterait fortement après un traitement spectaculaire par la presse d'un suicide.. Dit autrement : le suicide appelle au suicide. Mais, car il y a toujours un mais, il y a quelques caractéristiques à tenir compte au sein de cette étude.

Par-exemple, en vertu de la preuve sociale, les "imitateurs" seront souvent très proches sociologiquement du 1er cas mis en scène. Exemple : si les médias traitent en une du suicide d'un jeune urbain, vous aurez dans les jours qui suivent la probabilité forte que des jeunes urbains se suicident.

Voilà pour l'étude. Mais quel est le lien avec le contexte actuel de crise sanitaire ? Nous en arrivons au contexte actuel qui va peser une "responsabilité médiatique" sur les potentiels passages à l'acte. Alors entendons-nous rapidement : il n'est pas question ici de censurer le sujet. Plutôt de savoir quel traitement lui donner.

De la puissance de la preuve sociale

J'ai parlé plus haut de la preuve sociale. Il va sans dire qu'avec les faillites à venir, la morose actuelle, etc. le risque sera fort d'avoir un taux de suicide plus élevé. Si malheureusement cette hypothèse se vérifie, il sera tentant alors pour les médias de disserter sur les 1ères victimes. Et, nous connaissons tous la propension des médias à traiter des mauvaises nouvelles...

Maintenant revenons sur notre étude. Et essayons de comprendre ses potentielles interactions contemporaines. Nous avons donc une population qui risque de se trouver sans solutions à court terme si ce n'est pas déjà le cas pour une partie d'entre elle. En matière de santé psychique, les dégâts sont sans précédents. Nous ne vivons certes pas pour travailler mais pour une majorité d'entre nous, surtout les indépendants, nous nous reconnaissons à travers notre activité professionnelle. Il est un moteur d'insertion sociale. Le jour où tout s'arrête, vous perdez en quelque sorte une partie de l'essence de votre existence.

Si cela n'était pas suffisant, d'autres études indiquent une corrélation forte entre la perte d'un emploi et le divorce. Et même sans aller jusque là, les ressources qui sont nécessaires pour faire face à une situation aussi nouvelle que déstabilisante sont alors colossales. Voilà pour la littérature scientifique sur le sujet.

Maintenant, observons : nous avons des groupes ciblés et davantage touchés que la moyenne par la crise actuelle : par-exemple les jeunes et les commerçants. Liste non exhaustive. Les premiers cas associés à un puissant traitement médiatique pourraient faire l'effet d'une boule de neige.

Il n'est pas inutile, je pense, de répéter le questionnement interne qui risque de surgir : "Qu'est-ce qu'il me reste comme solution quand je vois que des gens comme moi ont décidé d'en finir une bonne fois pour toutes ?"

Nous aurions tort de sous-estimer notre capacité d'empathie et d'imitation sociale. Nous sommes un animal social et toute notre évolution, avec les bons et les mauvais côtés, s'est développée dans les relations d'un individu à un autre. Si vous êtes dans un train et que tout le monde commence à paniquer et qu'aucun élément tangible ne semble indiquer un danger, quelle va être votre première réaction ?

Voilà un défi de taille pour tout journaliste lisant cet article. Prendre la responsabilité ou pas de mettre en lumière une décision personnelle de mettre fin à ces jours. Et aussi à tout internaute de donner publicité ou pas à ce type d'informations.

Sources :

- L'influence de suggestion au suicide (en anglais)

- Influence et manipulation - Robert Cialdini

- Le chômage met en péril les couples - RTL

- Documentaire "Le jeu de la mort" ou de l'influence médiatique sur les comportements individuels

- L’épreuve du chômage: une rupture cumulative des liens sociaux ?

Michaël Capgras - CEO du réseau d'affaires You Work Here

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