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Billet de blog 21 novembre 2023

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Crise de l’eau douce : le siècle de la soif a commencé

Les pénuries d’eau potable de qualité sont déjà une réalité en de nombreuses régions de la planète. La question est progressivement devenue une préoccupation géopolitique internationale mais, malgré cela, l’humanité continue de vivre comme si de rien n’était. Par Véronique Rigot.

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

C’est l’histoire de la seule ressource vitale pour tout être vivant. On peut vivre sans manger durant quelques jours, voire quelques dizaines de jours, mais il est exceptionnel de survivre à plus de trois jours sans boire[1]. Ouvrir une fenêtre sur le monde par le biais des médias européens, africains, américains ou asiatiques révèle à quel point l’eau représente un problème sur tous les continents.

Cet automne 2023, la Belgique réalise sur son propre territoire ce que représente la contamination massive aux PFAS, les polluants éternels[2]. Cet été 2023, l’Amérique du Nord et l’Amérique latine ont fait face à l’une des pires sécheresses de l’histoire. C’est le cas en particulier en Uruguay, au Panama ou encore au Chili et dans une partie de l’Argentine. Ailleurs, des pays comme l’Iran, l’Afghanistan ou l’Afrique de l’Est manquent cruellement d’eau, de même que certaines régions de France.  

D’autres régions du monde font face à des intempéries sans précédent : tout récemment, la Chine a fait face à de graves inondations, de même que l’Inde ou encore la Norvège et la Suède. On le voit, personne ne peut prétendre être épargné. En cause, le phénomène El Niño[3], qui réapparaît cette année après quelques années d’accalmie[4], et s’ajoute aux effets du réchauffement largement décrits dans les derniers rapports du Groupe intergouvernemental des experts sur l’évolution du climat (GIEC)[5].

L’effet conjugué des deux phénomènes pourrait bien mener à un emballement du réchauffement en 2023 et 2024. Il est aujourd’hui question de la destruction massive de nos lieux de vie et des écosystèmes, et aussi de privation d’une ressource vitale pour l’humanité, l’eau douce.

Comment en est-on arrivé là ? Les causes profondes de la crise

Il est de notoriété publique que l’eau douce est répartie de manière inégale sur la planète. Tout d’abord, celle-ci ne représente que 2,5% de l’eau disponible sur la planète[6]. De cette eau douce disponible, seulement 1,2% l’est à la surface de la terre (plus de 68% de l’eau sur la planète est piégée sous forme de glace et plus de 30% dans les sols et les sous-sols, notamment dans les nappes phréatiques et fossiles).

Ensuite, certains pays disposent de grandes étendues d’eau de surface (des lacs, des fleuves et des rivières), alors que d’autres pas. Enfin, certains pays bénéficient de précipitations plus ou moins régulières tout au long de l’année. Le cycle naturel de l’eau est tel que celle-ci a longtemps été considérée comme une ressource renouvelable, voire inépuisable, et il y a donc des raisons naturelles à la répartition inégale de l’eau sur la planète.

A ces causes naturelles de la crise actuelle s’ajoutent des facteurs humains : dérèglement climatique, pollution et surconsommation. Le réchauffement de la planète provoqué par les émissions de gaz à effet de serre a pour conséquence principale de dérégler les systèmes climatiques et, notamment, les régimes de précipitations ; la hausse des températures a également pour effet d’accélérer l’évaporation des eaux de surface.

Par ailleurs, les nombreuses pollutions (aux plastiques, aux biocides, aux substances chimiques, mais aussi aux microparticules, ou encore aux métaux lourds)[7] que l’on observe sur tous les continents raréfient la quantité d’eau douce de qualité. Enfin, la surconsommation d’eau douce, en particulier pour les usages agricoles (70%) et industriels (19%)[8] est la troisième des principales causes humaines à la crise de l’eau. Ce constat est posé depuis de longues années par la communauté scientifique qui, pour visibiliser la consommation d’eau, a développé l’idée d’« empreinte eau »[9], à l’image de l’ « empreinte carbone », elle vise à mesurer « l’eau nécessaire à tout ce que nous utilisons, portons, mangeons, achetons ou vendons ».     

Un droit humain longuement débattu

Longtemps crainte, la crise de l’eau douce est aujourd’hui bel et bien réelle, et les femmes et les filles sont d’ailleurs les premières concernées[10]. Selon le portail UN Water[11], en 2022, plus de deux milliards de personnes, soit une personne sur trois, manquait d'eau potable gérée en toute sécurité, dont 115 millions de personnes buvant de l'eau de surface[12]. En 2022, 3,5 milliards de personnes n'avaient toujours pas d'assainissement géré en toute sécurité. Il s’agit pourtant là de questions élémentaires de santé publique.

Selon l’OMS, la diarrhée reste une cause majeure de mortalité, pourtant en grande partie évitable. L’amélioration de l’approvisionnement en eau, de l’assainissement et de l’hygiène permettrait d’éviter chaque année la mort de 297 000 enfants de moins de 5 ans[13].

La crise de l’eau douce est bel et bien réelle, et elle va aller en s’aggravant d’année en année avec les effets conjugués du réchauffement et d’El Niño. Or l’eau est un droit humain reconnu par l’Assemblée générale des Nations Unies depuis juillet 2010[14].

Cette reconnaissance est le fruit d’un débat qui a duré plus de 30 ans, car c’est lors de la première conférence des Nations Unies sur l’eau, en 1977 à Mar del Plata, en Argentine, que l’eau a été reconnue pour la première fois comme un droit[15]. Une reconnaissance extrêmement lente et, derrière cela, une mise en œuvre problématique, en raison du caractère hautement stratégique de la ressource qui constitue le véritable « pétrole du siècle de la soif » selon les mots de l’Ambassadeur du Yémen aux Nations Unies qui présidait au vote de la résolution en 2010[16].

Le siècle de la soif a commencé

Le stress hydrique permet de mesurer la difficulté d’accès à l’eau potable en comparant les ressources disponibles (toutes sources renouvelables) avec la demande (tous les usages, du domestique à l’industriel en passant par l’agriculture). L’OMS considère ainsi que la disponibilité en eau par an et par habitant doit être supérieure à 1700 m³ pour éviter le stress hydrique[17].

Les projections sont pour le moins inquiétantes : selon l’Unicef, d’ici 2025, la moitié de la population mondiale pourrait vivre dans des régions en stress hydrique[18]. Constat confirmé par le GIEC, dont le Rapport dédié à l’adaptation publié en 2022 pointait qu’« environ la moitié de la population mondiale souffre actuellement d'une grave pénurie d'eau pendant au moins une partie de l'année, en raison de facteurs climatiques et non climatiques »[19].

Le World Resources Institute a quant à lui modélisé le stress hydrique à l’horizon 2040 dans un atlas en ligne[20] : on y voit que, selon le scenario le plus optimiste, le stress hydrique en 2040 pourrait être élevé en Belgique comme dans de nombreuses régions européennes et dans le reste du monde.

Et l’humanité reste dans le déni…

La question de la rareté de l’eau, longuement cantonnée aux pays en développement, est devenue petit à petit une préoccupation géopolitique internationale. Le Forum économique mondial ne s’y est pas trompé : les crises liées à l’eau sont considérées comme un des risques majeurs pour l’économie mondiale[21]. L’OCDE a quant à lui amplifié, ces dernières années, ses recherches dans le domaine de la sécurité hydrique[22].

Il en va de même pour l’OTAN qui surveille de près les risques liés à l’eau[23], pour le Conseil de Sécurité qui évoque fréquemment la question dans l’idée de faire de l’eau un vecteur de coopération et non de conflits[24], ou encore pour l’Union européenne, dont le Service d’action extérieure a développé une véritable diplomatie de l’eau suite à l’adoption de conclusions du Conseil fin 2018[25].

Mais malgré cette prise de conscience, à l’instar du dérèglement climatique, alors que la crise est là et risque de s’amplifier si l’on ne réagit pas de manière radicale pour changer les comportements, l’humanité continue de produire et de consommer comme si les ressources en eau étaient infiniment renouvelables.

Lors de la Conférence des Nations Unies sur l’eau, en mars 2023, le Secrétaire général des Nations Unies António Guterres a dénoncé la « surconsommation vampirique de notre sang vital », exposant le fait que « nous avons brisé le cycle de l’eau, détruit les écosystèmes et contaminé jusqu’aux eaux souterraines »[26]. La conférence a abouti à un programme d’action pour l’eau[27], qui recueille aujourd’hui 800 engagements volontaires à mieux gérer l’eau. De quoi faire sortir l’humanité du déni ?

L’accès à l’eau douce et à l’assainissement est un enjeu environnemental, mais aussi économique et social pour l’économie mondiale. On parle d’une ressource vitale nécessaire à la vie, à la santé publique, mais aussi à la production de pratiquement tout ce que nous consommons au quotidien, de notre alimentation à nos vêtements, sans oublier l’énergie. L’eau douce est mal répartie sur la planète, c’est un fait géologique, mais elle est surtout très polluée, utilisée de façon non durable et trop peu gérée par la communauté politique internationale[1].

Des solutions techniques quand chaque goutte compte

De tout temps, les humains ont eu à trouver des solutions pour s’approvisionner en eau douce, partout sur la planète et y compris dans les territoires les plus hostiles comme les déserts. Ainsi, les savoirs traditionnels regorgent de quelques techniques parfois oubliées par notre ère de modernité, notamment la récupération de la vapeur d’eau dégagée par les plantes et le sol par évapotranspiration ou encore la gestion de l’eau dans les oasis. La civilisation gréco-romaine (dont les aqueducs ont traversé les âges) nous démontre aussi à quel point la gestion de la ressource a été réfléchie pour que la population puisse bénéficier d’une eau douce de qualité en abondance.

Au-delà de creuser des puits pour accéder aux nappes phréatiques et établir les canalisations d’acheminement de l’eau, les technologies ont permis le développement de nombreuses techniques de captage de l’eau douce, y compris par prélèvement et par irrigation, mais aussi des techniques de  traitement et de transformation de l’eau (usines de potabilisation de l’eau pour rendre l’eau douce buvable sans risque pour la santé, usines de dessalement pour transformer de l’eau salée ou saumâtre en eau douce, sans parler des usines de traitement des eaux usées et des traitements spécifiques de l’eau par les industries qui en utilisent beaucoup).

Ainsi, depuis la Renaissance, nos sociétés ont progressivement maîtrisé les fleuves et les rivières, leurs berges également (les chemins de halage permettant le transport de marchandises sur les cours d’eau grâce aux chevaux), creusé des canaux et construit des barrages ou encore des usines, de telle manière que le cycle de l’eau a pu être maîtrisé.

Des solutions politiques locales, nationales et régionales

Les solutions techniques existent, donc. Or elles ne suffisent pas face aux besoins en eau de notre ère et à la raréfaction de l’eau douce, du fait du réchauffement, des pollutions et de la surconsommation. L’eau relève donc d’une question politique pour nos sociétés car il s’agit de gérer un bien commun vital, une res publica. L’eau doit être gérée dans l’intérêt des citoyennes et citoyens. Ce poncif est pourtant loin d’être évident.

De la mainmise de grandes entreprises privées spécialisées dans la gestion et le traitement de l’eau à l’absence de valeur commune de l’eau en tant que ressource rare[2], l’eau douce n’est soit pas gérée publiquement au niveau des Etats, soit mal gérée par des Etats défaillants, au Nord comme au Sud. Par ailleurs, sur la scène internationale, elle n’est pas gérée par l’enceinte diplomatique internationale qui serait légitime, à savoir les Nations Unies.

Des solutions politiques ont été développées au fil de la prise de conscience des enjeux, parfois suite à des tensions ou en prévention de conflits autour de l’eau. Au niveau local, on pense en particulier à la reprise de la gestion de l’eau par les autorités politiques locales[3] (on parle de remunicipalisation de l’eau).

Au niveau des bassins hydrographiques, la gestion intégrée des ressources en eau (GIRE) s’est imposée comme la référence en ce qu’elle allie trois piliers fondamentaux que sont l’efficience économique, l’équité sociale et la durabilité environnementale. Au niveau régional (ou transnational), c’est la diplomatie de l’eau qui s’est développée dans la plupart des bassins transfrontaliers[4], savant mélange d’expertise et de dialogue pour faciliter la gestion commune et parfois le partage de la ressource. Il existe d’ailleurs une convention internationale peu connue en la matière, la Convention de l’eau (Water Convention)[5]. L’UNESCO a développé une expertise spécifique en matière de gestion de l’eau[6] et de prévention des conflits autour de l’eau[7].

L’Union européenne a elle aussi beaucoup avancé dans la diplomatie de l’eau, confirmant sa volonté de renforcer son action en la matière[8] et le Parlement européen a notamment publié un et une résolution qui déclinent le droit à l’eau dans la politique extérieure de l’Union européenne[9].  

Des espoirs d’avancées sur la scène internationale

L’UNESCO n’est pas la seule agence des Nations Unies à s’intéresser à l’eau : elles sont dans les faits 32 agences du système politique international à partager une compétence en matière de gestion de l’eau. Ce qui pourrait sembler idéal compte-tenu de l’importance de la ressource à gérer est en fait le pire scenario car ces 32 agences ne sont pas coordonnées. Le portail UN-Water ne dispose en effet pas de mandat politique[10] et, hormis le Secrétaire général des Nations Unies, personne ne dispose du pouvoir d’impulsion, de décision ni même de coordination. En résumé, chacun a une perception du problème à son niveau, mais personne n’est mandaté pour essayer de résoudre le problème collectivement.   

Les espoirs étaient grands de voir les choses évoluer en 2023, année particulière pour l’eau : à mi-parcours de la décennie d’action pour l’eau, décrétée par les Nations Unies de mars 2018 à mars 2028 pour mettre l’accent sur l’eau et, par là, éviter une crise mondiale de l’eau. 2023 est aussi la mi-parcours pour les Objectifs de développement durable, adoptés en septembre 2015 et visant la réalisation de 17 objectifs ambitieux à l’horizon 2030, dont l’accès universel à l’eau et à l’assainissement (ODD 6). En mars, à l’occasion de la journée mondiale de l’eau, les Nations Unies ont donc organisé une conférence[11], une rencontre historique car il s’agissait de la première conférence mondiale dédiée à l’eau depuis 46 ans, la précédente (et unique) conférence remontant à 1977 (Conférence de Mar del Plata, en Argentine)[12]

L’eau au cœur des Objectifs de développement durable

Après des années de léthargie politique internationale, les Nations Unies se mobilisent donc sur la question de l’eau douce. Et pour cause, la situation est devenue alarmante. L’évaluation des progrès réalisés dans l’atteinte des Objectifs de développement durable (ODD) lors du Forum politique de haut niveau qui s’est tenu en juillet 2023, et en particulier de l’objectif 6, est peu glorieuse. De l’aveu du Secrétaire général des Nations Unies, il est temps de chercher un plan de secours pour les humains et la planète[13]. En particulier, concernant l’accès à l’eau et à l’assainissement, si quelques progrès locaux sont enregistrés, c’est un bilan globalement négatif qui ressort[14], les rares moyennes d’amélioration globale cachant des situations de dégradation dans certaines régions de la planète, en particulier en Afrique subsaharienne.

Le sujet était également abordé lors du Sommet sur les ODD de septembre[15] et, en particulier, dans la déclaration politique[16] qui a réaffirmé l’engagement des Etats membres de l’ONU à réaliser les Objectifs de développement durable et à y mettre les moyens financiers et humains nécessaires. La vision est limpide : les Nations Unies s’y engagent à s’attaquer à la rareté de l’eau et au stress hydrique de manière à s’assurer de passer de la crise mondiale de l’eau à un monde où l’eau est une ressource durable, assurant l’accès et la gestion durable de l’eau et de l’assainissement pour tous[17].  

Quel bilan tirer de la Conférence sur l’eau ?

La conférence des Nations Unies sur l’eau qui s’est tenue en mars a été un véritable succès de foule : environ 10 000 personnes ont participé, toutes les régions du monde étant représentées. En termes de résultats, la conférence n’a pas adopté de déclaration politique (processus long de négociation d’un texte qui peut se révéler faible et dénué d’engagements) mais un programme d’action pour l’eau (nommé le « Water Action Agenda[18] ») composé des engagements volontaires soumis par tous les acteurs de bonne volonté en matière de gestion de l’eau, des gouvernements nationaux ou régionaux aux entreprises privées en passant par de simples citoyens, des organisations philanthropiques ou des ONG, ou encore des institutions académiques[19]

Comme toujours dans ce type de grand-messe onusienne, les attentes différaient selon les participants. Si le Secrétaire général des Nations Unies António Guterres a tenu des propos nuancés[20] à l’issue de la conférence et a souligné les engagements pris, les critiques n’ont pas tardé. Ainsi, on relèvera que le Rapporteur spécial des Nations Unies sur le droit à l’eau Pedro Arrojo-Agudo[21] note une réelle déception du peu d’attention portée par la conférence aux droits humains[22], alors que cela avait été recommandé par le Conseil des Nations Unies pour les Droits de l’Homme. Au niveau de la société civile internationale, la déception a été causée par l’absence d’engagement politique à améliorer la gouvernance de l’eau. En effet, le réseau international des organisations de la société civile nommé « Butterfly effect coalition[23] » avait établi des recommandations[24] en matière de gouvernance, en particulier le renforcement de la coordination mondiale pour la gestion de l’eau (la transformation du portail UN-WATER en une véritable agence des Nations Unies) avec, à sa tête, un Envoyé spécial des Nations Unies sur l’eau, personnalité de haut rang qui serait dotée d’un mandat politique (que l’actuel Rapporteur spécial des Nations Unies sur le droit à l’eau n’a pas vu son mandat d’expert académique en la matière).

Parmi les autres recommandations qui circulent au sein de la société civile internationale, il y a l’idée d’appuyer le travail de UN-WATER et de l’Envoyé spécial par une synthèse des travaux scientifiques, à l’instar du GIEC pour le climat ou de l’IPBES pour la biodiversité. Par ailleurs, la cerise sur le gâteau serait de disposer d’un traité international ou d’une convention-cadre sur l’eau, à l’instar de la Convention-cadre des Nations Unies sur le changement climatique ou de celle sur la biodiversité, qui instaurerait de facto un régime de suivi de la gestion internationale de l’eau dans le cadre de conférences des parties.

La suite de l’histoire est balisée

On l’a vu, les pistes de solutions techniques et politiques, locales, régionales ou nationales, ne manquent pas. Par contre, la conférence internationale de mars 2023 sur l’eau n’a pas apporté le complément de solution politique internationale attendu. Au contraire, elle a accouché d’une souris : 800 engagements purement volontaires qui, si l’on en croit le World Resources Institute[25], ne changeront pas fondamentalement la donne. Il faut néanmoins lui reconnaître le mérite d’avoir remis au goût du jour le débat sur la gouvernance mondiale de l’eau dans l’enceinte des Nations Unies, avec à la clef une résolution[26] de l’Assemblée générale des Nations Unies qui écrit la suite de l’histoire : les prochains rendez-vous sont fixés à 2026 et 2028 pour deux conférences des Nations Unies sur la question de l’eau et, d’ici là, la vision de la coordination des Nations Unies sur l’eau devrait être clarifiée dans une stratégie du Secrétaire général des Nations Unies.

D’ici là également, aura lieu en septembre 2024 le « Sommet de l’avenir » (Future Summit[27]) dans le cadre duquel les Nations Unies mènent un processus profond de réflexion quant à leur fonctionnement et aux pistes de réforme. Ce sommet sera immanquablement une étape de plus pour plaider pour une véritable gestion mondiale de l’eau. Comme l’ont écrit les organisations de la société civile internationale dans un courrier de suivi de la conférence adressé à António Guterres, « Water needs a home »[28].

En attendant ces pistes de solutions politiques internationales qui doivent, à terme, aider à limiter la surconsommation, les pollutions et les effets du réchauffement, toutes les pistes de solution, qu’elles soient techniques ou politiques, au niveau local, national ou supranational, doivent être mobilisées pour s’assurer que, même dans les régions les plus reculées, sans électricité ou en guerre, chaque être humain puisse avoir accès une eau potable de qualité et à l’assainissement.  

Véronique Rigot.

[1] Pour en savoir plus, lire la première partie de l’analyse « Crise de l’eau douce : le siècle de la soif a commencé ».

[2] On relèvera ici l’impression d’abondance de l’eau ancrée dans l’imaginaire collectif occidental et alimentée par les expériences individuelles, notamment le fait de voir de ses propres yeux « l’immensité de la mer ». Ces mots doivent être interprétés selon le principe que la rareté, ou du moins la perception de rareté, crée la valeur et que cette valeur ne doit pas nécessairement être marchande.

[3] Le cas de l’Espagne a été récemment étudié, lire Frontiers | Social movements in defense of public water services: the case of Spain (frontiersin.org)

[4] Il y en a 286 sur la planète selon le Transboundary Waters Assessment Programme (UNEP-DHI & UNEP, 2016).

[5] Pour en savoir plus sur la Convention sur la protection et l'utilisation des cours d'eau transfrontiers et des lacs internationaux, https://unece.org/environment-policy/water/about-the-convention/introduction

[6] Voir le site de l’UNESCO : https://fr.unesco.org/themes/securite-approvisionnement-eau/hydrologie

[7] Voir en particulier https://fr.unesco.org/themes/securite-approvisionnement-eau/hydrologie/education-relative-eau/education-cooperation

[8] https://www.consilium.europa.eu/fr/press/press-releases/2021/11/19/water-in-diplomacy-council-confirms-eu-s-commitment-to-enhanced-eu-engagement/

[9] https://www.europarl.europa.eu/doceo/document/A-9-2022-0231_FR.html

[10] Le portail UN-Water se définit comme « UN-Water is a monitoring hub, providing coherent and reliable data and information on key water trends and management issues throughout the water cycle. »

[11] Site officiel de la Conférence des Nations Unies sur l’eau 2023 : https://sdgs.un.org/conferences/water2023

[12] Pour plus d’infos sur cette première conférence, voir le rapport « Report of the United Nations Water Conference, Mar del Plata, 14-25 March 1977 », E/CONF.70/29, disponible dans la librairie digitale des Nations Unies https://digitallibrary.un.org/record/724642

[13] UN, « Progress towards the Sustainable Development Goals: towards a rescue plan for people and planet », Report of the Secretary-General, A/78/80-E/2023/64, avril 2023.

[14] UN Global sustainable development report : https://sdgs.un.org/goals/goal6

[15] Site officiel du SDG Summit 2023 : https://www.un.org/en/conferences/SDGSummit2023

[16] UN, « Political declaration of the high-level political forum on sustainable development convened under the auspices of the General Assembly”, A/HLPF/2023/L.1, Septembre 2023.

[17] Ibid, Section III. Call to action, art.38 (f).

[18] Voir le Water Action Agenda : https://sdgs.un.org/partnerships/action-networks/water

[19] Pour une analyse approfondie de ces 800 engagements annoncés, lire le rapport publié par le World Resources Institute : « UN Water Conference 2023: Not Enough Game-changing Commitments”, 30 mars 2023.

[20] Lire les remarques finales du Secrétaire général des Nations Unies, 24 mars 2023 : https://www.un.org/sg/en/content/sg/speeches/2023-03-24/secretary-generals-closing-remarks-the-united-nations-water-conference

[21] Pedro Arrojo-Agudo est un éminent professeur d’université espagnol, voir son portrait :  https://www.ohchr.org/en/special-procedures/sr-water-and-sanitation

[22] Pedro Arrojo-Agudo, “What’s next: the legacy of the UN Water Conference”, https://www.ohchr.org/sites/default/files/documents/issues/water/statements/SR-water-sanitation_Assessment_UN_Water_Conference_20240404.pdf

[23] Voir le site butterflyeffectcoalition.com

[24] BE POLICY PAPER UN23WC - FR (effetpapillon.org)

[25] World Resources Institute : « UN Water Conference 2023: Not Enough Game-changing Commitments”, 30 mars 2023

[26] UN, « Suivi de la Conférence des Nations Unies consacrée à l’examen approfondi à mi-parcours de la réalisation des objectifs de la Décennie internationale d’action sur le thème « L’eau et le développement durable » (2018-2028) », résolution A/77/L.106, votée le 28 août 2023. 

[27] UN Future Summit, https://www.un.org/en/common-agenda/summit-of-the-future

[28] http://www.effetpapillon.org/public/media/files/prod/bloc_fichiers/60/Water-needs-a-home-FINAL-3.pdf

[1] Futura-Sciences, « Combien de temps peut-on vivre sans boire ? », média dédié aux sciences consulté en ligne. Les mammifères les plus résistants en la matière sont les camélidés, et en particulier le dromadaire qui, selon l’espèce, peut rester jusqu’à trois semaines sans boire et supporter des températures très élevées allant jusqu’à 50 degrés avant de montrer des signes graves de déshydratation. Le sort de l’être humain, constitué à plus de 60% d’eau, est loin d’être aussi enviable : les premiers signes de déshydratation sont visibles après 24 heures sans boire et l’auto-régulation de la température du corps humain montre vite ses limites au-delà de 40 degrés.

[2] Voir le dossier en ligne réalisé par le journal Le Monde (23 février 2023), https://www.lemonde.fr/les-decodeurs/article/2023/02/23/revelations-sur-la-contamination-massive-de-l-europe-par-les-pfas-ces-polluants-eternels_6162940_4355770.html

[3] El Niño est un phénomène climatique naturel de fluctuation de la température de l’eau de l’océan pacifique qui a un effet sur les régimes climatiques dans différentes régions du monde. Pour en savoir plus, voir le site de l’Organisation météorologique mondiale : https://public.wmo.int/fr/info-ni%C3%B1oni%C3%B1a

[4] Organisation météorologique mondiale, « L’Organisation météorologique mondiale annonce le début de l’épisode El Niño », Communiqué de presse du 4 juillet 2023.

[5] Voir en particulier le rapport dédié à l’adaptation et aux vulnérabilités publié en 2022 : Climate Change 2022: Impacts, Adaptation and Vulnerability | Climate Change 2022: Impacts, Adaptation and Vulnerability (ipcc.ch)

[6] Les chiffres présentés dans ce paragraphe sont issus de UNESCO, « Where is water ? The water Rooms #2 », vidéos de vulgarisation réalisées par le World Water Assessment Programme (WWAP), 2016. 

[7] Voir en particulier, sur les pollutions agricoles : UN Water, « Water pollution is an increasing global concern », octobre 2017.

[8] Les usages domestiques représentent 11% de la consommation mondiale.

[9] Le concept a été développé par le Professeur Arjen Hoekstra de l’Université de Twente aux Pays-Bas. Pour en savoir plus, voir le site https://www.waterfootprint.org/

[10] UNICEF/OMS (2023), “Progrès en matière d’eau, d’assainissement et d’hygiène des ménages 2000-2022 : gros plan sur le genre », 6 juillet 2023.

[11] Le portail UN Water coordonne les efforts des entités des Nations Unies et organisations internationales actives dans le domaine de l’eau.

[12] UNICEF/OMS (2023), Ibid.

[13] OMS, “Assainissement”, Fact Sheet, mars 2022.

[14] Nations Unies, « Le droit de l’homme à l’eau et à l’assainissement », Résolution A/RES/64/292*, adoptée par l’Assemblée générale le 28 juillet 2010.

[15] Nations Unies, ‘The human right to water and sanitation : milestones’, UN-Water Decade Programme on Advocacy and Communication (UNW-DPAC).

[16] Nations Unies, Assemblée générale, 28 juillet 2010, couverture de réunion AG/10967, disponible à l’adresse : https://press.un.org/fr/2010/ag10967.doc.htm

[17] Pour en savoir plus sur le stress hydrique ou la pénurie d’eau, voir https://www.unwater.org/water-facts/water-scarcity

[18] UNICEF, « Water scarcity », dossier en ligne disponible à l’adresse : https://www.unicef.org/wash/water-scarcity

[19] GIEC, « AR6 WGII : Summary for policy makers », 2022, p.9 IPCC_AR6_WGII_SummaryForPolicymakers.pdf

[20] World Resources Institute, Projet Aqueduct, https://www.wri.org/aqueduct

[21] Forum économique mondial, Rapport des risques mondiaux 2018, 13e éd. (Genève, Suisse, 2018).

[22] OCDE, portail dédié à l’eau : https://www.oecd.org/water/ Voir en particulier le rapport « Financer la sécurité hydrique de demain » publié en mars 2022.

[23] OTAN (2005), « Water, a key security asset », disponible à l’adresse : https://www.nato.int/docu/water/water-e.pdf

[24] Conseil de Sécurité, Aperçu des travaux du Conseil de Sécurité en 2022, 12 janvier 2023, https://press.un.org/fr/2023/cs15172.doc.htm

[25] Union européenne, Service d’action extérieure : https://www.eeas.europa.eu/node/54024_fr et https://www.eeas.europa.eu/node/53798_en

[26] Nations Unies, Remarques du Secrétaire général à l’issue de la Conférence des Nations Unies sur l’eau, 24 mars 2023 : https://www.un.org/sg/en/content/sg/speeches/2023-03-22/secretary-generals-remarks-the-united-nations-water-conference

[27] Nations Unies, « La Conférence de l’ONU sur l’eau s’engage à donner vie à un programme d’action pour l’eau au service de notre avenir commun », couverture de réunion ENV/DEV/2057, 24 mars 2023, https://press.un.org/fr/2023/envdev2057.doc.htm 

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