« A sunny place for shady people » : « un endroit ensoleillé pour des gens louches ». Somerset Maugham, au sujet de la French Riviera.
Mercredi 18 septembre 2024 au Pathé de la Gare du Sud à Nice, projection-débat sur le thème « Urgence climatique : quelles solutions pour Nice ? », organisée par le maire de Nice, Christian Estrosi.
Génial, nous nous y inscrivons et nous y rendons, car le climat est un sujet sur lequel nous sommes particulièrement mobilisés, comme beaucoup de nos concitoyens ! Nous rentrons néanmoins avec difficulté : il manque des noms sur le listing des équipes du maire, et le contrôle est très policé.
La salle est remplie aux deux tiers (dont beaucoup de « sympathisants » de la mairie). Le succès n’est donc pas vraiment au rendez-vous. Ce qui n’a pas empêché la mairie de déclarer l’événement « complet » et de refuser l’accès aux … élus écologistes de la ville ! Nous avons pourtant aperçu d’autres élus dans la salle, dont Gaël Nofri, l’ex-FN devenu grand serviteur du maire. L’accès aux débats dépendrait donc de la couleur politique et du degré de servitude ?
Un documentaire choc suivi de digressions et de contre-vérités
Le maire Estrosi monte sur la scène, accompagné de son conseiller environnement-santé Richard Chemla, médecin anesthésiste (cette information conserve son importance) septuagénaire, qui a juste un petit défaut : il ne maîtrise pas grand-chose des questions environnementales, c’est peu de le dire (et nous le connaissons bien).
Ils sont également accompagnés de deux experts : le Pr Paul Hofman, directeur de l’Institut Hospitalo-Universitaire (IHU) de Nice, et Pierre Sicard, docteur et chercheur en chimie atmosphérique.
La séance est introduite par le président Estrosi. Un long extrait de l’excellent documentaire « Legacy » de Yann Arthus-Bertrand est ensuite projeté devant le public, suivi d’images terribles sur les derniers événements climatiques sur la région niçoise (inondations, tempêtes Alex et Aline, etc.). Nous sortons de cette première phase ébranlés par la violence des séquences et des constats, que plus personne ne peut ignorer aujourd’hui. Oui, il y a urgence climatique. Et il s’agit bien d’une urgence absolue ! La salle est prête à en débattre.
Le débat peut enfin commencer. Mais voilà que la séance prend déjà l’eau : le maire Estrosi agrippe le micro, et finit par le monopoliser par de longues digressions, comme il en est coutumier, pour pérorer laborieusement. A un point tel que les deux experts ne peuvent intervenir que de façon minimaliste et que le public ne peut poser que très peu de questions. Plusieurs mains resteront levées en vain… Pour finir, le conseiller Chemla, toujours expert en flagornerie, se fait ciseleur des propos du maire, acquiesçant et confirmant toutes les approximations et contre-vérités de son maître. Et il y en eut un bon nombre !
Aucune réponse concrète aux questions des citoyens sur l'échec du plan climat niçois
Une première question de la salle est posée par une médecin du CHU de Nice. Elle va droit au but : le plan climat de la métropole Nice Côte d’Azur n’est pas sur la bonne trajectoire, les émissions locales de gaz à effet de serre ne diminuent pas et l’aéroport de Nice émet quantités de particules ultrafines (PUF) particulièrement dangereuses pour la santé, à l’origine de très nombreuses pathologies. En réponse, Christian Estrosi multiplie les digressions et les pirouettes, pour affirmer qu’il faut relativiser, que les pollutions baissent, de même que celles de l’aéroport (puisque les avions deviennent propres, qu’ils volent au carburant de synthèse, qu’ils sont plus gros, blabla). C’est malheureusement totalement fallacieux ! Depuis le début du plan climat en 2012, les émissions de l’aéroport de Nice ont augmenté de 11,2% pour le CO2, de 26,5% pour les oxydes d’azote (NOx), de 3,4% pour les particules PM10, de 4% pour les PM2,5. Ces chiffres sont ceux d’AtmoSud, et donc tout à fait officiels. Quand le maire annonce que l’aéroport n’émet que 72.000 tonnes de CO2 par an, la réalité est tout autre : il émet 150.000 tonnes par an localement, et près d’un million de tonnes de CO2 par an en intégrant l’ensemble de son périmètre de responsabilité (1/2 croisières), soit 13 fois plus qu’annoncé... Et finissons par rappeler que le maire de Nice, comme d’ailleurs l’ex-ministre Béchu en charge de l’écologie, soutient mordicus l’extension de l’aéroport de Nice (+25.000 m2 d’installations), qui permettra d’augmenter le trafic de plus de 7 millions de passagers par an, et de 20.000 vols par an d’ici 2030. Donc, encore davantage de polluants, de CO2,de nuisances sonores et de surtourisme pour les Niçois ,qui n'ont qu’à se taire et à souffrir en silence…
Puis un représentant du Collectif Citoyen 06 finit par décrocher le micro (en dépit des consignes du jeune adjoint Romain Cardelli qui craint le collectif pour bien le connaître). Son intervention est claire et percutante. A la question « quelles solutions pour Nice ? », la réponse est simple : respecter les engagements du plan climat ! Or aucun des 6 objectifs-engagements de Christian Estrosi ne sera atteint en 2025, au terme de l’actuelle version du plan climat (PCAET 2019-2025). Aucun, et de loin ! Emission de gaz à effet de serre, polluants atmosphériques, réduction des consommations d’énergie, énergies renouvelables, artificialisation des sols et déchets : tout est hors d’atteinte à moins d’un an de l’échéance. Même le conseiller Chemla a fini par concéder qu’ils étaient très en retard sur les gaz à effet de serre. Mais pas seulement ! Il suffit d’ailleurs d’étudier un tant soit peu les chiffres et de lire avec attention le bilan mi-parcours du plan climat 2019-2025 (diffusé cet été, très tardivement, car peu glorieux), pour le constater. Le représentant du collectif conclut en demandant, non plus des parlottes ou de la com’, mais de l’action et surtout des résultats. Dans l’intérêt des Niçois et de la planète. Réponse du maire, aux abois : le collectif est un opposant politique (nous ne sommes encartés nulle part, et les citoyens, même politisés, n’ont-ils pas voix au chapitre à Nice ?), et ses propos sont excessifs, donc insignifiants et dérisoires. Et les mensonges et échecs du maire, que sont-ils donc ?
Un débat-monologue du maire de Nice
En conclusion, sur 2 heures et demi de projection-débat, seuls 5 ou 6 citoyens auront pu poser leur question, tandis que le maire et son vieux conseiller auront tenu le micro bien plus d’une heure pour, finalement, ne jamais répondre concrètement aux questions posées. Les longues digressions estrosiennes nous auront fait visiter l’économie et les start-ups, les écoles de commerce, l’excellence hospitalière, les réseaux de chaleur de l’aéroport, les beaux arbres de sa « forêt urbaine » et la diminution du béton dans la plaine du Var (ne vous étouffez pas !), les 20 minutes de train entre Nice et Menton (grâce à la nouvelle gare de l’aéroport, mais le temps réel est de 44 minutes), etc. Celles de son conseiller Chemla ont tenté (en vain), quant à elles, de nous convaincre qu’ils ne sont pas plus mauvais qu’ailleurs, puisqu’aucune métropole n’a réussi à atteindre ses objectifs... L’échec comme point de référence : quelle ambition pour un maire dont il clame la « volonté d’acier de se battre » (sic) ! Au fait, quel aura été le rôle des deux experts, si ce n’est à les utiliser comme faire-valoir, à l’instar des scientifiques du Haut Conseil pour le Climat niçois qui ont travaillé un an sur un rapport déjà enterré ?
Bref, cette mauvaise soirée théâtrale a fini de nous convaincre de l’irrécupérabilité définitive, et peu rassurante, de ces élus à l’égard des questions environnementales. L’éviction des élus écologistes a, quant à elle, confirmé que la démocratie niçoise était bien malade. Et si l’on élargit un peu le scope, que dire de leurs aptitudes gestionnaires, si l’on considère les dérives financières, le niveau d’endettement critique et les hausses continues des taxes et des coûts des services à Nice ?
Prochaine étape du greenwashing niçois : le Nice Climate Summit les 26 et 27 septembre 2024…