Collectif des jeunes en recours des bois blancs

le collectif des jeunes en recours des Bois-Blancs est un collectif lillois de lutte pour l'accès à l'hébergement, l'éducation publique et la diminution de la durée du recours.

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Billet de blog 10 octobre 2025

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Le camp n'est pas notre patrimoine : c'est votre patrimoine de la honte

Ce texte a été écrit par une membre du collectif des habitant·es indigné·es et solidaires du collectif des jeunes en recours des Bois Blancs. Il revient sur une action du collectif à l'occasion des journées du patrimoine et appelle à faire de l'hébergement des jeunes une priorité politique pour sortir de la politique des campements.

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Ce 21 Septembre 2025, pour la seconde fois, le Collectif des Jeunes En Recours des Bois-Blancs a organisé une journée du « patrimoine de la honte ». Ils ont invité élus, soutiens et institutions à venir constater la manière dont ce patrimoine continue d’informer, structurer les politiques de non accueil, mais aussi expose leur vie à des conditions indignes et harassantes, ainsi que dangereuses.

Ce patrimoine de la honte, c’est le campement dans lequel ils sont contraints de vivre, faute d’autres solutions des institutions, en attendant la reconnaissance de leur minorité par le juge.

 Cette forme « le camp » a une histoire. Elle n’est pas « jolie », nous aimerions l’oublier, mais pourtant il est important de la partager. L’anthropologue Clara Lecadet a fait un travail important pour reconstituer l’histoire des camps de réfugié·es et exilé·es. Cette histoire « globale » des camps est aussi au cœur du travail du collectif réunit autour de Michel Agier et Clara Lecadet dans Un monde de camps paru aux éditions La découverte, en 2014.

 Ce grand travail d’enquête dans les camps de réfugiés du monde les a amené·es à stabiliser une généalogie de la « forme-camp » et à puiser dans le travail des historiens Joel Kotek et Pierre Rigoulot. La multiplication des camps est liée à l’invention de la « guerre totale » d’abord dans le contexte colonial. Les espagnols expérimentent des camps de civils à Cuba, mais ce sont les Britanniques qui vont théoriser et généraliser leur usage pendant la guerre des Boers en Afrique du Sud en 1900. Sous prétexte d’offrir un refuge aux populations civiles, l’armée va en réalité procéder à leur internement. Ces camps seront organisés selon un principe raciste et les populations noires devront elles-mêmes y construire leurs abris : des campements de fortune. La philosophe Hannah Arendt, dans Les Origines du Totalitarisme souligne l’importance de cette guerre et au-delà des guerres coloniales dans l’avènement de procédures, de dispositifs basés sur la race et qui prépareront l’avènement des totalitarismes en Europe. Le racisme et les totalitarismes se nourrissent de la mise à part, la mise au banc, la condamnation au campement.

 Dans notre mémoire collective, il y a aussi les bidonvilles de Nanterre, les camps d’internement des réfugiés espagnols. Cette histoire montre l’ambiguïté toujours là entre lieu de refuge et lieu de concentration et de mise à l’écart, elle se tisse également à l’histoire des politiques de non accueil et d’inhospitalité à ceux et celles que l’on dit « étrangers » « immigrés », « migrants ».

 Cette histoire justifie que l’on fasse du campement une part de ce patrimoine négatif, dans le sens de l’historienne Sophie Wannich, le patrimoine qui pourrait archiver la cruauté de nos sociétés, nous y confronter, celui qui fait honte, alerte, et demande le changement, la réparation. Décamper.

 Que veut dire qu’aujourd’hui, des enfants, des personnes mineures, venant majoritairement des anciennes colonies françaises, parlant donc français, porteur de cette histoire, soient contraintes « d’habiter le campement » ? Cela veut dire que nous ne cessons de réactualiser cette histoire.  Cela veut dire aussi que l’hospitalité n’est toujours pas au cœur de la manière dont sont pensées nos villes et nos territoires. Cette hospitalité n’est pensée que sous sa forme marchande,  celle de l’hospitalité touristique.

Pourtant savoir accueillir l’étranger qui vient, faire place, considérer, échanger, accepter de se transformer dans et par les liens, est une dynamique de vie car elle laisse place à l'imprévisible, au mouvement et à la transformation.

 Nous, collectif d’habitant·es des Bois Blancs, demandons à ce que l’accueil et l’hospitalité ne soit plus placé sous le coup de l’urgence et échappe à la dynamique politique du faux refuge : celui qui place à l’écart, empêche les liens. Au contraire nous demandons à ce que la place de celui ou celle qui vient soit imaginé dans toutes nos politiques publiques et urbaines, qu’elle soit placée au cœur des réflexions sur la « rénovation urbaine », dans chaque moment où il s’agit de penser « la place » et « les places ».

Nous nous souvenons du slogan :  « Nous avons de la place » et nous voulons l’activer en demandant que ces places soient anticipées, imaginées, au cœur de nos villes, nos quartiers. Ces solutions existent, sociologues, architectes, urbanistes, habitant·es les inventent tous les jours, comme le montre par exemple le réseau HospitalitéS Marseille.

L’irresponsabilité ne cesse d’être brandies par les institutions dans leurs réponses aux demandes des collectifs de Mineurs en recours: Le département dit ne pas être responsable, l'Etat de ne pas être responsable, les villes disent ne pas être responsables...  Face à ces déclarations d'irresponsabilité, mettre fin, de manière pérenne, à la dynamique du campement serait une manière de répondre de manière « habile » à la situation présente,. Répondre avec habilité : Responsabilité.

Références :

Michel Agier, campement urbain, du refuge naît le ghetto. Payot, 2013.

Michel Agier, Clara Lecadet (dir.) Un monde de camps, La découverte, 2014.

Donna, Harraway Manifeste des espèces compagnes, Chiens, humains et autres partenaires, Paris, Flammarion, 2018 (2010) (The Companion Species Manifesto: Dogs, People and Signifcant Otherness, Chicago, Prickly Paradigm Press, 2003, traduit de l’anglais par Jérôme Hansen).

 Fiona Meadows (dir.) Habiter le campement, Nomades voyageurs contestataires, conquérants, infortunés, exilés. Actes Sud/Cité de l’architecture et du patrimoine, 2016.

Sophie Wahnich. L'immigration produit du patrimoine négatif. Le rôle du musée. In: Communications, 100, 2017. Des passés déplacés. Mémoires des migrations. pp. 119-135.DOI : 10.3917/commu.100.0119

Samuel Lequête, Delphine Le Vergos, (dir.) Décamper, La découverte, 2016.

Les espaces d’inspiration :

https://www.marseille-hospitalites.fr/

https://www.metrolab.brussels/search?keywords=hospitality

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