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Billet de blog 31 déc. 2021

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Affaire de la brucellose : sauvegarder le vivant ou cultiver le risque zéro ?

Début janvier, un troupeau de 244 vaches et veaux à St-Laurent sera très probablement abattu suite à la contamination d’une vache par la brucellose. Nous réclamons que l’abattage du troupeau ne puisse être décidé qu’en ultime recours. C’est au travers de l’observation et de l’expérience des éleveurs que doivent se déterminer l’évolution des normes, des règles professionnelles et des dérogations éventuelles.

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Début janvier, un troupeau de 244 vaches et veaux à St-Laurent, au-dessus de la Roche-sur-Foron (74) sera très probablement abattu suite à la contamination d’une vache par la brucellose ; sans quoi cette maladie transmissible à l’homme risque aussi de mettre en péril toute la filière laitière et viande et ses exportations, car la France ne serait plus déclarée indemne de brucellose bovine par les autorités européennes. D’ores et déjà la Chine a suspendu ses importations de lactosérum en provenance de France.

Nos activités commerciales mondialisées ont des incidences fortes sur nos éleveurs et sur la pérennité de la filière lait cru en Haute-Savoie. À terme, c’est la pertinence du pastoralisme et la préservation des alpages qui pourraient être remises en question, au bénéfice d’une filière de lait pasteurisée, dont pourraient se saisir les géants de la profession.

Mais revenons à l’affaire de St-Laurent et à la nécessité impérieuse de mettre un terme à la vie de ces 220 animaux en parfaite santé et à la vingtaine de veaux qui sont venus au monde, depuis l’abattage de la vache contaminée. Cette situation est à la fois dramatique pour l’éleveur qui perd là une relation particulière avec ses animaux et pour un savoir-faire capitalisé au fil de décennies d’amélioration génétique.

Les indemnisations prévues par l’Etat ne viendront pas combler la détresse de cette famille, bouleversée par une ferme qui pour la première fois sera bel et bien vidée de toute vie. Cette menace pèse sur d’autres élevages de la Région auxquels la ferme de St-Laurent avait vendu des veaux de cette lignée ou par simple proximité des alpages et des prés fréquentés par la vache infestée.

Et pourtant depuis la détection de ce cas unique de brucellose, aucun autre animal n’a été détecté positif. La maladie se déclare plus particulièrement au moment des mises bas, contaminant les veaux ou génisses, ou se manifestant par des avortements. Aucun cas de cet ordre n’a été détecté ni sur la ferme, ni dans les élevages mis sous surveillance.

La Préfecture de Haute-Savoie et les services de protection des populations invoquent le caractère pernicieux de la maladie, indétectable pendant plusieurs mois, voire plusieurs années, et qui réapparaît sans qu’on sache trop comment, ni pourquoi. Cela revient à ne plus différencier des animaux contaminés des cas contacts. Faut-il pour autant éradiquer le vivant ?

Cette éradication du vivant ne se limite pas aux animaux d’élevage puisqu’il est question d’éradiquer la maladie dans une autre population partiellement contaminée, à savoir les bouquetins du Bargy. Si l’origine de la maladie chez le mammifère sauvage ne fait aucun doute, on ignore encore beaucoup comment la bactérie se transmet à la vache, le mode de transmission étant probablement indirect puisque les animaux ne se retrouvent pas en présence en même temps sur ces prairies (rapports OFB et ANSES, suivi GPS sur plusieurs années). L’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation (ANSES) a évalué 6 scénarios possibles pour éradiquer l’épidémie et en tous cas en supprimer la circulation. 

Il faut tout faire là encore pour limiter l’abattage massif des animaux et éviter la dispersion des hardes de bouquetins qui, effrayés, pourraient se disséminer sur d’autres massifs, en particulier dans les Aravis où le nombre d’exploitations laitières est encore plus important que dans le Bargy et où les risques de contamination se propageraient.

Le Conseil National de Protection de la Nature, consulté lors des demandes de capture et de destruction des bouquetins, comme ce fut le cas le 30 janvier 2020, s’est appuyé sur des travaux scientifiques et sur ceux de l’ANSES pour formuler un avis. L’éradication massive à court terme n’est pas réaliste, l’intérêt des tirs indiscriminés n’est pas démontré et le principe de précaution invite au déploiement de solutions alternatives qui ne sont encore que très peu utilisées, par exemple :

- Techniques des filets tombants sur des groupes  de bouquetins pour les capturer, les tester, les euthanasier seulement en cas de contamination

- Sécurisation des zones de pâture du cheptel domestique (ovins, caprins, bovins) pour les éloigner des populations de bouquetins possiblement contaminées.

Ces mesures préventives devraient s’accompagner d’une évolution des normes qui n’ont pas été révisées en 2008, alors que les recherches en sérologie ont largement progressé depuis.  

Nous réclamons que l’abattage du troupeau ne puisse être décidé qu’en ultime recours, en étant conditionné à une démarche préalable par les autorités de l’Etat et les parties-prenantes qui doit conduire à des engagements fermes pour :

- Une révision des normes qui doit privilégier la préservation des animaux sains

- Un programme de recherche qui permette d’améliorer les conditions de détection en continu de la maladie et de repérer les vecteurs de la transmission du bouquetin aux troupeaux

- Une dérogation qui conduirait à isoler les animaux sains et à concilier bien-être animal, préservation de la filière et conditions de vie et de travail de l’éleveur et de sa famille, comme cela peut être autorisé pour des cas de tuberculose bovine

- La mise en place de mesures préventives décrites au-dessus pour limiter la transmission de la brucellose des bouquetins aux troupeaux domestiques.

La filière bovine ne pourra conserver sa très bonne réputation si elle ne se soucie pas du vivant, si elle s’affranchit du poids des normes sur les conditions de vie des éleveurs, au bénéfice des seuls intérêts économiques de quelques acteurs. La filière lait et les organismes syndicaux et consulaires doivent reconnaître les compétences de leurs éleveurs, qui ne sauraient se limiter à l'application de textes qui pénalisent fortement les petites exploitations. C’est bien aussi au travers de l’observation et de l’expérience des éleveurs que doivent se déterminer l’évolution des normes, des règles professionnelles et des dérogations éventuelles.

C’est à ce prix que pourra s’apaiser un débat houleux entre éleveurs, naturalistes et services de l’Etat. 

C’est en acceptant que le risque zéro n’existe pas que nous pourrons faire évoluer les politiques publiques dans le respect du vivant, du bien-être animal, de la santé des éleveurs et de la santé économique de la filière. Le principe de précaution est indissociable d’un principe de proportionnalité dans les mesures prises. 

Premiers signataires :

François Alfonsi, député européen

Coralie Amar - Vétérinaire 

Benoît Bitaud - député européen

Lucile Brochot, vétérinaire, agroécologie en élevage

Damien Carême - député européen

Gwendoline Corfield - députée européenne

David Cormand  - député européen

Karima Delli - députée européenne

Guillaume Gontard - Sénateur de l’Isère 

Fabienne Grébert - Conseillère régionale Auvergne Rhône-Alpes

Benjamin Joyeux - Conseiller régional Auvergne Rhône-Alpes

Louise Le Roux, vétérinaire

Tilly Metz - députée européenne - Luxembourg 

Raymonde Poncet - Sénatrice du Rhône 

Jocelyne Porcher, directrice de recherche INRAE

Michèle Rivasi - députée européenne

Caroline Roose - députée européenne

Mounir Satouri- député européen

Guillaume Tatu - Maire adjoint à Annecy

Marie Toussaint - députée européenne

Salima Yenbou - députée européenne

Henri Humbert - agriculteur

Lien vers la pétition : https://www.change.org/p/monsieur-espinasse-sauvons-les-220-vaches-de-saint-laurent

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