À Calais en juillet 2021 a été fêté le centenaire de la création de la Lien « Ligue internationale de l’Éducation nouvelle ».
Ces cent années n’ont pas suffi à faire entendre le message par le plus grand nombre, elles n’ont pas réussi à ne serait-ce que fissurer la forteresse d’une société où souvent les personnes ne sont considérées que comme des machines à encaisser, à subir, à ingurgiter de la matière savoir et des injonctions dictées par sa majesté marchandisation. Penser à la place de l’individu, et plus encore penser l’individu, c’est le considérer comme l’objet d’une volonté qui n’est pas la sienne et non le considérer comme sujet de son épanouissement.
Que ne s’est-il pas passé ? Que ne s’est-il pas passé pour qu’en 2022 la réflexion officielle sur la situation et le sens de l’éducation et de la coéducation ignore voire méprise ce que défend l’Éducation nouvelle, qui doit se contenter d’un succès d’estime. Pourquoi malgré des principes humanistes, des valeurs idoines, cette vision de l’éducation n’est-elle partagée que par une minorité ? Cette prise en compte réelle des besoins des enfants, des personnes, et de leur singularité, les reconnaissant comme êtres sociaux, tout le monde en a peur. C’est que l’émancipation porte en elle le virus de la résistance, le risque d’en contaminer l’autre et à terme de faire vaciller sur son socle un système qui a besoin de mettre sous l’éteignoir toute tentative d’idées porteuses de novation s’il ne veut pas voir son équilibre menacé. À son origine pourtant l’Éducation nouvelle n’était pas réduite à la portion congrue. Elle avait l’ambition de transformer et de bouleverser le système éducatif. Elle l’a toujours mais force est de constater qu’elle a du mal à être entendue, du mal à convaincre.
Doit-elle se contenter de la marge dans laquelle elle a été poussée puis cantonnée ? l’Éducation nouvelle participe résolument de la dynamique d’éducation populaire. En multipliant les tribunes, en agissant au plus près du terrain, des territoires, en étendant le rayon d’action à tous et toutes. Il n’est pas possible qu’elle se contente d’un succès d’estime. « L’incroyable insolence de nos approches, de nos valeurs, de nos pratiques » comme le dit si bien Jean-Luc Cazaillon, mérite d’être audible afin que la capacité ancillaire d’adaptation change enfin de camp.
Cette troisième biennale magistralement orchestrée par les Ceméa de Belgique et le collectif "Convergence(s) pour l'Éducation nouvelle s’inscrit donc dans une réflexion collective offensive qui conduit à élargir encore plus le champ de l’Éducation nouvelle. En effet, celle-ci trouve sa place au sein de toute la coéducation. Elle a du sens en pied d’immeuble ou en rase campagne, au coeur des territoires et avec tous les publics. Il semble primordial de rappeler que mettre en avant sa légitimité dans les domaines professionnels, de militance et autres espaces sociaux permettra sans conteste d’accroître l’audience au plus grand nombre. Et c’est par ce biais-là que les pédagogies actives (appelons-les comme cela, le terme Éducation nouvelle n’étant pas repris dans toutes les langues) parviendront à toucher des personnes, des structures, des organisations qui n’en connaissent pas l’existence ou n’en perçoivent pas encore la substantifique moelle.
Cette biennale sera aussi l'occasion pour brandir notre manifeste 2022.
Nous ne pouvons laisser passer le siècle prochain sans réussir à inverser le cours des choses. Les cent ans qui viennent n’ont qu’à bien se tenir. Il se pourrait alors que les militant·es de l’Éducation nouvelle cueillent enfin le rayon vert de l’utopie !