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Scénariste, autrice (radio, théâtre), script doctor, amoureuse du Brésil et chroniqueuse pour la São Paulo Review.

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Billet de blog 4 janvier 2015

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A une consonne près...

Il y en a qui commencent mal l’année, à force qui sait de l’avoir trop ou mal arrosée. La langue pâteuse, ils se prennent les pieds dans leur vocabulaire. Or, de même qu'un train peut en cacher un autre, une consonne mal placée, voire remplacée, peut changer un discours et provoquer de sacrés dégâts. 

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Il y en a qui commencent mal l’année, à force qui sait de l’avoir trop ou mal arrosée. La langue pâteuse, ils se prennent les pieds dans leur vocabulaire. Or, de même qu'un train peut en cacher un autre, une consonne mal placée, voire remplacée, peut changer un discours et provoquer de sacrés dégâts. 

Ainsi, jeudi dernier, le 1er janvier donc, le ministre de la santé turc a déclaré, saluant la bonne tenue et la venue au monde des premiers bébés de l’année : « les mères ne doivent pas mettre d’autres carrières que la maternité au centre de leur vie. Elever de nouvelles générations doit être au centre de leurs préoccupations. » La suite, vous la connaissez : protestations et indignations en chaîne sur les réseaux sociaux, contre-argumentations, montée au front des députées de l’opposition turque affirmant que la maternité n’est pas une carrière - et arguant que pour nombre de femmes la maternité reste une barrière côté carrière, toujours une histoire de consonne… -  bref, en voilà un qui a perdu une belle occasion de plaire. Et de se taire !

Sauf qu’en réalité, il s’est trompé. Eh oui, c’est comme je vous dis. Emu sans doute par les chairs neuves et gazouillantes qui gigotaient sous son nez, ce sot s’est emmêlé les mots. En réalité le sinistre truc, flûte voilà que ça me prend moi aussi, le ministre turc, donc, voulait dire : « les pères ne doivent pas mettre d’autres carrières que la paternité au centre de leur vie. Elever de nouvelles générations, etc. » Quel ballot, pas vrai ?! Avouez que ça change tout. Cette déclaration, corrigée comme il se doit, remet tout le monde d’accord. En effet, qui oserait contester, en Turquie ou ailleurs, que la carrière favorite des pères est la paternité ? Vu qu'il en est ainsi depuis des siècles car la nature et Dieu, unis pour le meilleur et pour le rire, l’ont décidé ? Franchement, il y a d’autres combats à mener, et celui-ci fait fuir, et non jouir, bien tenté mais non, les voyelles sont hors du coup.  

N’empêche, que cela nous serve de leçon. Méfions-nous des consonnes. Soyons prudents quand nous parlons, mais aussi quand nous pianotons sur nos claviers. Ne relâchons pas notre attention, en fin de journée notamment, quand la vue baise et que les amants baissent. Une seconde d’inattention, et voici une consonne qui passe à la trappe, et l’autre à la frappe. Moi qui vous écris, je sais ce dont je parle. A la fin de mes mails, il m’arrive d’embraser le destinataire de mes lignes. Et mon correcteur d’orthographe, tapi au creux de mon ordinateur, ne pipe pas. Pire il doit lire, puis rire. Une fois la missive envoyée, je réalise ma bévue. Trop tard. Je viens de mettre le feu à mon interlocuteur, moi qui désirais juste l'embrasser et encore, virtuellement, du bout des touches. Et ça ne s’arrête pas là ! Je jette ainsi régulièrement le pépé avec l’eau du bain, ou du pain, quand je tiens la grande forme. Lorsque j’ai créé ce blog, j’ai dû me relire trente fois pour vérifier que son intitulé, « Une saine inquiétude », n’était pas devenu, sous la pression de mes doigts gourds,  « Une vaine inquiétude ». Ce qui m’aurait conduite à le clore avant même de le lancer. A jeter le pépé avec l’eau du bain voilà, on y revient.  

Maudites consonnes ! Je me console en me disant que je ne suis pas la seule, il y a eu le ministre machin turc l’autre jour, mais surtout il y a eu…  Eve. Dans le genre elle a fait fort. Au lieu de croquer l’homme, elle a croqué la pomme, avec les conséquences que l’on sait, et que l'on hait. Oui, si on en est là aujourd’hui, c’est moins à cause d’elle qu’à cause d’une consonne, en somme. 

Mais attention, parfois l'inversion, le remplacement ou la disparition pure de ces lettres ont du bon. La crise, transformée en brise, se fait balayer d’un coup de vent, de dent. On ne crève plus… on rêve, et en ce début d'année les bonnes résolutions se muent en bonnes révolutions. Enfin, ah celui-là c’est mon préféré, « je veux » devient… « je peux ». Et inversement. Une simple consonne peut vous changer la vie. Pensez-y, essayez et... embrasez-qui vous voudrez !

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