Lundi 8 avril, Mediapart a été victime d’une attaque informatique sur son site, orchestrée depuis un serveur anonyme étranger. Ecrit ainsi, c’est un peu triste. C’est même un peu con. Tentons donc d’insuffler de la gaieté, et du piment, dans cette sombre affaire.
D’abord, il faut personnaliser ce « serveur anonyme étranger ». Derrière cette morne appellation je vois un homme, ou une femme, parité oblige, tapi dans l’ombre de son écran opaque, pressé de marteler les touches de son clavier pour aller pénétrer nos secrets. Après mûre réflexion, je baptise l’intrus du doux sobriquet de… Mad pirate.
Mad pirate, ça ne vous dit rien ? Bon sang mais c’est bien sûr, Mad pirate c’est l’anagramme de… Mediapart ! De là à accuser Edwy Plenel et son équipe d’avoir choisi ce nom exprès, d’avoir tendu la joue dans l’espoir d’y recevoir un jour une claque, il n’y a qu’un pas que nos détracteurs n’hésiteront pas à franchir, à mon avis. N’empêche, Mad pirate, ça en jette, plus que Pirate fou ou Pirate zinzin ! En plus le nom s’adapte parfaitement à la situation. Car entre nous, il faut être un peu dingue pour passer son temps derrière un ordinateur à fouiller dans les affaires des autres.
Qui es-tu, Mad pirate ? Les images les plus folles se bousculent dans mon cerveau déjà bien encombré :
Ce bandeau noir qui te caractérise, le portes-tu sur l’œil gauche, ou sur l’œil droit ? Cela dit, pour récupérer nos données et nos RIB depuis ton écran avec un œil bandé, tu as dû t’accrocher.
D’où viens-tu Mad pirate ? De Chine, d’Inde ou des Caraïbes ? Ou es-tu un pirate bien de chez nous, de Bretagne ou de Corse, voire des bords de Seine ou de Loire… Un pirate d’eau douce en somme ?! Le mythe se fendille, mais il faut vivre avec son époque, et selon ses moyens, même quand on est pirate. Et puis qu’importe ! Grâce à toi l’aventure est de retour ! Et avec elle les frissons, les soupçons, les passions ! Youpi !
Cher Mad pirate, malgré la forme d’admiration que j’ai pour toi, moi qui peine ne serait-ce qu’à créer puis valider un mot de passe sur mon petit ordinateur, je préfère te prévenir : je m’opposerai à tout nouveau prélèvement sur mon compte. En revanche, ne te gêne pas pour me déverser moult virements aussi inattendus que généreux, si entre-temps tu as eu l’excellente idée d’aller subtiliser l’argent où il se trouve, à savoir parmi les 600 milliards d’euros nés de l’heureux mariage français entre l’évasion fiscale et l’absence de scrupules.
Pour conclure, en attendant la suite de tes aventures, ô filou du net, je livre en pâture à ta méditation cette phrase, que je prononce tout haut mais sans le son, la voix enrouée par l’émotion, à la manière de qui tu sais (enfin peut-être) :
« Mediapart, outragé ! Mediapart volé ! Mediapart piraté ! mais Mediapart fortifié ! »