Vivre dans sa voiture quand on a un boulot, de nos jours hélas c'est fréquent. Voire périlleux. La preuve avec cette fiction, concoctée par mes soins, et diffusée dans la nuit du mercredi 9 au jeudi 10 octobre à 2h du matin sur France Inter, dans les Nuits Noires de Patrick Liegibel.
Voici les premières scènes pour vous, lecteurs de Mediapart. Pour vous transformer d'un coup de clic magique en auditeurs et écouter la suite, il vous suffit d'activer le lien mis à votre disposition à la fin de ce billet.
Excellente écoute, joyeux dimanche et... prenez soin de votre chien, si vous en avez un.
Scène 1 : aux caisses de la supérette
Ambiance d’une supérette, côté caisses. Bip réguliers émis par les codes-barres des articles.
FRANCOISE (bas, avec l’accent du sud) : Alors je lui fais : « Oh Rémi c’est simple, tu choisis : le foot, tes bières, la castagne… ou moi ! » Et tu sais ce qu’il me fait ?
LINDA (bas) : Ben non.
FRANCOISE : Il me fait : « C’est tout choisi ma caille ! Toi ! Toi toi toi ! » Alors moi… (elle glousse) je craque tiens, c’est couillon.
LINDA : Ben oui.
JENNYFER (avec un fort accent anglais) : Eh, au lieu de faire piapiapia avec ta collègue, tu peux encaisser mes produits ? Je suis pas en RTT, je travaille !
LINDA : Moi aussi madame. Je ne fais que ça.
JENNYFER : A la vitesse d’une limace, oui ! Allez move ! Bouge tes petits bras !
LINDA : Mais enfin… de quel droit vous… vous me tutoyez ?
JENNYFER : Je tutoie qui je veux, quand je veux ! Et toi tu encaisses, chacun son job !
FRANCOISE : Oh madame, arrêtez de l’agresser quoi ! Du calme ! Il fait beau !
LINDA : Laisse Françoise, ça va…
JENNYFER : Non ça va pas ! J’en ai marre d’attendre que tu te réveilles ! Combien je dois ?
LINDA : 12 euros 10.
JENNYFER : Pour du jambon et de la salade ? Quelle arnaque !
LINDA : Ah non, je ne prends pas la carte bleue.
JENNYFER : Quoi ?!
LINDA : Paiement par chèque ou en liquide. C’est écrit à l’entrée de ma caisse, en gros.
JENNYFER : Tu le fais exprès ? Espèce de… grosse vache ! Tu vas me…
LINDA (elle l’interrompt en hurlant) :Ta gueule ! Ou je t’en colle une ! Apprends à lire ! Achète-toi des yeux !
Silence.
LINDA (calme) : Maintenant vous me réglez s’il vous plaît madame. J’ai du monde qui attend.
Arrive monsieur Denis.
MONSIEUR DENIS : C’est quoi ces cris Linda ? Qu’est-ce qui se passe ?
LINDA : Rien monsieur Denis, c’est fini.
JENNYFER : Oui monsieur ‘Denise’, c’est fini ! Vos caissières sont top monsieur ‘Denise’. Plus ce serait trop, monsieur ‘Denise’. (elle prend ses sacs) Fuck you monsieur ‘Denise’ ! Fuck you all !
Jennyfer s’éloigne avec ses sacs.
FRANCOISE : Elle a un pét au casque celle-là ! Vous la connaissez dites, m’sieur Denis ?
MONSIEUR DENIS : Non, pas du tout. Pourquoi ?
LINDA : Merde, elle a oublié sa monnaie. (fort) Madame ! Votre monnaie ! (avec l’accent français) Your money !
FRANCOISE : Oublie va. Avec tous les diamants qui lui boudinent les doigts, elle s’en passera tiens.
Scène 2 : toilettes du personnel de la supérette
Bruit d’eau qui coule dans un lavabo : Linda se lave comme elle peut. Françoise entre et se fige.
FRANCOISE : Linda ?! Oh fan ! Tu fais quoi là ? Y’a plus d’eau chez toi ?
LINDA : Mais si, bien sûr. J’ai trop chaud, je me remets à température avant de rentrer. La faute à l’autre folle d’Anglaise. Elle m’a bien fait suer !
FRANCOISE : Quand même, de là à se baigner dans le lavabo !
LINDA : Je me baigne pas, je me rafraîchis.
FRANCOISE : Viens te rafraîchir à la maison. J’ai du pastis, avec plein de glaçons ! Et puis comme ça tu connaîtras mon Rémi. Tu me donneras ton avis sur la bête.
LINDA : Ce soir je peux pas Françoise. Désolée.
FRANCOISE : Jamais, tu peux ! T’as honte d’être vue avec moi dis ?
LINDA : Mais non enfin.
FRANCOISE : Ça te soûle de faire la fête ?
LINDA : Ben… après le travail j’aime rester tranquille… chez moi.
FRANCOISE : Invite-moi tiens ! J’adore ça, aller chez les autres. Je pique plein d’idées pour ma déco après.
LINDA : Une… une autre fois, d’accord ?
FRANCOISE : Oh te fatigue pas va, j’ai compris.
LINDA : Françoise, écoute…
FRANCOISE : J’ai compris je te répète ! J’ai compris… (joyeusement) tu as quelqu’un dans ta vie, et tu le gardes sous clé, comme un foutu trésor ! Pas vrai ?
LINDA : Non. Si.
FRANCOISE : Coquine va ! Quand je pense que moi je te balance tout sur mon Rémi, sans y craindre, à cœur grand ouvert ! Il s’appelle comment le tien ?
LINDA : Qui ça ?
FRANCOISE : Ton amoureux dis, ton trésor des mille et une merveilles, il a quel nom ?
LINDA : … Epsilon.
FRANCOISE : Epsilon ?! Il est grec ?
Scène 3 : rue puis voiture de Linda
Linda marche dans la rue. Elle déverrouille la portière de sa voiture (on entend un bip) puis l’ouvre : aussitôt résonnent les aboiements joyeux d’un chien.
LINDA :
Epsilon ! Doucement ! (aboiement) Mais oui mon chéri tu es beau, mais oui. Attention, tu baves sur le siège ! J’en ai assez de laver la voiture. (aboiement) Je sais, je suis en retard. La faute à la Françoise. Elle est gentille, mais elle me colle ! Regarde ce que je ramène : du foie de bœuf comme tu aimes. Tout cru, tout frais. (aboiement) Minute ! C’est pas l’heure du dîner. D’abord on va se dégourdir les pattes. Faut que tu fasses de l’exercice, sinon tu vas devenir gras comme un cochon. Allez ouste, dehors!
Epsilon aboie et sort de la voiture. Linda referme la portière. Ils s’éloignent.
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Pour connaître la suite, suivez le chien, puis ce lien :
http://www.franceinter.fr/emission-nuits-noires-chienne-de-vie-de-corinne-klomp-et-le-criminel-superstitieux-de-bertrand-lecla