Corinne Klomp (avatar)

Corinne Klomp

Scénariste, autrice (radio, théâtre), script doctor, amoureuse du Brésil et chroniqueuse pour la São Paulo Review.

Abonné·e de Mediapart

48 Billets

0 Édition

Billet de blog 16 décembre 2012

Corinne Klomp (avatar)

Corinne Klomp

Scénariste, autrice (radio, théâtre), script doctor, amoureuse du Brésil et chroniqueuse pour la São Paulo Review.

Abonné·e de Mediapart

Voix intérieure

Corinne Klomp (avatar)

Corinne Klomp

Scénariste, autrice (radio, théâtre), script doctor, amoureuse du Brésil et chroniqueuse pour la São Paulo Review.

Abonné·e de Mediapart

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Un dimanche de décembre, invitée par Mediapart, je suis allée au cinéma des Cinéastes voir le dernier Costa-Gavras, « Le capital », injustement boudé par les critiques.

Si j’ai bien tout retenu des articles pondus sur le sujet, le grand reproche fait à ce film est d’être manichéen. C’est l’adjectif à la mode, à égalité avec « caricatural ». Dès qu’on dénonce (ici en l’occurrence le monde de la finance et ses abus notoires) il paraît qu’on tombe soit dans le manichéisme, soit dans la caricature, voire dans les deux mon général. Ah. Pourtant il y a quelques jours encore la presse révélait les chiffres suivants : en 2011 les salaires des patrons du CAC 40 ont progressé de 4% (l’indice boursier du CAC a dans le même temps chuté de 17%, et alors ?), tandis que le salaire moyen d'une personne travaillant en équivalent temps plein dans le privé ou le public a lui cru de 0,5%. De plus, parmi les stars du CAC 40, il en est qui ne respectent pas la « règle » fixée par Proxinvest (agence française au service d’investisseurs, petits ou grands), qui veut que leurs émoluments n'excèdent pas 240 smic, soit la bagatelle de… 4,6 millions d'euros. Si après ça j’en conclus que certains gagnent à tous les coups, même et surtout par temps de crise, en s’asseyant allègrement (à 4,6 millions d’euros, vous conviendrez qu’on peut avoir l’assise festive) sur une pseudo charte censée calmer le vulgum pecus, on va hurler que j’exagère, que les choses ne sont pas si simples (autre synonyme très prisé pour remplacer « manichéen » ou « caricatural »). Tant pis.

Pour beaucoup d’entre nous, les dérives de la finance pointées par « Le capital », c’est comme les salaires indécents du CAC 40 ou la souffrance, non moins indécente, au travail. On est choqué, donc on a le droit, le devoir d’en parler, mais point trop n’en faut. Faudrait voir à ce que ça ne nous fasse pas trop gamberger, à ce que ça ne nous coupe pas l’appétit, à la veille de Noël en plus (ou de la fin du monde, selon les croyances). Dès qu’on insiste un brin, on provoque vite la réprobation puis l’écœurement. Pourquoi ? Parce qu’au fond ça nous dérange tellement qu’on préfère changer de sujet ou, mieux, s’en tirer par une pirouette cynique et tomber à bras raccourcis sur l’auteur, le cinéaste ou le journaliste qui a osé troubler notre frêle équilibre par sa prise de position courageuse. On sait qu’on est complices du système, on n’aime pas qu’on nous le rappelle. Quand on déguste un bon repas dans un restaurant, on n’a guère envie d’apercevoir, de l’autre côté de la vitre, un clochard nous fixer de son regard d’affamé. C’est gênant, culpabilisant, dé-ran-geant. Alors on range, et pour réduire au silence cette saleté de petite voix intérieure qui nous dit de nous indigner, de nous bouger les fesses, on n’y pense plus, et on attaque ceux qui veulent nous obliger à y penser.

Ecoutez votre petite voix intérieure. Allez voir le film de Costa Gavras. 

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.