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Corinne Klomp

Scénariste, autrice (radio, théâtre), script doctor, amoureuse du Brésil et chroniqueuse pour la São Paulo Review.

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Billet de blog 22 septembre 2013

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Contre tous les écarts, de cuisses mais surtout de salaires…

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Quel est le nouvel eldorado des ados ? De sexe féminin je précise. Le thigh gap. Comme son nom l’indique, il ne vient pas de chez nous mais des Etats Unis. Il se traduit en français par une expression de poésie pure : il s’agit de ‘l’écart (ou trou) entre les cuisses’. Une lubie qui met en scène une fois de plus l’ennemi préféré de la gent féminine : le régime.    

En France, en Europe, en Amérique, des jeunes femmes publient des blogs, s’échangent des tuyaux, comparent leurs progrès en publiant sur Twitter des photos de l’évolution de leur thigh gap. Plus il est important, mieux c’est. Obsédées qu’elles sont par la quête de ce Saint Graal sans gras, elles développent, au dire des psys appelés en renfort sur la question, de nouveaux et sévères troubles du comportement alimentaire. J’ajouterais qu’elles doivent aussi se créer, à moins que ce ne soit une condition sine qua non de départ, d’autres trous, plus graves, dans le cerveau, mais, bizarrement, elles ne s’occupent guère de les mesurer.

C’est quoi au juste, cet écart ? Très simple, c’est celui censé apparaître entre le haut des cuisses lorsqu’on est debout, attention, les pieds joints, et surtout pas, je vois venir les petites futées, les pieds écartés. Avec les pieds écartés, je regrette, ça ne compte pas. Trop facile, même un éléphant se retrouve avec un thigh gap. Je vous explique, vous vous mettez debout, si vous y parvenez c’est déjà bien, vous joignez vos pieds, et vous regardez dans la glace ce que ça donne. Vous n’aimez pas votre nouvelle coiffure ? Désolée, aujourd’hui on s’en fout, il faut descendre plus bas. On ne veut rien entendre non plus sur la taille ou la forme de vos seins, et épargnez-nous de grasse la complainte des poignées d’amour autour de vos hanches, on règlera ça plus tard, plus bas on vous dit ! Là, voilà. Si vous ne voyez pas de trou entre vos cuisses, si elles se collent ou, pire, se chevauchent de façon éhontée, eh bien en matière de thigh gap, vous obtenez un zéro pointé. En revanche, si vous voyez un trou, un vide quoi, en haut de vos cuisses, youpi, vous l’avez ! Vous pouvez fêter et entretenir la chose en suivant les conseils thighgapiens publiés par vos copines thighgapeuses sur tumblr. Par exemple boire de l’eau chaude ou avaler des glaçons, ou bien engloutir, bande de morfales, un quartier de pomme, puis attendre deux bonnes heures avant de vous en taper un deuxième. Chouette, non ? Mettre huit heures pour manger une pomme, et s’en trouver rassasiée, voilà une excellente idée pour juguler la faim dans le monde. Certes, il nous restera la connerie, mais on ne peut pas se débarrasser de tout en même temps.

Maintenant que vous avez saisi le principe, il est temps de vous balancer les photos de la bête. Que les âmes sensibles s’abstiennent, ou me pardonnent.

 Ceci est un thigh gap.

 Ceci n’est pas un thigh gap.

Ce que la plupart des aficionados du thigh gap ignorent, c’est que nous ne sommes pas toutes égales face à lui. Il est des filles très minces qui ne l’auront jamais, même en s’affamant, et d’autres, plus rondes, qui l’ont sans peine, tout en se gavant de chocolat. Pourquoi une telle injustice ? Parce que l’écart entre nos cuisses dépend de la taille et de la largeur de notre bassin. Autrement dit, le thigh gap est digne d’oubli. Selon moi, son absence serait même rassurante, notamment pour les célibataires. Avoir les cuisses qui se touchent en haut, c’est sentir une peau contre sa peau, tant pis si c’est la même, un corps contre son corps, une forme de présence donc, rassurante et charnelle. Comme une caresse douce et tiède, qu’on se ferait à la carte, sur demande, rien qu’en joignant les pieds.

A bas le thigh gap ! Vive les cuisses collées ! Et puis entre nous, les copines – car bien sûr ce sont les femmes qui se font avoir par cette mode débile, les hommes, leur thigh gap, ils s’en tapent et ils ont raison – on n’aurait pas des écarts plus importants, des trous plus sérieux, mais à boucher cette fois ? Par exemple, l’écart entre nos salaires et ceux des hommes… ce ne serait pas une bonne idée de créer des blogs en son honneur, de publier des statistiques comparatives, pays par pays, de twitter bref de se battre pour  le réduire pour toujours à néant ? Rien que chez nous, tous temps de travail confondus, il flambe encore à 24%, le bougre.

Si on doit se bouger les fesses mes sœurs, et les cuisses par la même occasion, c’est contre lui, contre le wage gap comme on dit en langage universel, contre l’écart béant de nos rémunérations. Il est là, le vrai boulot ! 

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