Je crains que la lecture de ma pièce ce jour à 17h 00 au Ciné 13 Théâtre ne soit un brin éclipsée par la libération puis le retour en France de Florence Cassez. Je ne m'en offusque pas. Au contraire.
D'un côté donc, Une saine inquiétude (titre de ma pièce) lue face à une centaine de personnes à deux pas de Montmartre, de l'autre Un heureux dénouement, créé en direct sur le tarmac de Roissy face aux caméras du monde entier. Certes, vous avez le temps matériel, Florence Cassez étant attendue en France vers 14h 15, de quitter l'aéroport (si vous faites partie des proches) ou votre poste de télévision pour foncer en RER, métro, bus ou vélib en haut de l'avenue Junot (la voiture je ne conseille pas, le quartier est ingarable), mais... je préfère vous prévenir, vous risquez de ne profiter d'aucun de ces deux événements. Un peu comme ces soirs où on se retrouve invité à plusieurs fêtes. A vouloir faire plaisir à tous, on court partout, on s'épuise et on rate le meilleur.
Florence Cassez est libre, sacrée nouvelle. Ma pièce est lue, formidable. Mais la comparaison a ses limites. Car j'ai beau ramer à monter mes textes, me heurter à des portes closes, laisser des messages sur des répondeurs qui n'ont pas de répondant, me nourrir en alternance d'espoirs ou de déceptions, douter, pester, trépigner ou déprimer, je ne croupis pas depuis sept ans dans une geôle mexicaine (Dieu sait avec quoi ils font le guacamole là-bas), mon arrestation n'a pas été truquée, je n'ai pas été torturée menacée intimidée, bref je suis une femme libre. Libre de vivre, d'écrire, de m'exprimer.
Voilà pourquoi j'accepte, avec une admiration sincère et une sportivité qui ne l'est pas moins, que la première lecture parisienne de ma pièce ne fasse pas ce jeudi la une des médias. Ils auront le temps d'en parler demain, après-demain, lorsque Une saine inquiétude sera jouée pour de vrai sur une scène de théâtre, car j'entends bien qu'elle le sera. Cette après midi, je serai heureuse et émue, entourée de comédiens talentueux, de fidèles et de professionnels, affairée à exercer mon art en toute liberté. J'aurai une pensée pour cette jeune femme fraîchement de retour dans son pays. Nul doute qu'elle aussi sera sur un nuage. La joie se communique, se partage et se propage, même lorsqu'on ne se connaît pas.
Bienvenue en France, Florence Cassez. Que votre nouvelle vie soit douce. Aujourd'hui pour vous c'est la fin du cauchemar, pour moi c'est le début du rêve.