On ne dira jamais assez de bien des réveillons passés dans sa famille de coeur, chez des amis.
On ne dira jamais assez de bien des réveillons passés chez des amis, dont l’un est médecin urgentiste.
Hier soir, arrivée sur le coup de 20 h, pomponnée de frais, j’embrasse et salue mes hôtes. Après avoir déposé manteau, gants et écharpe sur leur lit, je jette un bref coup d’oeil dans le miroir pour procéder aux derniers réglages. Mon reflet me plaît, la chevelure mise à part. Avec l'humidité de l’air mes cheveux sont raides, lourds, ils se déversent de part et d’autre de mon crâne comme deux tentures déprimées. Pas de souci, je connais un remède infaillible que je tiens de ma grand-mère qui elle-même le tenait de… on s’en fout, ça marche. Il suffit de renverser sa tête en avant, de brosser quelques instants ses cheveux avec vigueur, puis de se redresser d’un coup. Votre crinière ressemble désormais à celle d’un lion ou, dans le pire des cas, à celle d’un électrocuté, pourvu qu’il ait à la base quelques poils sur le crâne. Quoi qu'il en soit, c’est mieux qu’avant.
Je sors ma brosse goupillon, projette sans mollir mes kilos de cerveau en avant, et là, surprise, mauvaise. ça tangue. Tellement que je me précipite à terre, au risque de filer mon collant, ce qui en début de soirée est toujours gênant.
Mon ami médecin, urgentiste donc, apparaît aussitôt, attiré par mes plaintes étouffées. Car non seulement je n’ai pas la tête d’un lion, loin s’en faut, mais j’ai la voix d’une chèvre, vacillante et faible, enrouée de surcroît. Dans son habit de lumière, mon ami me hisse et m’examine : « Tiens-toi droite, joins les pieds, très bien, suis mon doigt et regarde à gauche, à droite, parfait maintenant en haut, en bas. » Oh la la, en bas, mauvaise idée, je chancelle à nouveau. Il me récupère avant que je m'effondre, son diagnostic tombe : vertige paroxystique bénin. Vertige, j’ai vu oui. Paroxystique, ça ne m’étonne pas, bien mon genre de virer là-dedans un soir de réveillon. Bénin, ça me va. L’ami qui me veut du bien me propose de m’injecter une dose de Tanganil, anti vertigineux que je connais. Les vertiges, j’en ai une fois tous les quinze ans, sans que personne ne sache pourquoi. J’ai un terrain favorable, à ce qu’il paraît. Comme m’a déclaré un jour un médecin non dénué d’humour : « En matière de vertiges, vous serez sujette aux rechutes. »
Je suis chez mes amis depuis moins de dix minutes, et me voici déjà alanguie sur une méridienne telle Cléopâtre. Elle aussi, dans l’imaginaire de Goscinny et Uderzo du moins, avait le cheveu raide et plat. ça nous fait un autre point commun.
« Tu n’as pas peur des piqûres? » Je réponds par la négative. Sans avoir besoin de crâner. J’ai peur de plein de choses, ça non. Ah si j’ai quand même une crainte, majeure : « Je vais pouvoir boire un verre ? » Mon ami rit, exhibant ses dents blanches ainsi qu'une longue seringue au contenu cristallin. Aucun problème ! Tout à fait détendue, je lui abandonne mon bras et le laisse me piquer tout son soûl. L'effet de cette injection vitale se fait vite sentir. Quelques instants de repos et, je suis debout à nouveau, à me mêler aux autres invités entre-temps apparus. La maîtresse de maison me propose une coupe, je la saisis sans trembler. Et je trinque en souriant.
Plus tard dans la soirée, j’aurai à nouveau la tête qui tourne. Possible, oui. A cause du champagne, ou du regard appuyé de ce beau brun sur ma personne aux cheveux plats. "Un terrain favorable", je vous dis.
 
                 
             
            