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Professeur retraité de l'IHECS, Bruxelles: histoire contemporaine, politique internationale, Proche-Orient, Histoire du socialisme

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Billet de blog 27 octobre 2016

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CASQUES BLANCS, DRAPEAUX NOIRS?

Corps de secouristes, les casques blancs de la Défense civile syrienne ont fait irruption, début octobre, dans nos salons lors d'un documentaire montrant un bébé extrait des décombres d'un immeuble d'Alep-est par un sauveteur en larmes. Peu après, les casques blancs étaient pressentis - avec le soutien, e. a. du gratin liberal d'Hollywood (George Clooney, Susan Sarandon, Alicia Keys, Ben Affleck

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...), mais aussi d'Amnesty International, Human Rights Watch, Avaaz - pour le Prix Nobel de la Paix, qu'a finalement emporté le président colombien Juan Manuel Santos. En "compensation", les casques blancs ont reçu le Right Livelihood Award.

Toujours début octobre, ce qu'il faut bien appeler une campagne d'opposition à l'octroi de cette distinction aux "héros ordinaires de la guerre civile syrienne" s'est étalée sur de nombreux sites "alternatifs". Les casques blancs devenaient dès lors des lobbyistes d'une intervention occidentale en Syrie ou, au minimum, des complices des "terroristes".

Qu'en penser?

***

Je me limiterai ici aux propos et aux arguments exposés par les détracteurs des casques blancs. Je ne me prononcerai pas non plus sur la question de savoir s'ils "méritent" ou non le Prix Nobel. Je me tape du prix Nobel. Je préfère me pencher sur les raisons avancées pour le leur refuser. Je laisserai aussi de côté le réel travail humanitaire qu'effectue la Défense civile syrienne.

Agents stipendiés de l'Occident

Le premier grief fait aux casques blancs est celui de leurs liens avec les Occidentaux. C'est à un ex-officier britannique, James Lemesurier, que l'on devrait la "création", en mars 2013 à Istanbul, de la Défense civile syrienne. Formé à l'académie militaire de Sandhurst puis entré au service de l'ONU après avoir quitté l'armée, devenu "vice-président pour les projets spéciaux" de la firme "de sécurité privée" Olive Group, Lemesurier est présenté par la journaliste britannique Vanessa Beeley (dont nous reparlerons) comme un ex-"agent secret" ("military intelligence officer") "à l'impressionnant parcours sur certains des théâtres d'intervention les plus douteux de l'OTAN"...

Autre accusation: les financements fournis aux casques blancs par des ONG occidentales (Royaume Uni, Allemagne, Danemark, Pays-Bas). En tête des donateurs cependant: l'USAID qui leur aurait versé 23 millions $.

Le second grief - les "relations" qu'entretiendraient les casques blancs avec les "terroristes" - sous-entend donc qu'en finançant les premiers, l'Occident finance les seconds.

Notons aussi que le site "alternatif" Global Research reproche aux casques blancs non seulement d'avoir été les premiers à faire état, le 19 septembre, de l'attaque destructrice, à Orum-al-Koubra (près d'Alep), d'un convoi de l'OCHA (Bureau des Nations-Unies (NU) pour la coordination des affaires humanitaires) et du Croissant rouge syrien (CRAS), mais aussi d'en avoir attribué la "prétendue" ("allegedly") responsabilité aux avions russo-syriens. Or,selon des témoins cités par Le Monde (22.9.16), seuls les avions russes et syriens opèrent dans cette zone...

Que l'on comprenne bien: je n'entends pas ici écarter la question du rôle de certaines ONG dans la déstabilisation, voire les tentatives de changement de régime auxquelles procèdent les puissances occidentales. Je rappellerai néanmoins, avec Boris Petric (Soft power et inflation électorale, in Hérodote, n° 129, 2008), qu'il s’agit, dans le cas de "révolutions de couleur" - j'ajoute: et des "printemps arabes" - d’éviter deux visions réductrices: primo, voir essentiellement dans celles/ceux-ci l’effet d’une conspiration extérieure; secundo, n'y voir qu’un "pur" soulèvement populaire contre des fraudes électorales et/ou un régime corrompu. Selon Petric, si plusieurs travaux attestent que ces soulèvements étaient parfois minutieusement préparés par des groupes organisés à cet effet et disposant de moyens considérables fournis par des fondations étrangères, notamment étasuniennes, d'autres ont montré la réalité de la participation – et du soutien populaire aux "révolutions" en question.

Complices des terroristes

Historien, enseignant à l'INALCO, spécialiste des pays de l'Est européen, mais observateur très attentif du conflit syrien, Bruno Drweski, fait partie de cette "mouvance anti-impérialiste" dont j'ai critiqué les dérives dans mon article Misère de l'anti-impérialisme (Courrier du Maghreb et de l'Orient, n°27, septembre 2016). Dans un courrier du 7 octobre dernier, il accuse les casques blancs, qu'il associe aux "égorgeurs", d'être "humanitaires le jour et An-Nosra le soir".  

Comme il l'indique lui-même, Drweski base son accusation sur une  interview de la journaliste britannique Vanessa Beeley à la chaîne UKColumns qui l'interrogeait - en mai dernier et avec beaucoup de complaisance d'ailleurs - dans une émission s'employant à dénoncer l'octroi éventuel du Prix Nobel de la Paix aux casques blancs syriens.

Vanessa, l'inconditionnelle

C'est peut dire que de présenter Mme Vanessa Beeley comme une journaliste "engagée". Son vocabulaire en témoigne: Mme Beeley parle de "l'Armée arabe syrienne", pas de "l'armée syrienne" ou de" l'armée loyaliste". Et encore moins de "l'armée du régime". Régime où (voir photos), elle a ses entrées. Plusieurs thèmes dominent ses articles: primo, le gouvernement de Bachar Al-Assad est - "depuis le début", postulat récurrent chez ses défenseurs - victime d'une tentative de regime change menée par les États-Unis. Avec l'appui d'"une cabale d'ONG" (Beeley) dites "humanitaires". Secundo, il n'est pas question chez la journaliste de mettre en question le régime de Bachar Al-Assad, "dûment élu" et bénéficiant de l'appui de 80% de la population syrienne (sic). Tertio, la question à poser pour ce qui est des casques blancs est: "d'où vient l'argent?".

Vanessa Beeley à la droite de Bachar Al-Assad (21st Century Wire)

En ce qui concerne l'"opposition modérée", Vanessa Beeley fait flèche de tout bois, n'hésitant pas à citer le néoconservateur Daniel Greenfield. Greenfield émarge au Shilmann Fellows in Journalism Program qui subventionne généreusement les publications (The Point, Truth Revolt...) du David Horowitz Freedom Center (DHFC) qui, selon Wikipedia, "combat les efforts de la gauche radicale et de ses alliés islamistes pour détruire les valeurs américaines". Pour Greenfield, "il n'y a pas d''Armée syrienne libre'. Il s'agit d'une généralisation pour fournir de l'aide occidentale à un ensemble de groupes menés par les Frères musulmans...

Certes, l'on doit admettre que l'ASL est composée de "groupes fragmentés". Admettre aussi, que l'ALS s'est vue reléguer, e. a. du fait de ses faiblesses, de ses divisions, de sa dépendance et de son alignement sur les Occidentaux et même du comportement relevant du droit commun de certaines de ses unités, à une place secondaire - à commencer dans nos médias - au bénéfice des groupes jihadistes. Autre chose est de qualifier les troupes de l'ASL de "mercenaires". Pour V. Beeley, l'ASL est "largement incapable d'opérer sans un appui logistique des extrémistes". Ce qu'admet même un François Burgat. Mais, que penser alors du fait que les quartiers d'Alep-est "tiennent" en dépit de frappes démultipliées et que l'offensive au sol des forces pro-régime piétine depuis deux semaines (Le Monde, 22.10.16) alors que seules quelques centaines de combattants du Fatah-al-Cham (l'ex-Front-al-Nosra) y combattent aux côtés des 7 à 10.000 miliciens de brigades "estampillées ASL"?

La description de celles-ci que fait Mme Beeley ne s'inscrit-elle pas dans une stratégie visant précisément à minimiser le rôle de l'ASL et de présenter le Fatah-al-Cham comme la principale force rebelle d'Alep-est en vue de justifier son pilonnage? C'est cette "stratégie" qu'illustrait aussi le dessin du Drapeau rouge mentionné dans mon article Misère de l'anti-impérialisme. C'est cette même vision que confirme, dans un autre courrier (20.10.16), B.Drweski: "si les combattants étrangers (sic) qui occupent Alep-est n'étaient pas arrivés de l'extérieur (re-sic) pour épauler quelques faire-valoir locaux recrutés à coups de pétrodollars (3e sic) il n'y aurait pas de combats à Alep ... Il y aurait peut -être une répression du gouvernement syrien, 'comme toujours' [...], mais rien de pire que ce qui se passe quotidiennement ailleurs".

"Preuves" de complicité

Vanessa Beeley aux côtés de Mme Bouthaïna Chaaban, la "voix" du régime Assad

Dans l'émission d'UKColumns accueillant V. Beeley, trois séquences sont censées étayer la "complicité" entre les casques blancs et les "terroristes". Une première montre l'exécution d'un membre des forces loyalistes dont, sitôt après, le corps est enlevé par des casques blancs. Commentaire d'UKColomns: ces sauveteurs "autoproclamés indépendants" savaient que l'exécution allait avoir lieu. Donc ils ont des contacts avec les "terroristes". Et, plus grave, ils n'ont pas protesté contre cette mise à mort. Suivent des images d'un tombereau chargé de cadavres emmenés par les casques blancs "à la décharge". Ces corps, nous dit-on, sont ceux de membres de chabiha, unités recrutées par le régime en partie sur une base confessionnelle (alaouite), mais aussi parmi les prisonniers de droits commun et renommées pour accomplir les "basses besognes" de la répression. Notons en passant que Mme Beeley "précise" que le terme chabiha est "un autre mot pour l'armée syrienne"... La seconde séquence montre - sur base de ressemblances physiques indiscutables,  mais toujours sujettes à caution - divers personnages faisant partie des casques blancs en contact avec des interlocuteurs définis comme faisant partie du Front-al-Nosra. Enfin, une troisième séquence montre deux personnages affublés de casques blancs et armés au sein d'un groupe, lui aussi armé. Voilà qui conclurait la "démonstration"

Mais, la question est-elle bien là?

Aide et politique

Je dirais d'emblée que ces "collusions" sont plus que probables. Plus, qu'elles sont "normales".

Je dirais même qu'on peut les considérer comme le pendant des manipulations, par le régime syrien, des agences des Nations -Unies, qui ne sont un secret pour personne.

Faut-il rappeler qu'en juin dernier, un rapport de la Syria Campaign, il est vrai proche de l'opposition, mais basé sur  des entretiens avec plusieurs dizaines d'experts et responsables des NU, accusait les agences onusiennes de "manquer à ses principes fondateurs: neutralité, indépendance, impartialité", de ne pas poser de lignes rouges aux restrictions imposées à leur action par le régime de Damas, à l'égard duquel elles pratiquaient "une culture de la docilité".Ce qui, ajoutait Syria Campaign,  aurait permis "que la distribution de milliards $ d'aide internationale soit dirigée par l'une des parties [contribuant] ainsi à la mort de milliers de civils, soit par famine, soit par maladie liée à la malnutrition, soit par manque d'accès au soins médicaux". Le rapport révélait aussi qu'en 2015, moins de 1% de la population des zones assiégée avait reçu de l'aide alimentaire chaque mois, et qu'en avril 2016, 88% de l'aide acheminée depuis la Syrie avait été distribuée dans le secteur gouvernemental et seulement 12% dans les zones aux mains de la rébellion. Enfin, le rapport indiquait aussi que, "d'habitude, dans l'humanitaire, [le] principal interlocuteur est le ministère des Affaires sociales" Et donc que "le fait qu'en Syrie ce soit le ministère des Affaires étrangères montre à quel point la question de l'aide est politisée". Les NU avaient alors rétorqué qu'on leur faisait un "faux procès", et invoqué "le réalisme" face aux dangers qui menacent des convois (Le Monde, 18.6.16).

Faut-il rappeler aussi, avec The Guardian, que des organisations et personnes proches de Bachar Al-Assad ont reçu, malgré les sanctions, pour plus de 20 millions $ d'aide humanitaire des NU, dont 13 pour le gouvernement?Ainsi, deux agences de l'ONU seraient partenaires, à hauteur de 8,5 millions $, du Syria Trust Charity, présidé par l'épouse du président Al-Assad, Asma. L'UNICEF aurait aussi versé 268.000 dollars à l'association Al-Bustan Association, organisation caritative contrôlée par Rami Makhlouf (cousin de Bachar Al-Assad considéré comme le plus riche businessman de Syrie) et 700.000 dollars d'aides onusiennes distribués à sa société de téléphonie mobile Syriatel . L'OMS aurait, quant à elle, versé plus de 5 millions $ pour soutenir la banque de sang nationale syrienne, contrôlée par le ministère de la Défense. Fin août dernier, Jens Laerke, porte-parole de l'OCHA, déclarait que "si l'on n'accepte pas le fait que le gouvernement syrien décide avec quelles ONG l'ONU peut travailler, les agences de l'ONU ne pourraient pas sauver autant de vies, comme elles le font actuellement".

Le peuple, escamoté

Ces accusations me semblent par ailleurs relever d'une curieuse cécité - probablement volontaire - quant aux conditions sur le terrain. Elles relèvent aussi d'une obnubilation quant aux "terroristes" digne d'un George Bush, d'un François Hollande ou d'un Vladimir Poutine. À Alep-est, en effet, la population et les milices locales insurgées contre le régime, ne doivent en effet pas être enclines à protester au nom des droits de l'Homme contre le Front-al-Nusra, qu'elles ont... appelé à la rescousse parce que désespérant d'un autre secours. Bombardées quotidiennement depuis des mois et affamées, cette population et ces milices locales, ne doivent pas non plus nourrir beaucoup d'égards pour les morts des chabiha... Comme l'écrit Le Monde (20.10.16), la résilience des quartiers orientaux d'Alep s'explique aussi par le soutien de la population à ses défenseurs. Une population "qui continue de préférer la rébellion au régime Assad". Ce que confirme en partie le fait que les "corridors humanitaires" par deux fois proposés par les Russes pour permettre son évacuation sont restés quasiment déserts.

Mais, plus important, il y a dans cette vision, binaire, du confit syrien - opposant essentiellement des groupes armés "terroristes", "jihadistes" et majoritairement composés d'"étrangers", à l'armée "nationale" du régime épaulée par ses alliés - comme un soin méticuleux à "oublier" la population , la "société civile" syrienne. N'est-ce pas là une curieuse manie de la part d'"anti-impérialistes" attachés à la lutte des peuples pour leur émancipation? Reprenons ici la citation de B. Drweski: sans "combattants étrangers arrivés de l'extérieur, il n'y aurait pas de combats à Alep". La population, le peuple d'Alep, réduits à "quelques faire-valoir locaux recrutés à coups de pétrodollars", "disparait" tout bonnement.

Cet escamotage, Cécile Hennion le constate aussi dans Le Monde (23-24.10.16), où elle place les casques blancs au cœur de "la galaxie d'organisations hétéroclites composant la société civile" syrienne et la qualifie d'"aboutissement d'une initiative locale lancée par des jeunes d'un même quartier". Quid de James Lemesurier? L''ombre dans laquelle agit l'agent présumé de l'OTAN ne sert-elle pas aussi à recouvrir l'initiative d'auto-organisation de la population syrienne insurgée?

Statue de la Liberté de l'artiste alépin Tammam Azzam (Le Figaro, 25.10.16)

Pourtant (certains ne me pardonneront pas la référence!), selon François Burgat - qui s'exprimait tout récemment dans Le Monde (23-24.10.16) et lors d'une invitation de l'association Taayush à Bruxelles - (24 octobre), si les groupes armés dits "modérés" de la rébellion alépine - dont la grande majorité est 'estampillée" ASL -  se sont alliés au Front-al-Nosra/ Fatah-al-Cham, c'est parce qu'ils avaient pour cela "de bonnes raisons que nous ["Occidentaux"] ne voulons pas entendre": à savoir le fait que le Front ait, à l'opposé des "internationalistes" de Daesh, un "agenda national", qu'il refuse les combattants étrangers non -arabes et "n'exerce pas de violence sociale contre les populations [sunnites]".

Orientalisme, encore et toujours

La cécité et la surdité que Burgat dénonce dans le chef des élites politiques occidentales se retrouve donc - en pire - chez nos "anti-impérialistes". Les premières, en effet, refusent de considérer comme des interlocuteurs les formations "extrémistes" de la rébellion, à savoir celle qui ont un "agenda" anti-occidental - qui n'en a pas aujourd'hui au Proche-Orient? - et un projet de "société islamique". Pour les seconds, nous l'avons vu, - cf. le dessin du Drapeau rouge - il n'y a pas de distinction à faire entre "modérés" et "radicaux" au sein de la rébellion anti-Bachar. Chez les uns et les autres, l'on retrouve donc la même attitude - éminemment orientaliste - consistant non seulement à décréter qui sont les "bons" et les "mauvais" musulmans, mais de surcroît à imposer (Burgat) le "comment être musulman". Et à "ne considérer légitimes que ceux [des musulmans] qui, en politique, usent de la religion sur un modèle calqué sur sa propre construction républicaine".

Notons ici que le fait, chez les détracteurs des casques blancs, de pointer du doigt la devise de la Défense civile syrienne - "Sauver une vie, c'est sauver l'Humanité" - en tant qu'inspirée d'une sourate du Coran (Cécile Hennion), apparaît aussi comme fort révélateur. Révélateur d'une adoption aveugle par nos "anti-impérialistes" de la vision laïcarde d'un François Hollande, d'un Manuel Valls et consorts...

Paul Delmotte

Professeur de politique internationale, retraité de l'IHECS

25 octobre 2016

Encadré

Alep-est, Alep-ouest, donnant-donnant?

Divers observateurs "anti-impérialistes" rétorquent, face à l'insistance des médias mainstream sur les bombardements russo-syriens d'Alep-est, qu'Alep-ouest est également touchée par les tirs de roquettes et de mortiers de la rébellion syrienne qui, eux aussi, frappent des civils.

Que vaut cet argument?

Certes, Tant Alep-ouest, aux mains des forces loyalistes, qu'Alep-est, tenue par la rébellion, ont été frappées durement au cours de 5 ans de conflit. Des images satellites, comme celles fournies par l'American Association for the Advancement of Science (AAAS),montrent le niveau de destruction de la ville depuis l'été 2012. Cependant, affirmait l'AAAS déjà en 2013, "les destructions affectent presque exclusivement le côté rebelle [...] Sur 713 cas de destruction observés sur la période étudiée (août 2012-mai 2013), 6 seulement concernent des zones sous contrôle gouvernemental". Ceci donc avant la dernière offensive aérienne lancée sur Alep-est au printemps dernier.

Il n'est donc pas question d'oublier ni de nier les victimes civiles d'Alep-ouest du fait des tirs rebelles. Autre chose est de prendre en compte l'ampleur des bombardements, aériens et d'artillerie, les moyens qui y sont affectés et le nombre de victimes qu'elles entraînent de part et d'autre.

Dans une interview au Figaro (12.8.16), Frédéric PICHON, chercheur associé à l'université de Tours et hostile à la rébellion, déclarait toutefois qu'en s'emparant en 2012 de la partie occidentale d'Alep, l'armée syrienne avait "pu réduire considérablement les attaques aveugles qui visaient les quartiers loyalistes et kurdes et qui faisaient des dizaines de morts chaque semaine".

Enfin, l'opposition syrienne armée ne dispose pas d'aviation, ni de quoi larguer des barils explosifs, contrairement à ce qu'écrit B. Drweski (Peut-être Drweski confond-il barils d'explosifs largués depuis les airs et bombonnes de gaz tirées par des roquettes?)...

Une carte permet de se faire une idée des destructions infligées à chacune des parties de la ville il y a quelque 6 mois.

Source:Leïla Vignal,Syrie: La stratégie de la destruction, in Idées, 29 mars 2016

De même, les destructions qu'ont connues les villes de Homs ou de Hama peuvent difficilement être imputables, par leur ampleur, aux forces rebelles.

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