Sans doute les façons dont on finance les films atteignent, ces temps-ci, leur limite et ne permettent plus ce foisonnement d’audaces et d’expériences que les années 60 ou 70 ont connu.
Il y aurait un mouvement qu’on retrouve un peu partout depuis les années 80, dans tous les domaines de la création et de la pensée et qui forcément gagne aussi le Cinéma, qu’il faudrait regarder… Je ne sais pas si j’en serai capable… Je remarque que les années 60 et 70 avaient Sartre, Foucault, Deleuze et que nous avons ces souris de ville et des champs que sont BHL et Onfray…
Je remarque, aussi, en tant que spectateur, que les films sont de plus en plus uniformes et qu’il faut aller chercher loin, ici en Thaïlande, là au Mexique, pour trouver des choses inattendues…
Je n’en pense rien, je me garderai de faire des hypothèses hâtives sur quelque chose qui me paraît faire se coïncider plusieurs choses qui peuvent avoir un lien de corrélation mais pas forcément de causalité…
Au moment où il s’agit de monter un projet de film comme le nôtre, un film qui ne ressemble pas à ce qui se produit ces temps-ci, la chose est trichotillomaniaque…
Le secteur privé s’obstine à voir les films comme des produits de marché dans une logique de concurrence et du moindre risque qui les condamnent au consensus et au convenu…
La puissance publique joue son rôle quand elle soutient ce film thaïlandais ou celui mexicain dont on parlait, oui, pour sûr… C’est quand elle soutient les cinéastes français que ça se complique…
Dans l’idéologie allemande, Marx et Engels ont décrit comment un groupe fabrique une domination culturelle, non pas avec malignité ou ruse, mais simplement en recrutant ceux qui leur ressemblent avec lesquels ils partagent des goûts, des codes, des façons…
Le cinéma français est un cinéma de « bourges » blancs, selon l’expression que M. Delanoë utilise pour qualifier les habitants du 7e. On ne peut pas leur reprocher. Ce n’est pas de leur faute s’ils se sentent plus à l’aise, s’ils font plus facilement confiance à quelqu’un qui parle comme eux de problèmes qu’ils connaissent.
Il faut faire des films sur des « bourges blancs ». On peut faire des films très intéressants sur l’aristocratie, la classe moyenne, les précaires… et donc aussi, évidemment, sur la bourgeoisie… Là ne peut pas être la question…
Le problème, ce sont ces projets portés par des gens qui ne viennent pas de ce groupe, et qui ne tiennent pas à, ou ne savent pas, l’intégrer, qui abordent d’autres questions, qui défendent d’autres approches, qui ne trouvent plus du tout la possibilité de voir le jour… Le problème, on l’appellerait… Je ne sais pas… Le pluralisme ? Ou quelque chose comme ça…
Alors, nous tentons cette histoire de financement participatif pour voir si cela permet à un cinéma différent de ne pas être tout à fait asphyxier… On a une double gageure : réussir à financer le film, et la tâche est rude, parce qu’on ne sait pas vendre et faire l’article… et faire en sorte qu’avec d’autres codes, d’autres façons, on fasse quand même un beau cinéma, ça on peut y mettre toutes nos forces…