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28 Mai 1871
C’est le quotidien le Petit Journal à son tour qui cède à la folie meurtrière qui brûle les bourreaux de Versailles, qui agonit d’injures celles et ceux qui portaient de toute leur force et de tout leur courage l’espoir d’un monde plus juste. Les « abominations et ignominies » des communeux montrés « dans leur hideuse nudité », animés par des « instincts de bêtes fauves », ne méritent pas, aux yeux de l’auteur aveuglé, de « se laisser aller à éprouver quelque pitié pour ces êtres qui jouaient leur existence au service d’une idée ». Il ne ressent que de « l’exécration » pour ces « hordes de sauvages que tous les bouges de l’Europe avaient vomi sur notre sol ».
Il déplore « nos rue jonchées de cadavres, nos ruisseaux charriant du sang, nos murailles démantelées, nos maisons éventrées, nos toits effondrés, nos monuments détruits, écroulés sous l’explosion ou calcinés par les flammes » pour en imputer la responsabilité aux seuls communeux. Pourtant ce sont bien les soldats versaillistes qui recouvrent le sol parisien des morts qu’ils laissent sur leur passage ; ce sont bien les bourreaux versaillistes qui canonnent et détruisent Paris. Mais dans sa folie sanguinaire, l’auteur ne sait plus désigner que les incendies que les communeux déclenchent dans leur fuite pour retarder l’assaillant comme seule cause de ce « génie monstrueux de la destruction ». Et c’est heureux sans doute, pour l’auteur de ces élucubrations, que les républicains et les socialistes soient tentés de brûler la terre qu’ils abandonnent, ou plus précisément les symboles du pouvoir qu’ils défient comme le palais des Tuileries, parce que de toute cette haine qui prend en otage les pages de son journal, il ne trouve jamais rien d’autre à leur reprocher que ces incendies.
Et, certes, que pourrait-il leur reprocher ? D’avoir voulu protéger les plus fragiles de la société ? D’avoir tenté une gestion plus honnête de la chose publique ? Que peut justifier une telle férocité ? L’éducation gratuite des enfants du peuple ? De meilleures conditions de travail pour les ouvriers ? Qu’est-ce qui peut venir nourrir cette volonté folle de détruire et d’anéantir ? L’auteur, en tout cas, ne s’aventure pas à rappeler la suppression de quelques journaux décidées par des communeux ou la menace de tuer des prisonniers versaillistes jamais mise à exécution, parce qu’il sait forcément que la disproportion, la fureur des représailles versaillistes sauteraient aux yeux.
On sait bien que la chose politique est d’abord le délire d’un groupe qui assoit sa cohésion sur des légendes mystifiées qui régulent les tensions que génère sa cohésion même. On invoque des superstitions et des rituels, on désigne un autre, on s’infatue d’une identité qu’on fabrique de certitudes hallucinées. On le sait. Et pourtant, en voyant cette chose politique s’exaspérer pour motiver une pareille férocité, on peine à se rappeler que sa vocation était d’abord de pacifier les rapports entre les gens.
Cette férocité des conservateurs et des réactionnaires ne sait pas trouver sa limite. Le Petit Journal décrit plus loin l’accueil qu’ils réservent aux prisonniers communeux qui arrivent à Versailles. « La colère de la foule », « les cris des manifestants » sont très vite dominés par des violences d’hommes et de femmes qui entourent les malheureux et les « pressent », les « rudoient ». Excités par l’odeur du sang des corps de leur ennemi imaginaire, ils vont jusqu’à s’en prendre aux leurs, ceux qui appellent au « calme », à la « modération », ceux qui demandent à « respecter les vaincus ».
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