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Billet de blog 30 mai 2021

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La chute de la Commune

En fermant les yeux sur le massacre des communeux, en l'encourageant même, la droite montre ce qu'elle est, une caste tribale et xénophobe qui ne sait que défendre ses propres intérêts quel qu'en soit le prix. La République née de ce massacre, la République aujourd'hui, est forcément monstrueuse.

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Illustration 1

30 Mai 1871

La presse conservatrice et réactionnaire se scandalise : « Nous ne voulions pas y croire ! », « le crime est consommé jusqu’au bout » écrit-on dans le Gaulois. Quelques membres de la Commune ont pris sur eux de rassembler les prisonniers politiques : « Le 24, on fit […] l’appel des principaux otages. On les fit descendre dans la cour et là ils furent passés par les armes » raconte le journal. Qui s’opposait dès le début à la loi des otages, cette menace de représailles votée par la Commune il y a quelques semaines, ne peut que condamner ces exécutions sommaires, indignes des principes que le projet communal portait avec ferveur.

Mais la presse conservatrice n’a que faire de principes ni de justice. Elle ne s’offusque que de ces exécutions qu’elle compare aux « massacres de septembre » de 1792 et ne prononce pas un mot pour calmer les fureurs de son camp. Au contraire.

Avec ce retard de l’impression, les journaux annoncent la chute de la Commune aujourd’hui. Le Siècle qui se prétendait d’une droite modérée, se noie à son tour dans la férocité des bourreaux de Versailles : « Ainsi finit ce lamentable drame, où une bande de scélérats cosmopolites a conçu et a tenté de mettre à exécution le monstrueux projet de détruire Paris, ne pouvant l’entraîner dans son orgie démagogique ». Et de raconter les derniers combats : « La lutte a pris depuis hier un caractère de férocité dont il n’y a pas trace dans les annales de nos guerres civiles », sans jamais condamner la violence disproportionnée que le gouvernement fait s’abattre sur celles et ceux qui rêvaient d’un monde plus juste : « Nos soldats ne font plus de quartier ; ils massacrent sans pitié tous ceux qui leur tombent entre les mains ».

Le Siècle note en passant que « les membres de la commune, les incendiaires et les soldats pris dans les rangs des insurgés » sont exécutés sommairement sans accompagner la nouvelle de l’outrage auxquels les otages de la Commune ont eu droit. Cette partialité, cet aveuglement au regard de leurs propres crimes en dit long sur ce qui motive les conservateurs et les réactionnaires dans cette lutte. Ils ne viennent pas défendre des principes, affirmer une façon de faire société. Non. Ils vont au combat avec leurs pulsions tribales et xénophobes. Ils défendent leur caste et considèrent ceux qui voulaient s’en prendre à leurs intérêts comme leur ennemi. Eux qui délirent la famille et la nation d’ordinaire font abstraction de ces valeurs quand ils tuent d’autres français, leurs frères, leurs sœurs. « Etrangers », « scélérats cosmopolites », à chaque fois que les conservateurs, même les plus « modérés » se réfèrent aux communeux, c’est en les faisant autres, étrangers, à peine humains, pas assez en tout cas pour mériter les ménagements qu’ils se réservent à eux-mêmes.

Il faut le voir, poser ses yeux, soutenir le regard. Le massacre des bourreaux de Versailles montre le visage des conservateurs, le visage monstrueux d’un corps tribal et xénophobe. Il faut les voir, ces conservateurs, savourer le massacre de milliers de personnes et s’indigner de la mort d’une poignée d’hommes. Il y a une raison. Il y a forcément une raison. C’est que les conservateurs pensent par castes, défendent leurs intérêts, maintiennent et étendent leurs pouvoirs et privilèges. Dans leur représentation inégalitaire du monde, la mort de dizaines de milliers de gens qui défiaient leur pouvoir n’est rien contre la mort d’une poignée des leurs.

Ce massacre des bourreaux de Versailles accompagne la naissance d’une République qui se voulait sociale, soumise aujourd’hui par toute la violence de leurs ressources à cette représentation conservatrice, inégalitaire, tribale et xénophobe. Non, cette République n’est pas, ne sera plus une organisation composée de membres qui se valent et s’équilibrent, ici la droite, là la gauche, ici les plus riches, là les plus pauvres, qui débattent, défendent leurs intérêts et finissent par s’accorder. Non. La représentation de différents courants de la société aux assemblées, l’alternance même aux responsabilités entre un parti de droite un jour et un parti de gauche le jour suivant est une mystification qui tend à faire accroire que toutes les voix finissent par être entendues. Mais ce dont cette République est faite à partir de ce massacre, ce dont elle sera faite demain, c’est d’une poignée de puissants qui mettent au pas le reste de la société, voient le monde par la lorgnette de leurs propres intérêts, font montre d’une indulgence illimitée pour les leurs, délirent les fautes plus ou moins imaginaires des autres, ou plutôt exagèrent la seule faute qui compte vraiment à leurs yeux, celle de s’en prendre un tant soit peu à leurs privilèges. Et demain ce seront les peuples colonisés, les communistes, les juifs, les femmes, les personnes qui ont un goût sensuel ou une identité qui diffère, les musulmans et toujours et de toutes façons les pauvres, à qui cette République ne peut pas se permettre de laisser la moindre place, à moins de reconnaître qu’elle est ce monstre.

Voir le film : https://vimeo.com/ondemand/lacommunedeparis

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